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Pologne – Union européenne, je t’aime moi non plus : le temps du bonheur - 1/2

Après un XXe siècle mouvementé, la Pologne réussit à intégrer l’Union européenne en 2004. Quelles ont été les raisons derrière la demande d’adhésion polonaise à l’UE ? Depuis, les relations n’ont pas toujours été au beau fixe et fluctuent selon le parti au pouvoir dans le pays. Près de 20 ans après son intégration dans la communauté européenne, il est temps de faire le bilan du parcours européen de la Pologne. Un dossier en deux parties, qui s’ouvre sur un premier volet : le temps du bonheur ou la quête d’indépendance et le besoin identitaire et économique de se tourner vers l’Ouest – l’UE étant ce moyen d’y parvenir. Histoire de la Pologne, héritage communiste et nouveaux défis, retour sur un parcours qui façonne encore la relation Pologne-Europe aujourd’hui.  

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Près de 20 ans après son intégration dans la communauté européenne, il est temps de faire le bilan du parcours européen de la Pologne.
Écrit par Auxane Perrier
Publié le 30 avril 2024, mis à jour le 1 mai 2024

 

Retour sur une histoire mouvementée traumatique 

Afin de comprendre le parcours de la Pologne dans l’UE, il faut s’intéresser à son histoire. Le journaliste polonais Marek Ostrowski résume que son pays a une « histoire qui serait trop lourde à porter [et] une approche trop émotionnelle [à la politique] ». 

La Pologne regagne son indépendance à l’issue de la Première Guerre mondiale, après avoir fait partie de la République des Deux Nations puis d’avoir vu son territoire partagé entre diverses puissances à partir du XVIIIe siècle. Par la suite, la Pologne est envahie par l’Allemagne en 1939. Le Pacte germano-soviétique a mené au partage du territoire polonais entre le Troisième Reich d’un côté et l’URSS de l’autre. La population polonaise a subi la répression tout au long de la Seconde Guerre mondiale et a véritablement été déchirée, notamment par la Shoah qui se déroule sur son territoire. 

La période de la République populaire de Pologne (PRL, 1944-1989), au cours de laquelle le parti unique, communiste, dirige le pays d’une main ferme, connait la reconstruction des villes détruites. Un large mouvement social se forme dans les années 1980 avec l’émergence du syndicat Solidarność qui unit les voix des travailleurs polonais. Se sentant menacé, le dernier dirigeant communiste de Pologne, le général Jaruzelski, instaure la loi martiale le 13 décembre 1981 qui durera jusqu’en juillet 1983. Après de longues négociations, les premières élections législatives partiellement libres se tiennent en juin 1989, Solidarność en ressort victorieux. En janvier 1990 la IIIe République polonaise est proclamée, et, au cours de l’année, Lech Wałęsa en devient le premier président. De 1945 à 1989, la Pologne était un véritable satellite de l’Union soviétique, faisant partie du Pacte de Varsovie (1955-1991) et de l’alliance économique COMECON (1949-1991). 

 

Quelles sont les motivations de la Pologne pour adhérer à l’Union européenne 

Après la chute de l’URSS et la fin du Pacte de Varsovie en 1991, très rapidement, la Pologne a souhaité s’éloigner de l’ancien bloc communiste. L’OTAN déclare, en 1997, avoir l’intention d’accueillir trois nouveaux membres : la Pologne, la République tchèque et la Hongrie. Ces trois états intègrent l’OTAN deux ans plus tard, en 1999. La nouvelle protection assurée par l’OTAN permet à la Pologne d’assurer son indépendance, alors qu’elle était vulnérable face à son voisin menaçant, la Russie – que la majorité des Occidentaux ne qualifiaient d’ailleurs plus de danger, voyant l’intégration des pays de l’Est dans l’OTAN comme un expansionnisme américain. 

Il y a en Pologne un attachement très important à la souveraineté et à l’indépendance nationale, après trois périodes historiques traumatisantes pour la population polonaise, à savoir les partages territoriaux de la Pologne, l’occupation nazie puis la dictature communiste – qui ont comme point commun l’absence d’un État polonais indépendant. Les XIX et XXe siècles sont encore très présents dans le subconscient des Polonais d’aujourd’hui, le philosophe Henryk Wozniakowski affirmant que « le poids du passé est plus lourd en Pologne que dans les autres pays Occidentaux ».  

