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BERTIL ANDERSSON- Comment Singapour est devenue un pôle d'attraction pour les étudiants et les chercheurs

Écrit par Lepetitjournal Singapour
Publié le 3 novembre 2013, mis à jour le 8 février 2018

Le  Président de la Nanyang Technological University (NTU), Bertil Andersson, est un biochimiste suédois. Venu à Singapour comme Conseiller du Gouvernement, il a pris les rênes de l'Université en 2011. A la fois témoin et acteur du développement de la cité Etat dans le domaine de la recherche scientifique et de l'enseignement supérieur, Il explique comment Singapour est devenue en quelques années un pôle d'attraction majeur.

Bertil Andersson
 L'afflux de chercheurs européens ici est-il vraiment une réalité ? Et pourquoi cet intérêt pour Singapour ?

C'est une réalité. NTU compte parmi son staff quelques centaines de scientifiques européens. 10% de nos étudiants en master et doctorat (sur presque 9000 étudiants) sont également d'origine européenne, et ce pourcentage est en augmentation. Dans la science, beaucoup de choses se passent maintenant en Asie. Avant, le monde était bi polaire : la « fuite des cerveaux » européens se faisait essentiellement en direction des Etats-Unis. Aujourd'hui on peut certes toujours aller aux Etats-Unis- même s'il est de plus en plus difficile d'obtenir des visas- mais on peut également choisir l'Asie, particulièrement Hong Kong ou Singapour. L'un des gros avantages de Singapour est que le pays est anglophone et facile à vivre, avec une ambiance très internationale. J'ai vécu dans plusieurs pays et Singapour a été celui où il a été le plus simple de m'installer.

Qu'est ce qui fait de Singapour un lieu incontournable pour la science ?

Singapour est un petit pays, qui ne peut pas compter sur des ressources naturelles pour développer son économie et attirer les investisseurs. Sa seule ressource ce sont ses habitants. D'où l'importance donnée à la formation  et à la recherche par le gouvernement, afin d'instaurer une économie et une « société de la connaissance ». Il a donc investi beaucoup d'argent dans ces domaines***. En Europe on parle beaucoup.  Alors qu'à Singapour on agit. Et puis c'est très  stimulant de travailler ici. Nous avons recruté de très grands savants. Cela a créé une sorte de « vague », d'émulation scientifique. On a l'impression que la science est en marche ici. L'inflexion a commencé dans les années 2000. Tout s'est fait ces dix dernières années ! Je suis arrivé ici en 2007.

En ce qui concerne NTU, quelles sont les raisons de son succès?

En quelques années NTU est devenue la 41° meilleure université au monde*.  J'ai appliqué les meilleures pratiques internationales. Nous avons embauché des professeurs qui sont des « super stars » et nous avons d'excellents élèves. Cela a créé une ambiance stimulante.

Les conditions de vie jouent aussi : nous avons ouvert un campus résidentiel où les étudiants et les professeurs peuvent vivre et travailler dans de bonnes conditions. Ils ont tout à portée de mains. Nous sommes en train de construire un immeuble très novateur, The learning hub, où les élèves peuvent étudier, travailleur sur leur projet de groupe et s'aider les uns les autres 24 h/ 24, 7 jours sur sept. Les étudiants d'aujourd'hui sont très différents de ceux d'hier. Ils apprennent différemment. Le temps des cours magistraux en amphithéâtre est révolu.  Nous avons lancé des petites classes, développé un enseignement plus personnalisé, ouvert aussi des salles de cours dotées d'équipement interactifs, où les étudiants ont davantage de possibilité de poser des questions. Nous voulons faire le campus du XXI° siècle !   

Et pour l'avenir, quels sont les grands axes de développement de l'université?

Nous avons développé de nouveaux départements. Auparavant NTU était une école d'ingénieurs. Nous avons désormais une  école de commerce, une école d'humanités et de sciences sociales, et une autre dédiée à l'art, au design et aux médias. Nous venons de créer une école médicale, la Lee Kong Chian School of Medicine, en partenariat avec l'Imperial college London, qui se délocalise pour la première fois d'Angleterre, pour venir à Singapour. Elle a commencé à admettre des étudiants en août et ouvre ses portes dans quelques semaines dans le second campus de Novena. Ici les choses vont vite : on mène les projets à bien en 4 ou 5 ans, alors qu'en Europe cela en aurait pris 15. Nous avons aussi développé une expertise scientifique sur les questions environnementales. Ici on vit sous les tropiques, les enjeux écologiques sont différents. L'université héberge 2 centres sur la question: l'Earth observatory of Singapore et le Singapore centre on environmental life sciences engineering. Savez-vous quelle est la première cause de mortalité dans le monde ? Il s'agit de l'eau sale****. Et bien nous nous sommes spécialisés sur la question à travers nos écoles et nos centres de recherche.

NTU est classée n°1 des universités au niveau des  partenariats avec l'industrie. Estimez-vous que c'est cette importance donnée à la recherche de débouchés concrets qui fait sa spécificité?

Plutôt que de recherche appliquée et de recherche fondamentale, Je préfère parler de recherche appliquée et de recherche qui n'est pas encore appliquée. En effet, nous travaillons beaucoup avec l'industrie. Nous avons des collaborations avec Thalès, Bosch, BMW, entre autres. Un exemple de ces collaborations est le travail mené dans le cadre de l' Advanced Remanufacturing & Technology Centre pour co-développer des technologies de « remanufacturing » à destination des industries de l'aérospatiale, du pétrole et du gaz, de la marine et de l'automobile. Le remanufacturing est plus efficace que le recyclage, car il préserve non seulement  le contenu des matières premières, mais aussi une grande partie de la valeur ajoutée créée lors de la fabrication du produit.


Propos recueillis par Agnès Noel (www.lepetitjournal.com/singapour) lundi 4 novembre 2013


NTU en chiffres :

33 500 étudiants
41° université au niveau mondial, selon le classement QS World university rankings 2013
76° université au niveau mondial, selon le classement Times Higher university rankings  2013

La Nanyang Technological University compte 200 Français: étudiants, professeurs ou chercheurs.


•    notamment en France où il a dirigé la fondation européenne de la science à Strasbourg de 2003 à 2007
** 201-300 dans le classement de Shanghai 2013
*** 16,1 milliards de dollars singapouriens consacrés à la recherche pour la période 2011-2015
**** les maladies liées à l'insuffisance ou à l'absence d'eau potable constituent la première cause de décès dans le monde, avec 3,6 millions de victimes par an.


logofbsingapour
Publié le 3 novembre 2013, mis à jour le 8 février 2018

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