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France-Singapour à moto : le pari réussi d’Oscar à 25 ans – 1ère partie

Le périple d’Oscar Aynaud, aventurier moderne désormais basé à Singapour, est riche d’aventures si nombreuses qu’un seul article ne suffirait pas à les relater. Aujourd’hui, en voici la première partie, de la France au Kurdistan. La seconde, recommandée en fin d'article, paraîtra demain.

Oscar Aynaud est en Cappadoce.Oscar Aynaud est en Cappadoce.
Lever de soleil avec envol des ballons, Cappadoce, Turquie
Écrit par Corinne Rousset
Publié le 3 mars 2024, mis à jour le 22 avril 2024

 

Lorsqu’on rencontre Oscar, on est d’abord charmé par ses manières impeccables, sa façon humble de toujours rire aux éclats pour déjouer les questions trop personnelles, ou la noblesse de son attachement, presque désuet, aux valeurs traditionnelles de la France. Mais ne nous y trompons pas. Derrière sa face d’ange et son allure discrète, Oscar Aynaud est un jeune homme d’une énergie puissante et rare, qui aimante tous ceux et toutes celles qui ont la chance de croiser sa route.  

Tout commence il y a quelques semaines. Oscar me contacte, il cherche un hébergement à Singapour. En guise de carte de visite, je reçois une vidéo du périple qu’il vient d’accomplir : France- Singapour à moto. Exploit réalisé en 300 jours, 35 pays, 55 000 kilomètres.  

Déjà très impressionnée, un détail supplémentaire m’accroche. Comme moi, il a voyagé au Turkménistan, ce pays aussi fermé que la Corée du Nord, où si peu de gens ont pu entrer. Immédiatement, je décide de l’accueillir. En contrepartie, il devra tout me raconter. Depuis le début.  

Remontons trois ans en arrière. Sitôt son école de commerce terminée (il désertait les cours et passait le plus clair de son temps dans des programmes d’échange entre Shanghai et Taiwan ou dans des usines de Shenzhen pour dénicher des idées d'entreprenariat), Oscar est en quête d’une aventure humaine. C’est ainsi qu’il s’engage dans la marine, à bord du porte-hélicoptère de la mission Jeanne d’Arc. 

Pendant presque un an, Oscar parcourt le monde sous le drapeau tricolore en tant qu’officier en charge des relations publiques. Il est le plus jeune à bord, et son rôle, en plus des missions qui lui sont confiées, sera d'amuser la galerie des gradés. Oscar garde un souvenir ému de cette intense expérience humaine en mer, c’est aussi la genèse d'une soif d’indépendance et de quête existentielle.  

Après “La Jeanne”, c’est ainsi qu’il nomme cette expédition militaire avec affection, Oscar caresse un nouveau projet :  devenir pilote, si possible pour l’armée. Avec l’argent de sa solde, il achète une moto, s’installe sur un bateau initialement à vendre, mais qu’un retraité décide finalement de lui donner (on verra qu’il ne sera pas le seul à manifester une telle générosité, et que tous les cœurs, même les plus fermés, s’ouvrent magiquement dans le sillage d’Oscar) et prépare son brevet de pilote. Pendant deux mois, dans le sud de la France, le jeune homme expérimente la liberté pure, entre mer sur son bateau, terre sur sa moto et ciel dans le petit avion, où, chaque jour, il apprend à voler. Au bout du chemin pourtant, une cruelle désillusion l’attend. Il rate son examen et met une croix sur ses doux rêves d’aviateur. 

 

Oscar Aynaud campe en Toscane.
Bivouac en Toscane, Italie

Le meilleur remède au désenchantement est le départ pour l’aventure. Ce sera bien sûr à moto, pour mieux appréhender la réalité des espaces topographiques. Destination la Grèce, pour commencer. Les préparatifs sont minimalistes : seule dans la confidence, la grand-mère d'Oscar convie un prêtre pour bénir la bécane ; le jeune homme la décore d'illustrations du Petit Prince de Saint Exupéry, qui sera son totem pendant tout le voyage. Le seul vrai préparatif sera l’achat d’un équipement destiné à le protéger tant du froid, du chaud, que des chutes. Pour le reste, les règles d’Oscar seront simples : ne jamais programmer de réveil, ne jamais réserver de nuit d’hôtel à l'avance pour accepter toute invitation spontanée, et ne jamais emprunter de moyen de transport autre que la moto.

Clin d’œil au destin, Oscar part le 1er avril 2023.  Commence alors un périple que peu d’entre nous pourrions envisager. Il évite les grandes villes, privilégie les zones reculées, les beaux paysages, les rencontres authentiques. Au hasard des voies empruntées, il croise d’autres motards avec lesquels il chemine quelques jours ou quelques semaines, noue parfois de profondes amitiés en dehors du temps, avant de reprendre sa route en solo. Sa manière d'aborder les locaux est radicalement simple : « Savez-vous où je pourrais planter ma tente ? » Et puis, lorsque la conversation s’amorce, montrant le large autocollant du Petit Prince : « Tu le connais, lui? »

Presque partout, son Petit Prince, mondialement reconnu, lui sert de sésame, délie les langues, et connecte les âmes.  En Italie, à la frontière slovène, Oscar fait sa première rencontre improbable. Il y en aura beaucoup d’autres. 

