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ECRITURE - A la rencontre de Bertrand Leclair

Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 9 février 2016, mis à jour le 9 février 2016

Bertrand Leclair est écrivain et critique littéraire, installé à Rome depuis l'été 2014. Il est notamment l'auteur d'une quinzaine de livres parmi lesquels L'Invraisemblable histoire de Georges Pessant, Petit éloge de la paternité ou Malentendus, dont l'adaptation théâtrale poursuit actuellement une vaste tournée en France. Une partie de son prochain roman se déroulera dans la ville éternelle … Critique littéraire, il collabore aussi régulièrement au Monde des Livres.

Lundi 15 février, Mr Leclair commencera un cycle de conférences à Rome, dont l'objectif est d'appréhender la scène littéraire française, les enjeux d'écrire et de lire aujourd'hui, et d'en partager et d'en transmettre le goût et la nécessité. 

Récemment, le lundi 18 janvier 2016, Bertrand Leclair est intervenu auprès de deux classes du lycée Chateaubriand à Rome. Au cours de cette rencontre, il a parlé de son métier de critique et de son expérience personnelle d'écrivain. La classe de 3ème1 nous fait part dans cet article des points forts de cette rencontre.

Le rapport à l'étymologie  

L'étymologie est une science qui a pour objet de rechercher l'origine des mots d'une langue donnée, et de reconstituer l'ascendance de ces mots. Monsieur Leclair a expliqué que l'étymologie d'un mot est très importante pour un écrivain, il a fait une comparaison: “le langage est comme de la glace, on y glisse dessus, sans faire attention aux mots qu'on emploie. Le travail de l'écrivain est de casser la glace pour approfondir le sens de ce qu'il écrit, et ne pas rester en surface”.

Nous avons beaucoup aimé l'explication de l'étymologie du mot “chance”. L'écrivain a expliqué que ce mot dérivait du mot latin “cadere” qui signifie tomber. De “cadere” dérive aussi le mot “cadavre”, le tombé de la mort, qui est un mot plutôt négatif et a pourtant la même racine de chance. Nous utilisons ce mot dans la vie quotidienne en pensant qu'il ait seulement un sens positif alors que si nous l'employons dans la phrase “il a de fortes chances de mourir”, il n'a pas réellement un sens positif mais un sens négatif. La chance est souvent représentée par un lancement de dés, c'est de là que naît l'expression, car, une fois que nous lançons les dés, seulement la chance pourra déterminer le résultat - qu'il soit positif ou négatif -,  c'est donc une incertitude.  Cela est donc un paradoxe : un mot qui aujourd'hui est plutôt positif, a une étymologie négative.

Si vous hésitez à continuer le latin, pensez à cet exemple. En effet, le latin nous aide à comprendre la signification des mots, comprendre les origines de la langue française et italienne, et, comme nous a expliqué M. Leclair, c'est utile pour jouer avec les mots lorsque l'on écrit... et cela est très amusant aussi!

Le temps de la création 

Nous avons demandé aussi à Mr Leclair combien de temps il consacrait à l'écriture.  Il nous a précisé que, contrairement à d'autres auteurs comme Sartre, il écrivait à n'importe quel moment de la journée. En général, il rumine ses histoires et théories alors qu'il est en train de faire tout autre chose et, lorsqu'une idée lui vient à l'esprit, comme s'il était sous l'emprise d'une “pulsion”, il se rue vers son ordinateur ou son carnet pour la noter, pour se libérer des images qui l'obsèdent ou exprimer “ce qu'il n'a pas le droit de dire”. Même si une idée ne suit pas la chronologie des autres, elle est quand même écrite et c'est lorsque l'auteur commencera à avoir suffisamment d'idées qu'il rassemblera ses notes chronologiquement et commencera à travailler à des moments précis et sur le long terme.

