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ECONOMIE – Pleins feux sur l’action du réseau des CCE à l’international

Michel BeaugierMichel Beaugier
Écrit par Bertrand Fouquoire
Publié le 7 septembre 2016, mis à jour le 5 novembre 2016

Méconnue, l'institution des Conseillers du Commerce Extérieur (CCE) joue un rôle important dans le panel des dispositifs gouvernementaux et néo-gouvernementaux mis en ?uvre pour développer l'activité des entreprises françaises à l'international. Qui sont les CCE ? Comment le devient-on ? Comment travaillent-ils ?... Le point avec Michel Beaugier, élu en juin 2016 Président du Comité CCE de Singapour, lequel, avec 50 conseillers, représente le deuxième Comite le plus important en Asie.

Dans quel environnement s'inscrit l'action des Conseillers du Commerce Extérieur (CCE) ?

Michel Beaugier - Créée en 1898, l'institution des CCE a connu des hauts et des bas en fonction de l'environnement politique. Devenu Ministre des Affaires Etrangères, Laurent Fabius a fait quelque chose que le secteur industriel et commercial attendait depuis longtemps : le regroupement du Tourisme et du Commerce extérieur sous l'ombrelle du Ministère des Affaires Etrangères. C'était un acte de bon sens car dans le monde actuel, les affaires et la diplomatie sont intimement liées et l'industrie du tourisme véhicule avec elle des pans entiers de l'économie. Sur un plan pratique, cette initiative s'est traduite par la création d'un guichet unique, avec le regroupement au sein et autour de Business France des anciennes activités d'Ubifrance, de l'AFII (Agence Française des Investissements internationaux) et d'Atout France (Tourisme), et l'intégration de la Coface dans la Banque Publique d'Investissement BPI France. Dans cette nouvelle dynamique, les ambassadeurs sont systématiquement impliqués. Les chefs d'entreprise y trouvent leur compte car les compétences sont regroupées et les synergies plus faciles à mettre en ?uvre.

L'institution des CCE s'inscrit entre le réseau des chambres de commerce et celui des services des ambassades. Les missions des CCE sont de 4 ordres : le conseil au gouvernement, l'aide au développement des PME, le soutien à la créativité de la France, les aides aux jeunes et aux VIE. La dynamique à court terme instillée par le nouveau bureau du comité de Singapour est base sur 3 axes essentiels : Renforcer l'identité et la gouvernance de l'institution, renforcer la compétence surtout dans les secteurs innovants tels que le numérique, l'intelligence artificielle, « big data et fintech » et enfin ouvrir les relations avec le MEDEF, la CGPME et les grandes écoles ayant des campus à Singapour.

Comment devient-on CCE ?

- Les Conseillers du Commerce Extérieur étaient nommés auparavant par le Premier ministre et maintenant par le ministre du commerce extérieur pour un mandat de trois ans renouvelable. Avec les changements de gouvernance, la clarification des critères de sélection et de compétence, le parcours de l'impétrant CCE va être difficile et doit mettre en exergue une motivation profonde au service de l'économie française.

Le CNCCEF (Comité National des Conseillers du Commerce Exterieur de la France) a depuis 2 ans un nouveau président, Alain Bentéjac (Jacky Deromedi, past-président du Comité de Singapour et maintenant président d'honneur, est vice-président du CNCCEF en charge de la Communication) qui a entrepris de restructurer l'organisation de l'institution en la dotant notamment de nouveaux statuts, d'un code déontologique et d'un règlement intérieur.

A Singapour, nous avons créé un « comité de nomination ». Le processus de sélection comprend un screening par divers services ministériels à Paris. Le Directeur Régional des Services Economiques pour l'ASEAN, basé à Singapour et représentant la Direction Générale du Trésor, organisme de tutelle des CCE, participe à ce comité.

Les CCE sont des gens de grande expérience qui ont le désir de retourner à la France ce qu'elle leur a donné, dans le cadre d'une action bénévole. Les critères de recrutement sont l'implication personnelle, la connaissance de l'Asie, la compétence dans une fonction ou un secteur particulier. Les CCE s'acquittent d'une cotisation et assument sur leurs propres ressources les dépenses éventuelles générées par leur activité de CCE.

Combien y-a-t-il de CCE à Singapour ?

Singapour compte 50 CCE. C'est le deuxième plus grand groupe en Asie après la Chine (environ 150 conseillers) et devant le Japon et Hong Kong (environ 40 CCE chacun) ; les autres pays ayant de l'ordre de 20 conseillers. A l'intérieur de chaque groupe, les CCE sont censés représenter la diversité des grandes entreprises, des PME et des secteurs d'activité. La féminisation de l'institution progresse et la parité est un objectif cardinal. Le constat qu'on peut faire aujourd'hui est que les secteurs innovants tel que le Fintech ne sont pas représentés, du moins à Singapour. C'est également le cas des secteurs Telco, hospitalité ou bien le secteur agricole.

