Le dernier roman d'Elsa Marpeau est un roman noir dont l'intrigue se déroule dans le huis clos d'un condo à Singapour. Un environnement familier revisité à la lumière de relations humaines d'une impressionnante cruauté.
Sur son site, Elsa Marpeau évoque son parcours nomade et littéraire : "Mes parents ont quitté l'Algérie pour s'installer sur les quais de la Fosse, à Nantes, où j'ai grandi. J'ai quitté Nantes pour aller faire des études de lettres à Paris. J'ai quitté le milieu universitaire pour celui des scénarios et j'ai quitté Paris pour Singapour. Je m'apprête aujourd'hui à quitter Singapour pour Paris. De toute façon, cela n'a aucune importance car, où que je sois, je ne quitte presque jamais ma chambre". Une introduction-confession aussi étrange que l'univers de ses livres.
Récit autobiographique
Le dernier roman d'Elsa Marpeau, L'expatriée, est largement autobiographique. Un aspect qui, au delà de ses qualités littéraires, lui confère un intérêt particulier pour ceux et celles qui vivent ou arrivent à Singapour.
En bref : l'héroine de L'expatriée vit à Singapour, dans un condo chic peuplé de Français. Elle voudrait commencer un nouveau livre mais elle tourne en rond, écrasée par la chaleur et le désoeuvrement. Arrive un "arabe blond" dont elle tombe amoureuse. Celui-ci est plus tard retrouvé mort. Naissent alors les soupçons, le jeu des sous-entendus, les commérages et le chantage. L'héroine est au c?ur de la danse cruelle où virevolte tout un monde expatrié. Elle ne doit son salut qu'à l'aide de sa Maid philippine, mais est-ce bien d'aide ou d'autre chose qu'il s'agit ?
Violence sur fond de piscine
"Mon expatriation, confie Elsa Marpeau, m'a beaucoup marquée. Et, en premier lieu, la violence des échanges. Une violence feutrée, une violence de privilégiés. Et pourtant, quelle cruauté parfois dans cette France miniature, regroupée et déplacée, blanche, traditionnelle et riche ! J'y ai trouvé un phénomène étrange, celui de la nette distinction entre hommes et femmes, moi qui milite pour la (con)fusion des genres. Les hommes travaillent et voyagent, les femmes restent sur place, financièrement dépendantes et sans statut social. La perte de ce statut entraîne chez certaines une vraie souffrance. Et donc une authentique méchanceté, que je n'avais jamais rencontrée ailleurs. Un vrai terreau pour le polar. Des méchantes d'un nouveau genre - avec un joli sourire, des cheveux blonds et la peau bronzée"*.
Déambulation dans Singapour
Roman noir, L'expatriée est l'occasion de déambuler dans la cité Etat, d'y retrouver des lieux familiers éclairés d'une lumière crue. C'est aussi la force d'un regard effaré et sans complaisance qui brise tabous et images d'Epinal sur la vie en expatriation. Une expérience individuelle qu'on aura le droit de trouver caricaturale. Un livre à ne pas lire quand on s'installe, à moins de vouloir d'emblée ajouter une pointe de drame à l'arrivée dans la Cité Etat. Mais un livre à relire quand on est loin. Car au delà des situations qu'on espère plus dramatiques que n'en recèle la vie quotidienne des expatriées à Singapour, le roman donne du corps au souvenir et ajoute à la carte postale un parfum d'incendie.
Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com-Singapour) republié vendredi 11 juillet 2014
Agrégée de lettres, Elsa Marpeau est auteur de plusieurs romans. L'expatriée vient d'obtenir le prix Plume de Cristal du roman noir 2013, dans le cadre du 7e Festival International du Film Policier de Liège. Site d'Elsa Marpeau
L'expatriée. Auteur Elsa Marpeau. Collection Série Noire Gallimard
* Propos d'Elsa Marpeau rapportés sur le choix des Libraires.com.
L'annuaire 
