Créée en 1987 à l'initiative de Pierre Bellon, alors PDG de Sodexo, l'APM, Association pour le Progrès du Management, suscite l'engouement d'un nombre croissant de dirigeants en France et à l'international. L'association compte désormais 353 clubs réunissant une fois par mois de 20 à 25 dirigeants autour d'un expert. De passage à Singapour, qui compte déjà 2 clubs, le Président et le Directeur Général de l'APM, reviennent sur les éléments clés qui concourent à ce succès.
Christian Barqui, le Président de l'APM, est d'abord un membre assidu de l'association depuis 20 ans. Après un parcours de dirigeant de grande entreprise dans le domaine de l'agro-alimentaire, il a créé sa propre affaire dans le domaine des salades en sachet. Il est aujourd'hui Directeur Général de Florette, la filiale française du groupe Agrial, une coopérative de 12000 agriculteurs, comptant autant de salariés, dans le secteur du lait et des légumes. Même engagement dans la durée pour Stéphane André, Directeur général de l'APM depuis 2011. Ancien officier de Marine, il a passé 10 ans sur le porte hélicoptères Jeanne d'Arc et dans les sous marins. Il s'est ensuite tourné vers le conseil et a rejoint l'APM en 2006.
Dans quelles circonstances votre route a-t-elle croisé celle de l'APM ?
Christian Barqui - J'ai découvert l'APM il y a 20 ans, en 1997, quand j'étais DG de la division des produits frais de Bonduelle. Quand j'ai créé ma société, j'ai été contraint de faire un break pendant 2-3 ans pour des raisons de temps et de budget. Je suis revenu à l'APM dès que je l'ai pu, car c'est quelque chose de génial que je n'avais pas envie d'arrêter. Être membre de l'APM, c'est l'opportunité de rencontrer énormément d'experts talentueux, à l'image d'Yves Halifa (voir encadré). Il y a une très grande richesse qui naît des échanges entre les dirigeants. Les experts permettent d'alimenter des thématiques que les membres des 360 clubs challengent, avec le support d'animateurs qui sont essentiellement des facilitateurs.
Le témoignage d'un expert: YVES HALIFA Spécialiste de la négociation,Yves Halifa intervient à l'APM depuis 20 ans |
Stéphane André - Un heureux hasard : un jour mon père m'a adressé un article de presse, par ailleurs sans intérêt, au dos duquel, je suis tombé sur une offre de l'APM qui cherchait son responsable de l'offre pédagogique, chargé notamment de la gestion des experts. Lorsque le Directeur général de l'APM est parti 5 ans plus tard, on m'a proposé de le remplacer. Ce qui me motive particulièrement dans ce rôle, c'est le fait de servir une institution qui a un sens pour moi. Par ailleurs, je pense que le fonctionnement en réseau, tel que le pratique l'APM, est une préfiguration de ce qui sera demain le mode d'organisation des entreprises. Enfin c'est l'opportunité de rencontres avec des personnes extraordinaires.
A qui s'adresse l'APM?
CB - L'APM s'adresse aux dirigeants patrons de leur entreprise, salariés ou non. L'un des critères, c'est d'abord la maîtrise de son propre agenda et la capacité de se libérer 10 journées sur l'année pour participer aux réunions de son club. Les membres des clubs APM sont a priori les numéros un dans leur entreprise, appelés à traiter de sujets de type commercial, social et financier. Dans chaque club, qui comprend de 20 à 25 personnes, on s'autorise 2-3 exceptions pour accueillir des profils différents, dont on pense qu'ils enrichiront le groupe. Ce qu'il faut savoir c'est que chaque nouveau membre qui rejoint un club le fait au travers d'un processus de cooptation. Même lorsqu'il s'agit d'une personne qui, par exemple, a fait partie d'un club dans un autre pays ou une autre ville, le processus s'applique. L'accueil du nouveau membre doit faire l'objet d'un consensus parmi les autres membres du club. On fait, notamment, attention à faire en sorte, pour garantir le confort de chacun, qu'il n'y ait pas dans un club deux dirigeants qui, sur le plan professionnel, puissent être en situation de concurrence.
SA - L'objectif de l'APM, c'est d'offrir à ses membres l'opportunité de s'enrichir et de se former. Si on peut comme Christian Barqui rester 20 ans à l'APM, c'est que, à chaque réunion, se présentent de nouvelles sources d'enrichissement. Il s'agit d'une transformation douce. Le philosophe François Julien parlait de « transformation silencieuse » pour qualifier une transformation dont on ne se rend pas compte, qu'on ne voit pas. C'est ce qui se passe pour les participants des clubs APM. Ils se développent et changent, non pas de manière abrupte ou formelle, mais dans la durée.
