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Olivier Castaignède lance la version anglaise de son premier roman, « Radikal »

En 2017, Olivier a publié ce premier roman, en français. Pour élargir son audience, il en a fait une version anglaise, qui sera officiellement lancée le 4 novembre. Lepetitjournal.com l’a rencontré pour en savoir plus sur la genèse de ce roman, surprenant et provocateur à bien des égards et particulièrement actuel.

Radikal Olivier CastaignèdeRadikal Olivier Castaignède
Écrit par Jean-Michel Bardin
Publié le 22 octobre 2023, mis à jour le 4 novembre 2023

 

Olivier, comment un ingénieur polytechnicien devient-il écrivain de roman ?

En fait, j’ai toujours été attiré par l’écriture. Dès l’âge de 9 ans, j’ai écrit un premier « roman », inspiré par les livres de la Bibliothèque verte. En 1991, j’ai eu un prix au concours général en composition française. A 18 ans, je me suis lancé dans l’écriture d’un roman, mais cet essai n’a pas abouti et j’ai mis mes aspirations littéraires de côté pour me concentrer sur mes études scientifiques.

Ce n’est qu’en 2015 que mon ancienne passion s’est ravivée à la lecture de l’ouvrage didactique du romancier américain Lawrence Bloch, « from Plot to Print ». J’ai alors découvert que les œuvres littéraires ne sortaient pas toutes finalisées de la tête de génie, que l’écriture ne s’improvisait pas, mais résultait de l’application d’une méthode, comme toute autre activité. J’ai donc interrompu ma carrière d’ingénieur commercial dans le domaine des cartes à puce, pour me lancer dans l’écriture méthodique de mon premier roman, la version française de « Radikal ». J’ai ensuite passé une maitrise en création littéraire au collège Lasalle de Singapour, où je résidais déjà depuis 15 ans.

Depuis, j’en ai écrit un autre en français, « Secrète Lalibela » (Présence Africaine,2021) et j’ai aussi terminé un manuscrit non-publié en anglais Sex Continuum. J’ai également écrit quatre nouvelles en anglais (« The (travel) junkie », « The heart of the matter », « The roller-coaster, « The beautiful doll ») en 2017 et 2018, et une pièce de théâtre en anglais, « Love etc », qui a été jouée à Singapour en 2021.

 

Olivier Cataignède
Olivier Castaignède

Que raconte Radikal ? 

C’est la chute vers le djihadisme d’un jeune indonésien branché. Hendra est DJ dans le club le plus chaud de Djakarta, qui fait à la fois office de night-club, de centre de distribution de drogues en tous genres, et de lieu de prostitution. Il vit une existence haute en sensations entre la prise d’ecstasy, la musique techno dont il raffole et qui lui vaut son surnom de Radikal, et la relation intime et suivie qu’il a avec une femme transgenre.

Tout va bien jusqu’au jour où un client occidental du club introduit le doute dans son esprit quant aux circonstances de sa naissance telles que relatées par sa famille. L’enquête qu’il entreprend alors lui faut découvrir des choses de plus en plus sordides sur ses origines. Cela le choque tellement qu’il est pris de fortes migraines, de plus en plus fréquentes, qu’il n’arrive à contrôler que par la drogue et des saignées.  Bientôt, il a besoin de nouveaux expédients pour apaiser ses tourments.

C’est la faille, celle où finit par s’introduire le djihadisme.

Comment avez-vous été amené à choisir un sujet aussi scabreux ?

J’ai lu à l’époque un article de journal relatant l’exécution d’un pilote jordanien par l’Etat Islamique : il avait été brulé vif et la personne qui avait procédé à l’exécution était un musulman d’origine indonésienne. Je me suis alors demandé comment quelqu’un, issu d’un peuple aux mœurs en général douces et adepte d’une religion prônant la paix, pouvait en arriver à de telles extrémités. Le but de mon roman était alors de proposer une explication à cette spirale de la violence. Rappelons que c’est à cette même époque que des attentats terroristes ont endeuillé la France. Je suis d’autant plus sensible à ce sujet que je me suis converti à l’Islam en épousant ma femme, musulmane, en 2005.

La difficulté du sujet m’a amené à essuyer une trentaine de refus avant de trouver un éditeur prêt à me donner une chance.

Comment construit-on un roman ?

Une fois l’idée générale de l’intrigue établie, il y a deux manières de procéder. Certains, les « plotters » préfèrent planifier le roman de A à Z, en commençant par un résumé des différents chapitres, qu’ils détailleront ensuite. Au contraire, les « pantsers » (de l’expression anglaise « flying by the seat of your pants », qui signifie aller de l’avant sans trop de préparation), dont je suis, esquissent brièvement les personnages avant de se lancer dans l’écriture, les idées arrivant au fur et a mesure. L’important est alors de rédiger rapidement un premier jet, sur lequel il faudra ensuite revenir à moultes reprises, sans chercher à peaufiner le style. Le premier jet ne m’a pris que 3 mois, mais il y en a eu 5 ou 6 autres derrière. En tout, la rédaction de la version française a duré 12 mois.