Selon ce que Monsieur Leclair nous a exposé, un livre, un texte, un roman, un article, est uniquement le résultat de l'assemblage d'un grand tas d'idées surgies par hasard. Les idées deviendront ensuite les lignes, les phrases, le contenu de son texte écrit; ce contenu composé d'instants et de pensées qui se sont organisés dans le temps. L'écrivain s'inspire du banal pendant des années, jusqu'à arriver au moment de plonger dans la langue, se laisser glisser dans l'écriture et composer son œuvre. Ce que l'on aime est de pouvoir s'inspirer de tout épisode et ne pas devoir se creuser la tête pendant des heures pour trouver un sujet strictement juste. Du moment que nous pensons, nous sommes tous des écrivains.

La question de la durée n'a pas de sens à ses yeux. S'il fallait répondre à la question “En combien de temps avez vous écrit ce texte ? ”, il aurait pu répondre “en 2 mois” comme “en 20 ans”. Vingt ans, c'est le temps d'élaboration et d'inspiration durant lequel il pense à la construction de son ouvrage, à des phrases pour son roman et les écrit pour les mettre ensuite dans son livre. Deux mois, c'est la durée pendant laquelle il assemble toutes les idées qui mènent à un livre : celui-ci ne ressemblera pas forcément à son idée de départ mais il aura grandi, sera meilleur, plus conforme à ce que l'écrivain souhaitait exprimer, et lui révèlera certaines choses sur lui-même qu'il ignorait jusque là. La passion et la franchise étaient là et c'est ce qui a rendu la conférence plus vivante.

L'écriture est une pulsion 

Un auteur a plusieurs façons d'écrire, pour d'autres lecteurs ou pour lui-même. Dans le premier cas, un auteur écrit uniquement pour le succès, en fonction d'une attente qui sert à satisfaire l'opinion publique, sans que l'argument qu'il traite lui plaise particulièrement ou l'intéresse. Dans le deuxième cas, il écrirait d'une façon personnelle, sans se soucier de l'opinion d'autrui pour exprimer ses sentiments et ses pensées et leur manière de voir la réalité. 

Quand il écrit, M. Leclair n'est jamais certain du résultat final. Il a abordé les thèmes de “justesse” et de “beauté”. Un livre, un texte se doit moins d'être beau que de sonner juste : l'auteur écrit, se relit ensuite pour vérifier que son ouvrage “sonne juste” à ses propres oreilles avant de se préoccuper de l'avis autrui. Ainsi, il écrit avant tout pour lui-même ce qu'il retient juste mais sait ne pouvoir jamais être Vrai - la Vérité étant insaisissable dans son ensemble, il explique ne pouvoir qu'espérer l'effleurer - et une beauté relative et éventuelle ne peut que s'ajouter ensuite. Prévoir l'esthétique d'un texte au préalable lui serait impossible. 

Cette pulsion d'écrire B. Leclair la ressent depuis très jeune et c'est ce besoin de mettre les pensées par écrit qui l'a poussé à devenir écrivain. Car en effet on ne « devient » jamais écrivain, on l'est dès lors que l'on pense. Quand on lit on est déjà écrivain, parce qu'on plonge dans le livre de la même manière que quand on écrit. C'est une idée intéressante qui n'est pas forcément évidente lors de la lecture de ses textes. Ce n'est pas un procédé commun à tous les écrivains de nos jours et cela lui permet une approche différente, plus sincère, des arguments qu'il aborde. 

La classe de 3ème1 du Lycée Chateaubriand de Rome (lepetitjournal.com de Rome) - Mercredi 10 février 2016.

 Cycle de conférences de Bertrand Leclair : première rencontre le lundi 15 février à 18h
«Pourquoi écrire et lire des romans aujourd'hui ?»
Villa Bonaparte, Via Piave, 23.
La réservation est obligatoire à eventi@ifcsl.com

Pour connaitre le programme dans son ensemble, cliquez ici

 

lepetitjournal.com rome
Publié le 9 février 2016, mis à jour le 9 février 2016

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