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France-Singapour à moto : le pari réussi d’Oscar à 25 ans – 2ème partie

Le périple d’Oscar Aynaud, aventurier moderne désormais basé à Singapour, est riche d’aventures si nombreuses qu’un seul article ne suffirait pas à les relater. Après la première partie parue hier et recommandée en fin d'article, voici aujourd’hui la seconde partie, de la Russie à Singapour.

Oscar est habillé en dresseur d'aigle.Oscar est habillé en dresseur d'aigle.
Avec l'aigle et l'habit traditionnel, Sud du Kazakhstan
Écrit par Corinne Rousset
Publié le 4 mars 2024, mis à jour le 21 mars 2024

Lorsqu’on rencontre Oscar, on est d’abord charmé par ses manières impeccables, sa façon humble de toujours rire aux éclats pour déjouer les questions trop personnelles, ou la noblesse de son attachement, presque désuet, aux valeurs traditionnelles de la France. Mais ne nous y trompons pas. Derrière sa face d’ange et son allure discrète, Oscar Aynaud est un jeune homme d’une énergie puissante et rare, qui aimante tous ceux et toutes celles qui ont la chance de croiser sa route.  

Après quelques sueurs froides en Irak, Oscar parcourt la Russie, en passant par la Géorgie, remonte jusqu’à Moscou, avant de traverser tout le pays vers l’Est. Là, son périple personnel croise encore la grande histoire : Il reste bloqué plusieurs heures sur la route entre Volgograd et Moscou, lorsque le mercenaire oligarque Prigozhin remonte en convoi militaire sur la capitale pour tenter son coup d’état en juin 2023.  

Dans un bar-thé dansant improbable à Omsk, sorte de lieu tout droit sorti du roman 1984, où la jeunesse se réunit pour boire et refaire le monde, il fait la connaissance d’un groupe de jeunes hackers russes. Comme les autres avant eux, ils se hasardent à quelques confidences à voix basse, tout en regardant prudemment autour, et partagent leurs doutes sur le régime, leur désaccord sur la guerre en Ukraine, leur horizon incertain. 

 

Oscar Aynaud campe au bord du lac Song Kui au Kyrgystan.
Bivouac au bord du lac Song Kul, Kyrgystan

En traversant la Sibérie, où il campe dans les steppes, Oscar rejoint le Kazakhstan, qui sera le zénith de son voyage. Seul au monde, il découvre des sites d’une beauté à couper le souffle, entre vallées, pics enneigés, rivières et glaciers, écrins d’une nature magiquement préservée.  

Ses passages aux stations d’essence sont souvent l’occasion de précieuses rencontres. Régulièrement, on lui paye son plein d’essence. Un jour, un type conclut avec lui un touchant marché : Oscar doit enregistrer un message vidéo d’amour en français, proclamant sa passion pour l’épouse adorée. En échange, lui aussi lui paye son plein. Notre réputation de peuple romantique a encore de beaux jours devant elle.   

Là encore, un habitant local le prend sous son aile. Cette fois c’est un russe installé depuis longtemps au Kazakhstan, ancien militaire de l’époque soviétique ayant fait fortune dans les mines. Armid vit dans une ambiance de fin de règne, entouré de serviteurs loyaux jusqu'à la mort à qui il dicte non-stop toutes sortes d’ordres, comme si le téléphone portable n’avait jamais fait effraction dans son monde. Pendant des heures, il enseigne à Oscar les pierres, leurs caractéristiques, et leur valeur. À son départ, il insiste pour lui offrir son précieux, mais lourd équipement militaire russe de l’époque. Oscar, qui voyage léger, doit refuser. Son hôte, ne sachant plus que faire pour honorer son jeune prodige, appelle tous ses amis à Almaty, pour qu’Oscar y soit reçu comme un prince. Promesse tenue. Le jeune homme est accueilli chez des russes au même profil interlope, invité dans des restaurants baroques aux allures de palaces défraîchis, où des quantités surréalistes de plats défilent, servis par des armées de serviteurs. Partout où il passe, son nom est sur les listes de soirées délirantes, où le champagne coule à flots et où des créatures en shorts sexy enjambent des motos de luxe. 

L'un de ces notables tente même de lui proposer sa propre fille. Après tout, n’est-il pas le gendre idéal ? Il est vrai qu’à ce stade de son voyage, Oscar parle anglais avec l’accent russe !  