Si le roman est une fiction, il doit bien y avoir des éléments de réalité, issus soit de souvenirs ou expériences personnelles, soit de recherche documentaire. Qu'en est-il pour « Radikal » ?

Il y a plusieurs thèmes qui sous-tendent le roman et certains sont liés à des expériences personnelles.

Commençons par les lieux. Le club « XS », que je décris dans mon roman, a bien existé. Il s’appelait alors le « Stadium » et il a fermé en 2014 après qu’un policier y a fait une overdose 

Ensuite, il y a le thème du secret de famille qui m’a beaucoup marqué, enfant, en raison de l’histoire de mon père.

Le thème des migraines reflète une souffrance personnelle. Pendant longtemps, j’ai eu des crises en série effroyables, dont les analgésiques habituels venaient difficilement à bout et dont je n’ai découvert la vraie nature qu’auprès d’un spécialiste à Singapour. Il s’agit d’AVF (Algie Vasculaire de la Face),

Je suis un adepte de la musique techno, d’où les préférences musicales du héros.

Il y a aussi le thème de la transidentité. En Asie et dans le monde musulman, l’homosexualité est difficilement acceptée, pour ne pas dire tabou. En revanche, le troisième genre (comme les warias en Indonésie ou le katoeys en Thaïlande) ou le changement de sexe y sont acceptés, car compris comme une « erreur de genre » à la conception. De manière surprenante, l’Iran a été l’un des premiers pays à procéder à des opérations de changement de sexe, y compris dans l’état-civil.

Enfin, le thème de fond est le processus de radicalisation. J’ai beaucoup lu sur ce sujet, notamment « Du golfe aux banlieues » de Mohamed-Ali Adraoui et les théories d’Olivier Roy qui entend démontrer que ce à quoi on assiste aujourd’hui, ce n’est pas une radicalisation de l’islam, mais une islamisation de la radicalité. La radicalité n’est pas le propre de l’Islam : il suffit de voir la montée de violence aux Etats-Unis du fait des « white supremacists ». La radicalité violente est le fait de personnes qui n’arrivent pas à exprimer ou faire entendre des frustrations profondes et durables, qui ne se voient plus de futur décent. Ce peut être aussi des gens qui n’ont plus de repères, comme la deuxième génération d’immigrés musulmans dans les pays occidentaux qui ne s’accommodent ni de la culture traditionnelle de leurs parents, ni de ce que leur propose la société de consommation. Au bout d’un moment, cela finit par exploser d’une manière ou d’une autre. Certaines personnes ou organisations en profitent pour détourner cette énergie à leur profit, aux dépens d’individus désespérés qui n’ont plus rien à perdre, mais qui n’ont pas plus à y gagner. Il se trouve qu’aujourd’hui, pour des raisons géopolitiques, ce sont des organisations dites islamistes qui ont drainé ces âmes perdues attirées par la radicalité, mais dans les années 70 en Europe, les radicaux allaient rejoindre des groupuscules extrémistes de gauche.

Certaines personnes peuvent se méprendre sur le sens de mon roman. Il ne s’agit pas de faire à nouveau entre le lien entre Islam et terrorisme mais bien de déconstruire cette corrélation et de montrer comment la religion en vient à devenir le véhicule de la haine sans en être la cause. Le roman en tant que lieu où « le jugement moral est suspendu » (Milan Kundera) est à mon sens un lieu privilégié pour explorer comment un individu bascule dans l’horreur et la violence. Puisse Radikal faire réfléchir ses lecteurs et contribuer à la résolution des problèmes qui sont à la racine du terrorisme et qui ne cessent de faire des ravages.

Traduire son propre roman, n'est-ce pas un peu le récrire ? 

Effectivement. Sur le fond, j’ai pris en compte quelques réactions des lecteurs de la version française, par exemple pour retravailler certains personnages. Sur la forme, n’étant pas un anglophone natif, j’ai dû pas mal réécrire avec l’aide d’amis anglophones pour rentrer mon texte plus fluide et idiomatique. La première traduction elle-même m’a pris deux mois, mais les ajustements de forme ont conduit à 2 mois supplémentaires.

Comme indiqué ci-dessous, Olivier sera au Book Bar le 4 novembre après-midi, en compagnie de deux autres auteurs locaux présentés par le même éditeur (Monsoon Books), pour dédicacer son livre. Pour vous inscrire gratuitement, cliquez ici.

Olivier Castaignède Radikal

 

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