Pour l'année 2016 et 2017, les CCE de Singapour sont répartis en 4 groupes de travail ou commissions :  Asian Economic Community (AEC), Robotique/intelligence artificielle, Economie globale du voyage, Big data et Fintech. 9 positions de référents ont été créées telles que french tech ou référent pour le secteur pharmaceutique.

Comment les CCE travaillent-ils avec les autres institutions ?

- Chaque fois qu'ils le peuvent, les CCE mènent des actions communes avec la Chambre de Commerce Française à Singapour (FCCS). C'est le cas avec le dispositif de mentoring des PME auquel participent les CCE. C'est le cas encore sur un sujet comme celui des Smart city qui a donné lieu à la remise d'une étude au gouvernement. Il revient ensuite aux Services de l'Ambassade et à Business France de circulariser l'information au sein des entités gouvernementales concernées et d'?uvrer à la mise en place d'action ciblées. Le but est simplement d'aider la France, en disant : voilà ce qu'il se passe (exemple : l'intérêt de Singapour pour le sujet des smart cities) et voilà comment les entreprises françaises peuvent y participer et en bénéficier.

Nous venons aussi en appui de Business France pour, par exemple, favoriser le recrutement des VIE (Volontaire International Entreprise) par les entreprises françaises. Les CCE s'attachent autant qu'ils le peuvent à recruter des VIE dans leur propre entreprise et font une promotion active du vivier de talents qu'ils constituent, notamment avec le Concours VIE.

Comment les CCE participent-ils concrètement au développement des PME à Singapour et en Asie ?

- L'accueil des PME est un aspect qui n'est pas toujours visible mais qui nous mobilise énormément. Personnellement, lorsque je suis à Singapour, je rencontre chaque semaine 2 ou 3 personnes qui ont besoin d'orientation et de conseil. La valeur de ces contacts vient du fait que ce sont des professionnels qui parlent à des professionnels. Nous sommes, par principe, dans une logique d'encouragement, qui n'est toutefois pas systématique. Quand les entreprises ou les particuliers n'ont pas un plan solide, il est essentiel de les alerter sur les faiblesses, la fragilité de leur projet et les risques économiques ou financiers qu'ils encourent. Les gens viennent parfois à Singapour en se disant que c'est plus facile qu'ailleurs. Mais ils s'aperçoivent rapidement que ce n'est pas le cas.

Nous supportons également BPI France et la COFACE, qui ont besoin de comprendre comment orienter les capitaux disponibles vers des sociétés exportatrices, innovatrices et prêtes à affronter les marchés d'Asie. A titre d'exemple, j'ai été amené à intervenir à propos d'un événement organisé par le Tax Free World Association. La participation à cette foire-exposition, entièrement dédiée a l'international, qui se déroule à Cannes chaque année en octobre, représente pour les PME qui y participent un investissement de 50-500 K? qui n'était pas couvert par la COFACE. Je suis intervenu auprès de la COFACE pour signaler cette difficulté. Le problème a été réglé en quelques semaines.

Quel regard portez-vous sur la situation en Asie ?

- L' économie asiatique est porteuse et le restera. L'Asie va tirer le monde pour les années qui viennent. A l'horizon 2030, l'Asie représentera 40% du GDP mondial. Dès 2020, c'est à dire demain, 53% des classes moyennes, celles qui consomment, seront asiatiques. Plus de la moitié de la population mondiale est déjà en Asie si on compte l'Inde. La Chine est la 2ème puissance économique mondiale en termes de GDP. L'Asie est destinée à succéder aux USA dans l'inconscient collectif des consommateurs du monde entier par ses marques et par ses pratiques.

Comment les entreprises françaises et la plateforme de Singapour se positionnent-elles pour tirer profit de ce potentiel ?

- La France est en train de rattraper son retard en ce qui concerne la perception du potentiel de l'Asie par rapport aux puissances historiquement implantées dans la région comme le sont la Grande Bretagne et les Etats-Unis. Singapour est une plateforme privilégiée qui a gagné son duel contre Hong Kong.  Les pays de l'ASEAN commencent à monter en puissance et la France y occupe des positions privilégiées.

Comment conciliez-vous ces nouvelles responsabilités comme Président des CCE de Singapour avec la charge de travail que vous avez déjà comme patron d'entreprise ?

- La présidence des CCE occupe 20 à 25% de mon temps. Mais c'est un temps très extensif. Comme de nombreux autres chefs d'entreprise/CCE, je suis sur le régime des 35h? de sommeil hebdomadaire.

Qu'est-ce qui vous motive ?

- Ce qui motive en premier lieu, c'est l'opportunité de travailler avec des gens exceptionnels qui allient un très haut niveau de compétence avec l'envie de partager leur expérience avec générosité.  Il y a un effet réseau indéniable, qui peut aider dans certaines circonstances. Mais il ne faut pas se leurrer, on donne beaucoup plus qu'on ne reçoit. Faire des conférences et enseigner, occasionnellement, me procure beaucoup de plaisir. Cela nous oblige, nous les Chefs d'entreprise, à prendre du recul et à conceptualiser notre vision de l'économie.

Propos recueillis par Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) jeudi 8 septembre 2016

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