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SALAIRE MINIMUM – Jusqu'où la dégringolade ?

Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 21 octobre 2013, mis à jour le 22 octobre 2013

Véritable référence salariale en France, le Smic ou salaire minimum est loin d'être une norme en Europe. En Italie, un smic généralisé n'existe pas en tant que tel même si la Constitution du pays aborde le sujet. De l'autre côté des Alpes, c'est la convention collective de chaque branche qui stipule le salaire minimum. Focus sur le smic à l'italienne.

Loi française vs Constitution italienne
La France prévoit un décret qui fait un ajustement du smic chaque année; au 1er janvier 2013, il est de 9.43 euros de l'heure, ce qui correspond pour une semaine de travail de 35 heures à une rémunération de 1.430.22 euros bruts. Des valeurs qui nous sembleraient communes et répandues en Europe mais pourtant il n'y a pas de smic valable pour tous en Allemagne, Autriche, Chypre, Danemark, Finlande, Suède et Italie.

En Italie, c'est la Constitution de la République italienne qui apporte une précision. En effet, l'article 36 prévoit que ?le travailleur a droit à une rétribution proportionnée à la quantité ou qualité de son travail, et dans tous les cas, suffisante à assurer à soi même et sa famille une existence libre et digne?. En cas de litiges, il appartiendra au juge de déterminer la somme (art. 2099, co.2, c.c.). Généralement, la ?rétribution suffisante? correspond à celle indiquée dans le contrat collectif du salarié.

La Constitution prévoit aussi la durée de travail. Sur 24 heures, un salarié ne peut pas travailler plus de 13 heures et chaque semaine, le travailleur a droit à une période de repos d'au moins 24 heures consécutives.

L'article 37 reconnait les mêmes droits aux femmes: ?Les femmes qui travaillent ont les mêmes droits et salaires que l'homme employé. Les conditions de travail doivent permettre aux femmes de remplir leur rôle essentiel dans la famille et assurer à la mère et enfant(s) une protection spéciale et adéquate.? Il est néanmoins souvent difficile de trouver un emploi compatible avec la vie de famille.

Des salaires italiens en dents de scie
Chaque rétribution est différente suivant le contrat collectif de travail dont dépend l'employé. Le Code Civil italien affirme seulement, dans son article 2099, que le salaire doit être prévu ?selon les modalités et les termes du contrat collectif". Il n'y a donc aucune indication concrète.

Francesca Topetti, avocate spécialisée dans le droit du travail et la responsabilité médicale, précise: ?Ce sont aux Contrats Nationaux de travail (CCNL), qu'il appartient de déterminer la rémunération appropriée selon les principes de la Charte constitutionnelle. Cependant, le salaire varie en fonction de la catégorie professionnelle. Un minimum, ainsi qu'un maximum, sont prévus, ce qui garantit le principe constitutionnel selon lequel le salaire équivaut à la quantité et qualité du travail effectué?.

La différence de salaires est souvent énorme si on compare les pays européens. Par exemple, de 123 euros en Bulgarie, on passe à 1.758 euros au Luxembourg, soit une échelle de 1 à 12. Seuls 6 pays européens dépassent 1.000 euros. La France en fait partie, contrairement à l'Italie.

Selon le site internet kitech.it, un professeur d'université pourra percevoir entre 1.350,12 et 2.837,48 euros alors que le contrat collectif prévoit pour un employé d'une agence de tourisme et voyages des honoraires variant de 700,05 à 1.542,02 euros. Une différence importante mais très réglementée. En Italie, la typicité du contrat collectif fait loi.

Pour Maitre Topetti, ?chaque secteur professionnel, par la détermination du solde prévu dans le contrat collectif, est en mesure de répondre aux besoins de l'employé(e), suivant la proportion de qualité et quantité de travail effectuées?.