Quelle différence concrètement entre une formation classique et l'approche de l'APM ?
CB- Les deux approches ne sont pas concurrentes mais complémentaires. Je suis de formation marketing/vente. Lorsque j'ai évolué vers des responsabilités de management, j'ai fait le Centre de Perfectionnement des Affaires (CPA). Cette formation m'a apporté une vraie montée en compétences en ce qui concerne les aspects techniques du management, de la stratégie, et de la conduite des affaires. Ce que l'APM m'a offert en plus, c'est une ouverture d'esprit, une philosophie managériale. La transformation silencieuse dont parle Stéphane André passe beaucoup par le collectif. A présent, on encourage nos adhérents, à l'issue de chaque réunion, à repartir avec une idée de quelque chose de concret à mettre en place dans leur entreprise dans le mois qui suit. Une manière de traduire en acte la formation.
Quels thèmes sont abordés lors des rencontres APM ?
SA - Il y a une grande variété de thèmes. Certains sont incontournables, comme par exemple la négociation, qui est un must relativement intemporel. Dans ce cas, on peut, avec les experts, faire varier les approches ou les techniques. On peut aussi choisir des angles insolites : ainsi a-t-on fait intervenir, un jour, sur le sujet, un historien, spécialiste de Talleyrand.
Globalement les thèmes proposés dans les clubs APM couvrent le management, le développement personnel, les techniques d'entreprise et l'environnement de l'entreprise au sens large, c'est à dire la culture générale. On a ainsi fait intervenir un philosophe, Charles Pépin, sur le thème de l'émotion esthétique. C'est un sujet qui a suscité beaucoup de partage et de réflexions auprès des membres.
La convention des clubs APM qui se déroulait à Lille en octobre dernier, s'est achevée sur la performance inédite d'un ch?ur de 3700 personnes chantant Carmina Burrana. Comment parvient-on à un tel résultat ? Personne ne chante-t-il faux à l'APM ?
CB- Ce qui est formidable, précisément, c'est que tout le monde chante faux, à commencer par moi, mais le collectif lui chante juste ! Cette expérience magnifique a été un moment fort de la convention. Elle est une illustration d'une valeur clé de l'APM, à savoir qu'on n'apprend pas sans émotion.
L'APM a beaucoup grandi depuis sa création en 1987. Comment parvient-elle malgré cela à conserver l'esprit des débuts ?
SA - L'APM est une organisation originale. Elle réalise une croissance de 4 à 7% chaque année, sans objectif de croissance grâce au soutien de chacun de ses membres . Elle fonctionne en mode réseau. Elle est à la fois profondément décentralisée via les clubs où les présidents et les animateurs fonctionnent de manière très autonome, et centralisée, à travers les règles du jeu et les valeurs partagées.
CB- L'APM compte actuellement 7000 membres, au travers de 353 clubs dont 80% sont en France. L'ambition de l'APM est d'être la référence mondiale pour la formation des dirigeants francophones. Nous voulons construire la formation de demain. Ce que nous visons c'est une croissance non pas quantitative mais essentiellement qualitative.
l'APM s'est aussi, depuis plusieurs années, développée à l'international
SA ? Le développement international de l'APM a commencé il y a environ 15 ans avec la Belgique. C'est un développement qui se fait en français. Car il est essentiel que tout le monde dans le réseau parle la même langue et parce que, sur des sujets difficiles ou sensibles, on a vraiment besoin de pouvoir s'exprimer dans sa langue maternelle. Aujourd'hui l'APM est présente à l'international en Europe-Méditerranée (avec une ouverture prochaine en Algérie) et en Asie, de Shanghai à Singapour : le club d'Ho Chi Minh devrait ouvrir prochainement. Un club ouvrira bientôt à Hong Kong. Nous sommes aussi dans une région qui comprend Madagascar, le Mozambique, Maurice et la Réunion. Et nous projetons d'ouvrir des clubs en Afrique francophone.
Les clubs sont-ils très différents d'un pays à l'autre ?
CB - Les clubs sont en effet très différents les uns des autres et pas seulement à l'international. Entre un club basque et un club alsacien, les différences sont étonnantes. A l'intérieur d'une même ville chaque club a une identité propre.
Propos recueillis par Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) mercredi 16 décembre 2015
Plus d'information sur l'APM : www.apm.fr
Contacts a Singapour : stephanie.inserra@gmail.com / rousseaucatherine1@gmail.com
Photo: ( de gauche à droite) Catherine Rousseau, Stéphane André, Christian Barqui, Stéphanie Inserra, Yves Halifa