Artiste peintre, poète, magnétiseur, Tiziano, qui vient tout juste de perdre sa femme, sera un des premiers à succomber à l'aura du jeune homme. Lorsqu'il le suit chez lui, Oscar découvre avec stupeur une maison à l’architecture sphérique hallucinante, entièrement blanche, posée en haut d’une colline, telle une soucoupe volante.  En prenant la main d’Oscar, Tiziano pleure, subjugué par sa transcendante énergie, et appelle tous ses potes magnétiseurs qui viendront tour à tour toucher la main de celui qu’ils vénèrent presque en prophète. Au petit matin, Tiziano est bouleversé. Malgré la difficulté de leurs échanges (ils ne partagent aucune langue commune), il n’a pas dormi de la nuit, remué par cette rencontre. Il en a écrit un poème, qu’il offre, les larmes aux yeux à Oscar : “Angelo D’Argento.” 

Cap sur les Balkans. Il est souvent invité, mais campe parfois dans la campagne sauvage. En Albanie, des ours rôdent aux alentours de sa tente.  Dans chaque pays, on l'aborde, on lui demande ce qu’il fait, où il va, et on s’ouvre à lui, occasion pour lui de noter combien les rêves de la jeunesse varient à travers la grande Europe, et comme il est facile de façonner ses idéaux, car les jeunes kosovars rêvent étonnamment tous… d’une Green Card américaine.  

 

Oscar Aynaud rencontre des ours en Albanie.
Feu de camp en Albanie, rencontre avec des ours au matin

A peine son visa russe reçu en Grèce par DHL, Oscar quitte l’Europe pour la Turquie. Désormais, il le pressent : ce voyage sera plus long que prévu. De l’autre côté du Bosphore, l’ambiance est différente, il se sent très loin de chez lui. Qu’importe, il ne change pas sa méthode : ni guide touristique, ni préparatifs minutieux, Oscar privilégie les échanges avec les âmes que son destin place sur sa route. Au cours des discussions, les jeunes turcs lui confient leur haine d’Erdogan. Ils ne sont pas dupes de ses « cadeaux » quelques mois avant les élections.  Mais, à mesure qu’il progresse vers la frontière irakienne, le ton change, les opinions se durcissent, se font plus critiques envers l’Occident.  

 

Oscar Aynaud campe face au mont Arara
Bivouac à 3500m face au Mont Arara Turquie

En entrant en Irak cependant, les garde-frontières, peu habitués aux touristes trop rares, l’accueillent en messie. A chaque checkpoint, même scénario, même hospitalité : il faut s’arrêter, partager le thé et un yaourt. Son passage égaie les esprits et réchauffe les cœurs abandonnés.  Partout dans le pays, la même magie s’opère. Restaurateurs, hôteliers, interlocuteurs ordinaires, tout le monde invite Oscar, lui offre le gîte, le couvert, souvent les deux.  

Dans la plupart des pays traversés, ce sont toujours les mêmes questions... suivies des mêmes réactions : « Where you from ? France ? Yeah !  M’Bappé... »  À l’exception de l’Irak, où à l'évocation de sa nationalité, on lui crie des « Chirac ! Villepin ! » avec ferveur. Visiblement, notre refus d’entrer en guerre contre l’Irak a fait date. Vingt après, beaucoup ne l’ont pas oublié. 

Tout au long de son odyssée, Oscar percevra pourtant les échos de la guerre. Une nuit, alors qu’il a planté sa tente en plein désert du Kurdistan, en compagnie d’une motarde trop heureuse de l'avoir trouvé pour traverser l’Irak, une immense explosion retentit. La jeune femme croit à un orage, Oscar, habitué du fracas militaire, ne la contredit pas pour ne pas l’effrayer.  

 

Des kurdes accueillent Oscar Aynaud.
Accueil et hospitalité par les locaux, Kurdistan, Irak

Le lendemain, ils apprendront de la bouche des garde-frontières qu’ils ont planté leur tente en plein champ de mines. Quant au tonnerre, il s’agissait en fait d’une opération militaire de l’armée turque. 

A Barzan, Oscar visite le mémorial national honorant la mémoire du peuple kurde, massacré par l’armée irakienne. Parcourir les salles du musée consacrées aux horreurs du génocide, semblables à celles d'Auschwitz pour le peuple juif, le bouleverse. Partout la même barbarie humaine, la même égalité dans la monstruosité. Son voyage prend alors un tournant décisif. Puisque la vie est précieuse mais fragile, désormais il s'affranchira de la peur et affrontera le risque. Il annonce à ses parents son cap final. Ce sera Singapour.  

 

Oscar Aynaud visite le mémorial du génocide de Barzan.
Visite du mémorial du génocide de Barzan, Kurdistan, Irak

 

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