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Benoît Duchâteau-Arminjon - La folle aventure de Krousar Thmey

Benoît Duchâteau-Arminjon Krousar ThmeyBenoît Duchâteau-Arminjon Krousar Thmey
Écrit par Bertrand Fouquoire
Publié le 9 février 2014, mis à jour le 2 juillet 2019

En un peu plus de 20 ans, l'association Krousar Thmey est devenue une institution au Cambodge, que la femme du premier ministre a même fait visiter aux "premières dames" lors d'un sommet de l'Asean en 2012. L'aventure Krousar thmey est pourtant née d'un pari fou, celui d'un jeune coopérant refusant que tant d'enfants du Cambodge, réfugiés, enfants des rues, aveugles ou malentendants demeurent des laissés pour compte et les victimes de trafics dans un pays qui, sortant d'une tragédie historique, était en balbutiante reconstruction.

 

L'histoire de Krousar Thmey débute dans les camps de réfugiés cambodgiens en Thaïlande. Un jeune coopérant, Benoît Duchâteau-Arminjon visite l'un de ces camps, le site II. Celui-ci regroupe 215.000 personnes, dont la moitié ont moins de 14 ans. Le jeune VIE est profondément marqué par ce qu'il voit. Il est particulièrement interpelé par ces enfants qui mendient dans le camps : "comment ces enfants peuvent-ils dans un camp géré par les nations-unies être obligés de mendier pour ce nourrir ?"

Engagé, Benoît Duchâteau-Arminjon, l'est naturellement : par nature et comme un héritage de son éducation à Apremont en Savoie. Inspiré par l'exemple d'autres volontaires, il décide rapidement de mettre sa carrière professionnelle en suspens pour consacrer du temps aux réfugiés cambodgiens, et en premier lieu à ces enfants. Son employeur de l'époque le soutient en lui garantissant un emploi à l'issue d'une année sabbatique. Il s'engage. Mais l'aventure durera beaucoup plus qu'une année.

Car comme un écheveau qui se dévide, la situation qu'il découvre dans les camps de réfugiés en Thaïlande, puis au Cambodge même, après 1993, l'amène à réagir à une cascade de questions et de défis. A partir d'une première action - la fourniture d'uniformes aux enfants des camps pour leur permettre d'aller à l'école comme les autres et avec dignité - Benoît Duchâteau-Arminjon est confronté, au moment du rapatriement des réfugiés au Cambodge, à la question de la réadaptation d'enfants n'ayant connu, parfois jusqu'à 15 ans, que la vie dans les camps. "Il apparaît aussi primordial, écrit Benoît Duchâteau-Arminjon dans le livre qu'il a consacré à l'aventure de Krousar Thmey*, de familiariser les enfants avec la vie cambodgienne moderne que de les enraciner dans une culture qui fonde leur identité". Suivent un ensemble d'initiatives et particulièrement  l'organisation d'une exposition "Rizières, deux cultures à découvrir", qui sera vue par 80.000 enfants réfugiés des camps.

Mais l'écheveau se déroule. De retour au Cambodge, Il faut créer des maisons pour accueillir les enfants réfugiés, puis les enfants prisonniers, enfants des rues, victimes de trafics. Sur le plan scolaire, la scolarisation des enfants se heurte à une autre difficulté : le dispositif scolaire du pays est fragile et déjà saturé. Il est hors de question que les jeunes réfugiés soient intégrés dans les écoles en poussant dehors d'autres enfants ; ce qui serait injuste et nourrirait un ressentiment de la population à l'égard des enfants réfugiés. Il faut donc créer des écoles. L'association Krousar Thmey s'y attelle.

Krousar Thmey
Plus tard c'est l'un des enfants, Wanna, aveugle, qui dit sa frustration de ne pouvoir aller à l'école comme les autres. L'infrastructure est inexistante. Il faut créer de toute pièce un système de lecture-écriture en braille, puis traduire les livres. C'est un travail colossal.  L'Association relève à nouveau le défi. Contre les tenants d'un système simplifié, Benoît Duchâteau-Arminjon parvient à imposer un système complet qui, seul, permettra aux jeunes aveugles d'accéder au même matériel d'enseignement que les autres enfants et de s'intégrer ainsi dans le système général. Un système de braille est développé avec l'aide de linguistes. L'association s'équipe pour traduire en braille un nombre d'ouvrages impressionnant. Les jeunes aveugles y gagnent la possibilité de suivre une scolarité normale. Ils y réussissent d'ailleurs souvent extrêmement brillamment, supportés par la mémoire exceptionnelle que la gymnastique du braille cambodgien leur impose - à l'endroit pour la lecture, et à l'envers pour l'écriture -. Parmi les enfants aveugles de Krousar Thmey, certains font des études supérieures. L'un d'entre eux est même devenu haut fonctionnaire.

Les aveugles ne sont pas les seuls à être laissés pour compte du fait de leur handicap dans le Cambodge en reconstruction. L'association Krousar Thmey découvre que les enfants sourd-muets sont dans la même situation. Elle s'y implique en développant un premier livre scolaire destiné aux sourds et en créant des écoles. Les élèves y trouvent un enseignement adapté qui permet à ceux qui le peuvent de rejoindre le cycle scolaire. Malgré les difficultés, certains réussissent en 2009 le Baccalauréat.

Personnalité peu ordinaire que celle de Benoît Duchâteau-Arminjon, dont l'engagement a été récompensé en octobre 2012 avec l'attribution du world of children award, "le prix Nobel des défenseurs des droits de l'enfant".  L'homme a des convictions fortes, nourries par l'expérience et les combats qu'il a dû mener contre les lourdeurs administratives, mais aussi certaines incohérences des dispositifs humanitaires.

Krousar Thmey, telle que son fondateur en établit le bilan lors du 20ème anniversaire de l'association en 2011, c'est 4 centres d'accueil pour les enfants des rues, 3 centres de protection pour enfants, 11 maisons familiales et un village pour femmes seules avec leurs enfants. L'association a développé des activités dans le domaine de l'éducation avec, notamment, la création de 4 écoles pour enfants aveugles, 5 écoles pour enfants sourds et 44 classes intégrées. Elle s'est déployée dans le domaine culturel avec l'organisation de groupes de danse, de musique,  de théatre d'ombres et des expositions sur le patrimoine Khmers. Elle a encore été à l'initiative de nombreux programmes de formation professionnelle, comme celui de préparation aux métiers de la mer et est devenue, naturellement, un centre important de formation de responsables et animateurs cambodgiens.

L'association Krousar Thmey, Benoît Duchâteau-Arminjon s'est attaché à la construire autour de valeurs simples et de règles exigeantes : le choix de petites structures, de type familial et à dimension humaine ; la Khmèrisation des équipes et la responsabilisation du gouvernement cambodgien. Depuis 2000, Le fondateur s'est mis en retrait ; toujours impliqué, mais laissant les clés de l'association aux Cambodgiens. Il continue d'?uvrer bénévolement pour accompagner le développement de Krousar Thmey, ce qui contribue à limiter les frais administratifs à moins de 4% des dons reçus. Mais il y a mis, vis à vis du gouvernement cambodgien, une condition : celle que celui-ci, qui en 2011 a intégré les enseignants de Krousar Thmey sur les listes du personnel de l'Education, une première victoire d'envergure, reprenne progressivement à sa charge la gestion directe des écoles.

 

* Un humanitaire au Cambodge- Benoît Duchâteau-Arminjon. Les éditions du pacifique.

Bertrand Fouquoire
Publié le 9 février 2014, mis à jour le 2 juillet 2019

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