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Singapour s’intéresse de plus en plus au nucléaire

Devant concilier des besoins importants et croissants en énergie avec l’objectif neutralité carbone, ce pays aux capacités en énergie renouvelable très limitées commence à envisager le recours à l’énergie nucléaire. Le plan Energie 2050, publié l’année dernière, révèle un scénario où le nucléaire contribuerait pour 10% à la production d’électricité de Singapour. Par ailleurs, des investissements importants sont en cours en recherche et développement dans ce domaine.

La centrale thermique de Senoko marche au gaz liquéfié.La centrale thermique de Senoko marche au gaz liquéfié.
La centrale thermique de Senoko (@ Flickr)
Écrit par Jean-Michel Bardin
Publié le 11 mars 2024, mis à jour le 12 mars 2024

Un petit pays grand émetteur de CO2

En valeur absolue, Singapour est de par sa taille un petit émetteur de CO2 : avec environ 60 millions de tonnes par an, il ne représente que 0.16 % du total mondial. Mais si on considère l’émission par habitant, Singapour arrive en 26ème position, ou même en 8ème position, quand on exclut les pays pétroliers et les micro états, avec près de 9 tonnes par an et par habitant, soit près du double de la France (4,6 tonnes par an et par habitant). Cela résulte notamment de l’implantation à Singapour du 5ème pôle de raffinerie d’Asie, avec la 6ème plus grosse raffinerie du monde (Exxon Mobil). Trois secteurs contribuent aux émissions de CO2 : le secteur industriel (45%), la production d’électricité (40%), et les transports (15%). Le poids élevé de la production d’électricité dans le bilan CO2 provient du fait que plus de 95% est produite à partir de combustibles fossiles, principalement du gaz naturel. Par comparaison, en France, la production d’électricité ne contribue qu’à un quart des émissions de CO2.

L’objectif de neutralité carbone pour 2050

Dans le cadre de l’accord de Paris de 2015 et en ligne avec le pacte de Glasgow de 2021, Singapour s’est engagé à atteindre la neutralité carbone en 2050 et à réduire ses émissions de CO2 à 60 millions de tonnes par an d’ici 2030 après un pic de 65 millions de tonnes atteint d’ici là. Pour atteindre ces objectifs, Singapour va faire un effort particulier sur la production d’électricité, dans la mesure où elle constitue déjà aujourd’hui près de la moitié des émissions de CO2 et où le décommissionnement progressif des énergies fossiles va réduire la contribution des autres secteurs dans l’émission de CO2. Le plan Énergie 2050 publié en 2023 décrit trois scénarios d’ici 2050 en fonction de l’évolution des technologies et de la coopération internationale d’ici là, et les stratégies à court terme permettant de tirer le meilleur parti de ces évolutions.

 

L'énergie solaire pourra représenter 10% de la production électrique de Singapour.
Centrale solaire de Tengeh (@ Lim Yaohui)

Pour diverses raisons liées à la taille du pays, sa localisation, et sa géographie, la plupart des énergies renouvelables (hydroélectricité, éoliennes, usines marémotrices) ne sont pas envisageables sur le sol de Singapour. Seule l’énergie solaire peut être exploitée, mais là aussi la taille et le niveau d'urbanisation du pays en limite les possibilités. En équipant toutes les surfaces possibles (étendues aquatiques et toits des bâtiments), Singapour espère au mieux pouvoir produire 10% de son électricité grâce à l’énergie solaire en 2050.

Reste donc trois leviers pour atteindre les objectifs de neutralité carbone : l'importation d'électricité, à condition que celle-ci soit produite à partir d’énergie renouvelable, la production d’électricité à partir d'hydrogène vert importé, et le recours à l'énergie nucléaire. Un joker est constitué de l’achat de crédits carbone pour compenser l’éventuelle part d’électricité encore produite à partir de combustibles fossiles.

Les petits pas de Singapour en matière d’énergie nucléaire

Une étude de faisabilité menée en 2012 avait conclu que les technologies nucléaires d'alors n'étaient pas adaptées à un déploiement à Singapour, notamment à cause de la taille des centrales nucléaires et de leurs contraintes de sécurité. Cependant, en 2014, Singapour a lancé un programme de recherche et de développement en science nucléaire au sein de la NUS (Singapore Nuclear Research and Safety Initiative : SNRSI) allant de l’ingénierie aux questions de sécurité, en mettant en place un groupe d’experts, des laboratoires de recherche, et une collaboration avec d’autres pays.

Mais le concept nouveau de petit réacteur modulaire ouvre de nouvelles perspectives qui sont suivies de près par l'EMA (Energy Market Authority). En effet, ces réacteurs, d'une puissance de 10 à 300 MW, sont bien moins coûteux en installation et en maintenance et présentent moins de risques. C’est pourquoi un des scénarios du plan Energie 2050 envisage que le nucléaire pourrait contribuer jusqu’à 10% de la production d’électricité.

Dans ce contexte, la NUS vient d’annoncer qu’un nouvel immeuble va être construit pour abriter une centaine de chercheurs pour étudier ces nouvelles technologies, tant sur le plan de leur montée en charge, que sur celui des impacts d’éventuels incidents. Par ailleurs, la NTU (Nanyang Technological University) avait annoncé l’année dernière la création d’un nouveau centre de recherche sur la fusion nucléaire en collaboration avec la France.

Comme dans beaucoup de domaines techniques, Singapour investit dans la recherche et le développement nucléaire, non seulement pour anticiper ses propres besoins, mais aussi pour devenir un centre de compétences et un exportateur de ressources pour les pays environnants.

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