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Etienne Le Labourier (Groupe Guillin) : « Relever le défi du changement climatique »

Le 24 avril, le Parlement européen a adopté de nouvelles mesures pour rendre les emballages plus durables et réduire les déchets d’emballages dans l’UE. A cette occasion, rencontre avec Etienne Le Labourier, administrateur délégué de Guillin Italia, groupe leader européen des solutions d’emballages alimentaire.

Etienne Le LabourierEtienne Le Labourier
Etienne Le Labourier, administrateur délégué de Guillin Italia
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 6 mai 2024, mis à jour le 8 mai 2024

Le Parlement européen a donné son feu vert au règlement sur les emballages et déchets d'emballages (Ppwr), lors de la dernière session avant la fin de la législature le 24 avril dernier.
Avant d'être publié au Journal officiel de l'UE et entrer en vigueur, l'accord doit encore être formellement approuvé par le Conseil. Le texte a déjà fait l’objet d’un accord préalable avec le Conseil de l'UE en mars dernier.

Les ambitions du Ppwr

Les emballages sont une source de déchets en constante augmentation, avec 84 millions de tonnes au total dans l’UE en 2021, contre 66 millions de tonnes en 2009.
En adoptant cette réglementation, le Parlement entend lutter contre l’augmentation constante des déchets, harmoniser les règles du marché intérieur et à encourager l’économie circulaire.

 

Réduction des emballages et restrictions sur certains types d’emballages
-    Objectifs de réduction des emballages : 5 % d’ici à 2030, 10 % d’ici à 2035 et 15 % d’ici à 2040.
-    Taux d’espace vide maximal de 50 % pour les emballages groupés, de transport et du commerce électronique.
-    Interdiction de certains types d’emballages en plastique à usage unique à partir du 1er janvier 2030 : pour les fruits et légumes frais non transformés inférieurs à 1,5KG ; pour les aliments et boissons conditionnés et consommés dans les cafés et les restaurants ; pour les portions individuelles (condiments, sauces, crème ou sucre) ; les miniatures pour les articles de toilette et des sacs en plastique très légers (d’une épaisseur de moins de 15 microns).
-    Interdiction des "polluants éternels" (substances d’alkyle perfluoré et polyfluoré, ou PFAS) au-delà de certains seuils dans les emballages en contact avec les denrées alimentaires, pour prévenir les effets néfastes sur la santé.

Encourager les possibilités de réutilisation et de recharge pour les consommateurs
-    Objectifs spécifiques d’ici à 2030 de réutilisation pour les emballages de boissons alcoolisées et non alcoolisées (à l’exception du lait, du vin et des spiritueux), les emballages de transport et de vente, ainsi que les emballages groupés. Les États membres peuvent accorder une dérogation de cinq ans à ces exigences sous certaines conditions.
-    Les distributeurs finaux de boissons et de plats à emporter devront permettre aux consommateurs d’apporter leur propre contenant. Ils devront également s’efforcer de proposer 10 % de leurs produits dans un emballage réutilisable, d’ici à 2030.

Emballages recyclables
-    Tous les emballages (à l’exception de ceux fabriqués à partir de bois léger, de liège, de textiles, de caoutchouc, de céramique, de porcelaine ou de cire) devront être recyclables et remplir des critères stricts.
-    Objectifs minimaux de contenu recyclé pour les emballages en plastique (sous réserve d’aptitude au contact alimentaire)  et objectifs minimaux de recyclage en fonction du poids des déchets d’emballage.

 

Depuis plus de 50 ans, le Groupe Guillin écoconçoit, fabrique et distribue des solutions d’emballages alimentaire. Quelles sont les implications du Ppwr pour votre secteur ?

Nous offrons des solutions d’emballages alimentaire pour la grande distribution, la restauration, le commerce traditionnel, l’industrie agroalimentaire, les producteurs de fruits et légumes et les collectivités. Aussi, nous devons être en mesure de répondre aux besoins de nos clients en apportant des solutions aux exigences de chacune des utilisations.
Depuis 50 ans, nous devons nous réinventer en permanence, et nous n’avons pas attendu ce règlement européen pour le faire. Nous avons été les premiers à abandonner les PVC pour le PET ; les premiers à incorporer du PET recyclé dans nos emballages. Et cela fait maintenant plusieurs années que nous investissons dans d’autres technologies et matériaux. A l’origine, le Groupe Guillin n’offrait que des solutions d’emballages en plastique ; nous travaillons désormais avec le carton, le papier, ou encore la pulpe. Le plastique n’est en outre plus celui d’hier dès lors que l’on réintègre du recyclé de manière de plus en plus importante. Au total, nous avons ainsi une gamme de 25.000 produits d’emballage, de qualité haut de gamme, tous recyclables, et nous sommes le seul acteur à proposer des solutions réemployables ou à usage unique.
Ce règlement vient, au fond, conforter la stratégie du Groupe.

Rappelons aussi que le règlement aura des exceptions nationales, ce qui est contraire à l’esprit d’un règlement européen qui vise à harmoniser les pratiques au sein de l’UE. Ces pratiques risquent de créer des distorsions de concurrence au sein du marché intérieur… ce qui est difficile à envisager pour nous, mais aussi pour l’ensemble des acteurs européens. Le Groupe Guillin a 22 usines de production en Europe, chacune étant spécialisée, l’une sur les petits fruits, l’autre sur les grosses pommes ; nous nous réorganiserons pour continuer à répondre aux besoins spécifiques du marché.