 Le jeune aventurier traverse le Kirghizistan et le Tadjikistan, où ses compagnons russes rencontrés plus tôt débarquent en puissants 4x4, remorquant des motos rutilantes pour des rallyes improvisés en plein désert. Il se passe toujours quelque chose d’un peu dingue avec les russes. Ça tombe bien, Oscar aime l’imprévu. Il traverse ensuite l’Ouzbékistan et le Turkménistan pour rejoindre l’Iran.  Changement de décor, Il est touché par la gentillesse et la souffrance de jeunes et d’intellectuels qui aspirent à une autre vie. Mais, à mesure qu’il se rapproche du Pakistan, les convictions s’estompent, se font moins critiques, et c’est tout juste si les adultes s’étonnent que beaucoup de jeunes aiment curieusement … s’habiller uniquement de noir.

 

Oscar Aynaud répare sa moto.
Pneu crevé, atelier improvisé au milieu des yourtes, Kyrgystan

En arrivant au Pakistan, Oscar découvre une civilisation qui a trop vite pris le virage de la modernité sans avoir eu le temps d’en comprendre les implications. Tandis que les femmes restent invisibles dans l’espace public, on jette les bouteilles du haut des bars de rooftops branchés, et tant pis si des passants se les prennent sur la tête.  

Le pays est d’ailleurs dangereux, désormais le jeune homme est escorté en permanence par des gardes de l’armée, pour éviter tout enlèvement. Heureusement, il n’est pas seul. Au milieu de ce chaos, quelques motards croisés en chemin font temporairement communauté avec lui. Car l’expérience est saisissante. L’un d’eux voudrait faire des courses ? L’armée évacue le magasin et monte la garde. L’hébergement en camp militaire est obligatoire. Et dans la cour de la caserne, une véritable cage expose à la vue de tous, une dizaine de prisonniers talibans aux regards de fous et en proie à un délire religieux continu. Au quotidien, des pick-ups conduits par des combattants en armes déjantés s’arrêtent en trombe dans des nuages de poussière, débarquent des types hurlant, bandeau ensanglanté en travers du visage. En contraste de ce tableau dystopique, Oscar écoute de la musique classique dans ses oreillettes. Ça pourrait être une scène de Mad Max.  

 

Oscar Aynaud est protégé par des gardes armés.
Sous haute escorte militaire, traversé du désert du Balouchistan, Pakistan

Les dissonances semblent définitivement faire partie de ce pays puisque le Pakistan abrite aussi la plus belle découverte de son voyage.  Quand Oscar attend parler des Kalash, ce peuple shaman autrefois fort de 100 000 membres, dont il ne reste qu’une petite communauté d'à peine 4000 aujourd'hui, car reclus et persécuté par les factions islamiques aux alentours, il part aussitôt à leur rencontre. Aux contreforts de l’Himalaya, au nord-ouest du Pakistan près de la frontière afghane, l’ascension, à flanc de falaises, est réputée dangereuse, a fortiori à moto. La route de la mort - c’est ainsi qu’on la nomme - traverse un paysage austère en brise-lames, pénétré de violents torrents, qu’il faut dompter jusqu’à près de 3000m d’altitude. Plusieurs fois Oscar manque d'y laisser sa peau, mais sa bonne étoile comme toujours le protège. Une fois parvenu en haut, dans ces villages construits sur des pitons rocheux, il partage durant quelques jours le quotidien de cette communauté paisible, où filles et garçons vont à l'école ensemble, font le baisemain en signe de respect, et qui depuis des millénaires, survit grâce à son agriculture, ses traditions indigènes, et sa culture unique. Son séjour dans cette communauté ébranle profondément ses convictions sociales.   

Après l’Asie centrale et l’Asie du Sud, Oscar met le cap sur l’Asie de l’Est et rejoint sa destination finale, Singapour en passant par l’Inde, le Népal, la Chine, le Laos, le Cambodge, la Thaïlande, et la Malaisie.  

En arrivant au Tibet, au pied du versant nord du sommet du monde, le choc est rude.  C’est l’hiver, son corps encaisse difficilement les 75 degrés de différence depuis l’Iran. La propagande aussi lui est pénible. A Lhassa, des soi-disant touristes chinois le suivent en permanence, bien trop soucieux du contenu des explications historiques de ses guides. Heureusement, la fin du voyage se fait plus douce, les températures se réchauffent. L’arrivée à Singapour sonne comme le couronnement final. Mission accomplie, même si Oscar le sait, ce voyage continuera encore longtemps de vivre en lui et d’opérer ses magiques effets. 

Vous pouvez suivre les aventures d’Oscar Aynaud sur son compte Instagram.

 

Oscar Aynaud circule sur les routes du Tibet.
Sur les routes du Tibet avec Chris, mon copain Américain, Tibet

 

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