 

Traumatisme national : les partitions de la Pologne – quand le pays a disparu !


En 1991, le groupe de Visegrád, dans sa forme moderne, prend également forme. Composé de la Pologne, Tchéquie, Hongrie et Slovaquie, l’objectif de cette organisation intergouvernementale était initialement de resserrer leur coopération et d’accélérer leur processus d’adhésion à l’UE, désormais il promeut leurs intérêts communs au cœur des institutions supranationales dont ils font partie. 

La priorité de la Pologne à partir de 1990 a véritablement été l’intégration politique et économique à l’Union européenne. Son adhésion a été le fruit de 15 ans de réformes afin d’ajuster le droit et l’économie polonaise aux exigences des critères de Copenhague. Ce fut un long parcours pour la Pologne qui souhaitait rapidement retrouver sa place en Europe et qui cherchait une nouvelle position dans les relations internationales. 

L’intégration de la Pologne à l’UE s’explique principalement par des raisons d’identité symbolique – afin de retrouver son indépendance et retourner dans l’Europe dans laquelle elle s’identifie – et économique – pour développer son commerce avec ses nouveaux partenaires Occidentaux. La situation géographique de la Pologne a facilité son européanisation, notamment des « partis politiques, des administrations nationales centrales et de l’opinion publique ». L’entrée dans l’UE était présentée par les politiques polonais comme étant inéluctable et dans la continuité des réformes économiques qui ont marqué les années 1990.  

 

Le soutien populaire à l’intégration à l’UE 

La partie occidentale et la population urbaine polonaise ont été les plus favorables à l’intégration européenne, en partie à cause de l’effet de proximité. 

Alors que les agriculteurs étaient plutôt eurosceptiques, leur opinion sur l’UE a changé après 2004. En effet, le secteur agricole polonais a largement bénéficié d’aides directes financières et l’intégration européenne a permis à la balance commerciale agricole polonaise d’être largement en excédent commercial. « La bonne humeur des agriculteurs polonais permet de mesurer la satisfaction du pays à l’issue de sa première année dans l’Union européenne » pouvait-on lire dans Le Monde en 2005. Il est également ironique de noter que ce sont les régions qui étaient contre l’adhésion qui ont reçu les plus grandes subventions européennes par habitant dans les années 2004-2006.  

 

Étape clé du processus d’adhésion : le bon élève se réforme pour satisfaire les exigences européennes 

L’entrée dans l’Union a été précédée par une période de transition au cours de laquelle la Pologne devait répondre aux critères d’adhésion, c’est-à-dire avoir rempli des critères économiques et politiques. 

À la suite d’une période de transition qui n’a pas été très bien vécue (« thérapie de choc » – réformes économiques dans les années 1990 : difficiles mais réussies, L. Balcerowicz), l’accession à l’UE a nécessité de la Pologne d’intenses efforts d’adaptation. D’importantes contraintes financières ont été subies, c’était le coût à payer pour s’adapter aux législations européennes ; les mesures liées à l’environnement ont coûté particulièrement cher à la Pologne.  

La Pologne souhaitait ne pas avoir une longue période de transition afin de montrer aux états européens sa volonté de se comporter comme une bonne élève en concluant rapidement les chapitres de réformes.  

Les négociations entre l’UE et la Pologne ont formellement commencé en 1990, soit très rapidement après la chute des régimes communistes en Europe. C’est en 1994 que Waldemar Pawlak, qui était alors Président du Conseil des ministres de Pologne, a officiellement demandé l’adhésion de son pays à l’Union européenne. Les années qui ont suivi ont permis la mise en place d’une stratégie pour atteindre les exigences européennes en amont de l’adhésion.  

À la suite d’une période de négociations, le traité d’adhésion a été adopté à la majorité absolue par le Parlement européen (9 avril 2003) puis à l’unanimité par le Conseil de l’Union européenne (14 avril 2003) et ratifié par tous les États membres. Ensuite, un référendum eut lieu en Pologne pour entériner l’entrée de la Pologne dans l’UE – le « oui » a obtenu plus de 7 voix sur 10, avec une participation de 59%. 
La Pologne a officiellement intégré l’Union européenne le 1er mai 2004, en compagnie de neuf autres états – ce qui constitue à ce jour la vague d’intégration la plus large dans l’histoire de l’Union.

 

Article rédigé en juillet 2023

 

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