 

Toute la problématique vient de ce que la réglementation est parfois en contradiction avec les intérêts environnementaux.

Et comment envisagez-vous les enjeux liés à l’urgence du développement durable ?

Nous vivons des moments très complexes mais très intéressants car ils s’inscrivent dans une logique d’amélioration continue. Le réglementaire ne vient qu’entériner ce que l’on s’efforce de mettre en œuvre depuis plusieurs années, même s’il nous pousse à certaines accélérations. Aujourd’hui, 20 à 25% de notre activité est réalisée avec des matériaux hors plastique, contre 3 à 4% il  y a 3 ans. Pour l’heure, cette accélération se note principalement en grande distribution plus qu’en restauration.  Toute la problématique vient de ce que la réglementation est parfois en contradiction avec les intérêts environnementaux : par exemple, certaines solutions en plastique sont dans le viseur d’une interdiction alors qu’elles offrent le meilleur bénéfice d'un point de vue des émissions de CO2 sur la chaine logistique, et que les alternatives en carton vont consommer 3 fois plus d’eau…

Toute est une question d’équilibre. La philosophie du Groupe Guillin est de ne pas opposer les matériaux, et de proposer le juste emballage pour chaque usage. Pour ce faire, nous réalisons nos propres Analyses de Cycle de Vie, certifiées, pour comparer les bénéfices environnementaux de chaque solution. Cet apport de connaissance est essentiel pour relever le défi du changement climatique.

Que représente la recherche et quelles sont vos dernières grandes innovations ?

Tous les ans, nous investissons entre 5 et 7% de notre chiffre d’affaires tant au niveau technologique qu’en recherche et développement.
Nous disposons d’une cellule de recherche en innovation et matériaux, chargée de détecter toutes les nouvelles technologies sur les matériaux, le recyclage, la réintégration de matériaux dans nos process de fabrication et sur l’optimisation de nos emballages. Nous travaillons beaucoup sur l’écoconception, destinée à utiliser le moins de matériaux possible tout en assurant les mêmes fonctionnalités du produit, à savoir la sécurité sanitaire. Aussi, nous offrons davantage de produits hybrides, et le maximum d’emballages recyclables.
Actuellement, nous travaillons beaucoup sur des matériaux comme la cellulose et la pulpe, des matériaux végétaux qui peuvent être réintégrés dans les emballages.

 

barquettes d'aliments

 


Le plastique est le matériau le plus efficace pour réduire le gaspillage alimentaire – à l’origine de 10% des émissions de CO2 d’origine humaine mondiales !


Quelles sont les difficultés majeures ?

L’une des difficultés est par exemple que l’on a toujours besoin de fonctionnalité telle que la résistance à l’eau et au gras, nécessitant encore d’ajouter une fine pellicule de plastique. Pour autant, nous avons déjà des solutions disponibles pour qu’elle soit biodégradable. Il existe également un frein économique. Ces solutions d’emballages durables coûtent plus cher, mais il faut aussi qu’elles soient soutenables.
C’est pour cela que nous réalisons des analyses de cycle de vie de nos emballages, afin de proposer toutes les alternatives assurant un juste équilibre. Par exemple, le plastique s’avère plus vertueux pour certains emballages de fruits et légumes, comme les framboises. C’est le matériau le plus efficace pour réduire le gaspillage alimentaire – à l’origine de 10% des émissions de CO2 d’origine humaine mondiales !

Guillin a récemment renforcé sa présence dans la Péninsule, avec l’acquisition de deux sociétés italiennes. Que représente le Groupe à l’échelle européenne et italienne ?

Nous sommes leader dans notre segment de marché (l’emballage alimentaire de produits frais) grâce à une présence dans quasiment dans tous les pays européens, et nous commercialisons dans 70 pays. Un emballage sur trois vient du Groupe Guillin.
Au total, le Groupe compte 32 sociétés en Europe dont trois en Italie. Deux sont spécialisées dans les emballages de fruits et légumes dont une uniquement dans le carton, et l’autre est en charge du food service, soit les aliments classiques vendus en grande distribution, restaurants et commerces traditionnels.

Le Groupe Guillin est également engagé dans la sauvegarde des océans.

Le Groupe est en effet membre fondateur de Prevented Ocean Plastic. Près d’un milliard de bouteilles plastiques collectionnées, sélectionnées et recyclées sur les côtes les plus à risque de pollution marine ont été réintégrées dans nos barquettes destinées à la conservation des produits frais.

Nous serons en outre présents dans le monde de la Voile, et notamment au prochain Vendée Globe, en sponsorisant Fabrice Amadeo, skipper et ancien journaliste, et sa campagne inédite de mesures scientifiques des océans durant ses courses à travers le monde. Son bateau est équipé de deux capteurs océanographiques. Le premier, permet de mesurer le CO2, la salinité et la température des océans. Les données seront ensuite mises à la disposition de l’ensemble de la communauté scientifique internationale, afin de mieux comprendre les conséquences du réchauffement climatique sur l’océan.
Le second capteur est un capteur de microparticules, offrant l’opportunité aux scientifiques de réaliser une étude inédite pour qualifier la pollution aux microparticules dans les océans. Fait intéressant, cette étude a permis d’identifier d’autres formes de pollutions, notamment les fibres textiles issues des eaux usées que nos machines à laver rejettent massivement dans les cours d’eau puis dans les océans.

 

MAR
Publié le 6 mai 2024, mis à jour le 8 mai 2024

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