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L’affaire Carlos Ghosn vue d’un autre angle

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Écrit par Elena El Meliani
Publié le 10 avril 2020, mis à jour le 10 avril 2020

Yann Rousseau et Régis Arnaud, deux journalistes français, ont pris le temps d’expliquer à l’association Femmes Actives Japon tous les tenants et les aboutissants (ou presque) de la rocambolesque affaire Ghosn. 


Dans un petit café français du quartier d’Aoyama, Femmes Actives Japon se retrouvait en petit comité pour un échange sur l’affaire Carlos Ghosn. C’était aussi l’occasion d’en apprendre plus sur le travail d’investigation et de rédaction pour l’écriture d’un livre. En l’occurrence ici, Le fugitif. 


« C’est un personnage froid, distant, toujours très professionnel. », Yann Rousseau, correspondant du journal les Echos et de Radio Classique au Japon décrit immédiatement l’ancien homme d’affaires comme quelqu’un qui n’est pas dans le copinage. Cette affaire a été sous le joug de l’actualité dès le premier jour.


Le 19 novembre 2018, l’affaire éclate. Et pourtant, plus tôt dans la journée, rares étaient les personnes au courant de l’arrestation imminente de l’ancien patron de Renault-Nissan. « Tout le monde était sous le choc et nous les premiers », confie le journaliste. À 23 heures, une conférence de presse était organisée à Yokohama. Personne ne comprenait la situation, pas même le premier intéressé. 


« Non, ce n’était pas un complot » 


Lorsque certains défendent la théorie d’un complot, d’autres parlent plutôt d’une machination politique. Toute l’histoire est révélée, et même les personnes les plus renseignées sur l’histoire apprennent de nouveaux éléments. 


Plus Carlos Ghosn obtenait du pouvoir et moins il supportait la contestation et  les critiques. En pensant tenir d’une main de fer l’entreprise, il s’est en fait condamné tout seul. Il était de moins en moins présent au Japon ; ces passages étaient éclairs et avaient toujours un but bien précis. Ses amis sont devenus des ennemis et son absence, sa détermination et sa rigueur ont eu raison de lui. 


Tout le monde écoute, sans dire un mot, le récit des événements. Tous se délectent de l’histoire. Imaginez-vous à la place de Carlos Ghosn. Vous descendez de votre jet privé, vous venez de rencontrer un ministre à Beyrouth, vous atterrissez au Japon et en un rien de temps, vous vous retrouvez au milieu de condamnés à mort au centre de détention de Kosuge. 


Les malversations commises par l’ancien homme d’affaires ont été révélées par Toshiaki Onuma et Hari Nada, mais ils ne sont pas les seuls à avoir tourné le dos à Ghosn au sein de Nissan. Les histoires de fusion, l’absence permanente de celui qui récoltait tout et allait bientôt partir à la retraite… Beaucoup d’éléments ont joué en sa défaveur. 

 

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« Il a fallu recommencer le livre » 


L’écriture de La fuite a commencé au printemps 2019. Fin 2019, tout était prêt et il ne restait plus qu’à le publier. « Le 31 décembre, on apprend l’évasion de Carlos Ghosn. » Ébahis, les deux journalistes ont vite compris qu’il ne leur restait plus qu’à modifier le livre.


« Le titre initial étant « La chute », avec en couverture un Carlos Ghosn en prison, il n’était pas possible de ne rien faire », avoue Régis Arnaud. « Il y a par ailleurs une grande demande pour ces histoires de crimes en col blanc et d’évasions rocambolesques. » 


Ni une ni deux, Yann Rousseau et Régis Arnaud se rendent à la conférence de presse organisée à Beyrouth le 8 janvier. Plus de dix jours après son évasion, tout le monde voulait savoir et comprendre le déroulement de sa fuite. « Il a sélectionné les gentils et les méchants, on devait faire partie des méchants, puisque l’on n’a pas pu assister à la conférence de presse. » 


Les deux journalistes nous dévoilent leur point de vue, un point de vue neutre certes, mais un point de vue de l’intérieur. Ils avaient déjà rencontré le magnat de l’automobile à différentes reprises et étaient donc bien placés pour enquêter et révéler des éléments que peu connaissaient. 


D’espoir à contre-exemple 


Beaucoup le pensaient innocent. Nombreux étaient ceux qui voyaient en cette affaire une chance de changer le système carcéral japonais. Mais tous leurs espoirs se sont envolés à l’instant même où Carlos Ghosn quittait le Japon.


L’affaire Karpelès n’avait pas mobilisé la scène internationale, ni même française autant que l’affaire Ghosn. Mark Karpelès, ce surdoué français de l’internet qui avait été accusé de malversations en tant que patron de la plateforme d'échanges de monnaie virtuelle bitcoin. Lui-même avait aidé tant bien que mal Carlos Ghosn lors de son incarcération. Pour que ce dernier lutte contre l’ennui, Mark Kapelès lui envoyait des livres. Sa déception fut immense lorsqu’il a appris l’évasion de celui avec lequel il avait tissé des liens. 


« Il condamne tous les étrangers. » Yann Rousseau explique qu’en fuyant, Carlos Ghosn a signé sa culpabilité. Malgré la présomption d’innocence, ses agissements n’ont en rien arrangé la situation. « Il a en quelque sorte prouvé que la justice japonaise était trop souple, et à l’avenir, il y aura toujours cette jurisprudence Ghosn qui rendra les procès pour les étrangers encore plus compliqués. »
 

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