Ce n'est pas le cas pour Francesca, jeune adulte qui travaille en tant que rédactrice/correctrice de livres pour une personnalité de la télévision italienne: ?Je travaille 5 jours sur 7 et gagne 700 euros bruts (soit 560 nets), une misère ! Mais je n'ai rien trouvé d'autre?, malgré une licence en lettres et communication, un master 1 et 2 en journalisme et une spécialité en communication. Elle a subi le début de la crise économique de plein fouet. Travaillant pendant ses études, elle n'a pu être embauchée après l'obtention de son diplôme, puisque l'entreprise a fermé. Elle a donc continué et fait un master (6ème année en Italie, la spécialité en France) de communication. Mais sa situation n'a guère changé puisqu'elle se retrouve ensuite en stage non rémunéré en tant qu'assistante styliste. De nouveau, elle supporte la fermeture de l'entreprise et se retrouve sur le marché du travail. Elle trouve alors cet emploi, mal payé se sent obligée de l'accepter.

Un autre exemple courant à Rome: les baby-sitters venant des pays tels que l'Indonésie, les Philippines, sont payées moins de 1.000 euros par mois pour un travail de 6 jours sur 7, à raison de 10 heures par jour. Mais face à la crise italienne, et la difficulté de trouver un emploi, la population est obligée d'accepter ce qui vient à n'importe quel prix.

Les plus touchés par la précarité sont les jeunes qui enchainent les stages sans trouver un emploi à la sortie. Le chômage des moins de 25 ans atteint 41% en Italie. Enrico Letta en fait son cheval de bataille et souhaite réduire ce taux d'au moins 8% selon un plan proposé en juin dernier, suite à un entretien avec le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy.

Vers une évolution ?
Certains dénoncent le système. C'est le cas d'Eleonora Voltolina qui écrit et publie Se potessi avere 1.000 euro al mese. L'Italia sottopagata (Si je pouvais avoir 1.000 euros par mois. L'Italie sous-payée). Page après page, elle raconte le calvaire du monde du travail, notamment pour les jeunes, exploités via des stages non rémunérés sur de longues périodes.

Certains décident de partir à l'étranger: ils sont plus de 27.000, selon le site d'information ilsole24ore. Un jeune journaliste italien a d'ailleurs créé le blog Io torno se (Je rentre si) dans lequel il donne la parole à des Italiens expatriés. L'idée est simple : définir les conditions qui les feraient rentrer au pays. C'est aussi le sujet d'un film Generazione 1.000 euro. Comme le héros du film, Francesca s'est posé la question ?mais j'aime l'Italie, j'aime ma langue et je souffre à l'idée de devoir partir de mon propre pays, loin de mes proches. Je préfère résister et tenter de réaliser mon rêve ici, en Italie?.

Le 3 juillet 2011, une pétition a été lancée. Le groupe ?Nun Te Regghe più?, nom emprunté à la célèbre chanson de Rino Gaetano, décide de lancer un mouvement de protestation. Plus de 120.000 signatures seront récoltées jusqu'au 29 mars 2012. À cette même date, les signatures de la proposition ont été remises au Secrétaire général de la Chambre des Députés. C'est la première fois que le président de la Chambre reçoit en mains propres une proposition d'initiative populaire, née grâce à Facebook et sans l'intervention d'aucun parti politique. Le mouvement demande un ajustement du salaire minimum aux normes européennes et un minimum de 600 euros aux personnes qui gagnent moins de 7.200 euros à l'année.

Cette volonté d'alignement est aussi un v?u formulé par Jean-Marc Ayrault. Le 6 septembre, il a expliqué à France Bleu que les pays européens devaient progresser sur leur salaire minimum. Cela éviterait des ?distorsions de concurrence?. L'Allemagne avait commencé à faire un pas grâce à Peer Steinbrück, candidat de gauche lors des dernières élections législatives. Mais Angela Merkel, qui s'est positionnée contre la création d'un salaire minimum a été réélue. Elle a annoncé vouloir laisser cette question aux mains des partenaires sociaux pour le négocier par branche et par région.

Capucine Camplong (Lepetitjournal.com de Rome) - mardi 22 octobre 2013

Crédits photos:
- Photo 1: Diarodelwed.it
- Photo 2: Editori Laterza

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Publié le 21 octobre 2013, mis à jour le 22 octobre 2013

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