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La perspective écologique de cinq artistes japonais

En Février 2024, Lepetitjournal.com s’est rendu au Mori Art Museum pour découvrir l’exposition “Our Ecology Toward a Planetary Living: How Does Contemporary Art Respond to the Environmental Crisis” (Notre écologie vers une vie planétaire : Comment l'art contemporain répond-il à la crise environnementale ?). Dans la deuxième section intitulée Return to Earth (Retour à la terre), l’exposition s’attarde sur le cas japonais. Centrée autour des conséquences néfastes de la pollution sur le territoire nippon pendant la croissance économique de 1950 à 1980, ce chapitre nous fait découvrir une dizaine d’artistes japonais. Dans cet article, nous nous concentrerons sur cinq de ces artistes, portés à leur manière par la lutte contre le bouleversement climatique.

Oeuvre de Nagasawa NobuhoOeuvre de Nagasawa Nobuho
Écrit par Valentine Detournay
Publié le 1 mars 2024, mis à jour le 21 mars 2024

 

Nucléaire, plastique, information: différentes formes de pollution pour différentes formes d’art

À la fin des années 1960, le Japon était considéré comme le pays le plus pollué du monde. Face à la répercussion des bombardements atomiques de la Seconde Guerre mondiale et l’incitation à la consommation de masse, plusieurs artistes japonais ont réagi à la multiplication des sources de pollution.

Le fléau de la pollution nucléaire

Okamoto Taro (1911-1996) est un peintre et sculpteur adepte du surréalisme et de l’art abstrait. Passionné par la sociologie et la philosophie, il a été très impliqué dans le mouvement intellectuel des années 1930 à Paris où il a pu faire la connaissance de Pablo Picasso, André Breton ou encore Georges Bataille. Connu pour ses peintures dynamiques et colorées, l’artiste a conçu plusieurs œuvres autour du thème de la pollution nucléaire.

L’une d’elle, Man Aflame (L'homme en feu), est une image caricaturale des retombées radioactives provoquées par l'essai nucléaire américain de 1954 sur l'atoll de Bikini. Le tableau suggère la destruction de la mer, et implicitement de l’humanité tout entière. 

 

Oeuvre de Okamoto Taro
© Man Aflame, Okamoto Taro, 1955

 

À travers son exécution grossière, l’objectif de cet artiste est de montrer sa colère face à la plus grande invention destructrice de l’Homme et de la planète: le nucléaire.

Le Japon: une des premières sources du continent de déchet plastique 

De son côté, Tonoshiki Tadashi (1942-1987), né à Hiroshima d’un père tué par la bombe atomique et d’une mère tombée malade à la suite du même événement, partage cette même expérience traumatisante à travers l’art.

Cependant, l’artiste propose une réflexion plus générale sur le thème du déchet. Une de ses œuvres, Yamaguchi – Nihonkai - Niinohama, Okonomiyaki related materials, est un assemblage de deux tonnes de résidus récupérés sur la plage de Niinohama, dans la préfecture de Yamaguchi. L’artiste les a jeté dans un grand trou creusé sur la plage puis les a brûlé avec de l’huile.

 

Oeuvre de Tonoshiki Tadashi
© Yamaguchi – Nihonkai - Niinohama, Okonomiyaki related materials, Tonoshiki Tadashi, 1987, National Art Center

 

Cet immense amas d’ordures, majoritairement plastiques, est une alerte à la surproduction, cause majeure de notre dérèglement climatique.

L’information en sur-abondance, nouvelle forme de pollution

Si certains artistes se concentrent sur la pollution de produits toxiques qui détruisent l’environnement physique, d’autres mettent en garde contre la consommation de masse de manière générale.

C’est le cas de Kimura Tsunehisa (1928-2008), un artiste connu pour ses photomontages colorés et surréalistes utilisés pour la conception de posters ou de couvertures de magazines. 

Paradoxalement à ce travail vivant et futuriste, l’artiste propose un travail en noir et blanc pour une critique plus politique de ce qu’il appelle “la pollution par l'image". Selon lui, la pollution est aussi un foisonnement d’informations visuelles provenant des médias qui démantèlent la pensée humaine.

Kimura Tsunehisa nous partage son analyse à travers l’œuvre Buried in the Cross Section, une vue aérienne de gratte-ciel constitués de piles de journaux et de magazines usagés.

 

L’arrogance d’une civilisation anthropocentrée

D’autres artistes nous invitent à une réflexion plus philosophique sur ce grand thème qu’est l’écologie. Selon eux, les modifications climatiques observables aujourd’hui sont effectivement l’impact de différentes sources de pollution créées par l’Homme. Cependant, celles-ci seraient aussi le contre coup d’une conception anthropocentrée de l’évolution.

Koie Ryoji (1938-2020), céramiste de bols à thé fonctionnels et d’objets plus expérimentaux, véhicule lui aussi une critique acérée de la guerre nucléaire. Mais sa réflexion va plus loin ! À travers ses installations, il tente d’apporter un nouvel angle au débat sur le destin des hommes après leur mort. Que deviennent nos corps après notre vécu? 

 

Oeuvre de Koie Ryoji
© Return to Earth, Koie Ryoji, 1990

 

Return to Earth (Retour à la terre) figure parmi ses travaux: une montagne en argile non cuite et en forme de visage. Placée dans un parc, les piétinements de personnes l’ont fait disparaître progressivement. L’objectif de cette œuvre est de rappeler à l’Homme que la nature, bien plus grande, reprend toujours le dessus. La cause du changement climatique serait donc surtout la prétention de l’Homme à se sentir infaillible.

De son côté, Muraoka Saburo, sculpteur de travaux autour des thèmes de la gravité, la chaleur, la lumière et le son, propose une interprétation plus incisive de cette réponse. 

Dans Storage - The Ecology of Flies and Their Momenta, l’artiste a fabriqué une boîte en fer noir dans laquelle il a placé des asticots. Par un passage dans un tuyau, ces derniers se sont ensuite transformés en mouches, puis sont morts. L'œuvre dévoile leurs cadavres au bout de ce même tuyau. 

Tout comme Koie Ryoji, Muraoka Saburo nous fait comprendre que si nous nous concentrons seulement sur notre bien être personnel qui nous inflige un cadre très spécifique nous ne vivrons que dans un environnement dégradé.


Si vous souhaitez découvrir d’autres artistes internationaux mobilisés pour la même cause, n’hésitez pas à vous rendre à l’exposition ! 

Le premier chapitre vous invitera à comprendre le lien qui unit l’environnement à l’activité humaine à travers le travail d’artistes tels que Hans Haacke et Nina Canell. Grâce à la troisième section, vous découvrirez l'interprétation que des artistes comme Monira Al Qadiri, intimement liée au Japon, ont de l’exploitation des ressources de la Terre par L’Homme. Enfin, vous pourrez appréhender le débat actuel sur l’utilisation des nouvelles technologies avec un œil plus artistique.

 

Informations Pratiques

Quoi: environ 100 œuvres historiques ou conçues spécialement par l’édition par des artistes nationaux et étrangers.

Quand: Du 18 Octobre 2023 au 31 Mars 2024. 

Où: Mori Art Museum (53F, Roppongi Hills Mori Tower).


 

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