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Caleb Ming, le photographe des friches urbaines

Photographe professionnel, Caleb Ming, singapourien marié à une française, s'est attaché à documenter les terrains encore vacants dans un pays densément peuplé où l'espace est compté et change rapidement. Lepetitjournal.com (éditions de Bombay et de Singapour) a interviewé cet artiste pour en savoir plus sur ses passions.

Caleb Ming photographe SingapourCaleb Ming photographe Singapour
Écrit par Jean-Michel Bardin
Publié le 10 juillet 2023, mis à jour le 23 juillet 2023

Caleb, comment êtes-vous venu à la photographie ?

J’ai toujours été intéressé par les machines et, pour moi, l’appareil photo était une machine merveilleuse qui permettait de garder des souvenirs. A 14 ans, après une discussion avec un élève plus âgé, j’ai rejoint le club « art » du collège. Je m’y suis initié à la photographie. Mais, pour mes parents, typiquement singapouriens, la photographie ne pouvait pas constituer un métier. J’ai donc suivi l’option « graphic design », jugée plus sérieuse, à « Temasek Polytechnic ». Mais après un moment, je me suis rendu compte que rester derrière un ordinateur toute la journée n’était pas fait pour moi. Je suis donc revenu à mes premières amours, la photographie et le film. A 18 ans, alors que j’étais en deuxième année, un étudiant plus âgé m’a demandé de le remplacer pour prendre des photos lors d’un mariage. Cela s’est tellement bien passé que j’ai été retenu pour le mariage des autres membres de la famille avec qui je suis toujours en contact. Cela m’a aussi permis de gagner mon premier argent et de réaliser que je pouvais vivre de ma passion.

En 1996, j’ai fait un stage au journal Straits Times : cela m’a donné l’occasion d’apprendre davantage, en traitant de thèmes très variés, personnalités, procès, … En 2001, après mon service militaire, j’ai commencé à travailler pour des entreprises en créant Surround Studio. En 2003, l’épidémie de SRAS a réduit mes activités aux mariages. J’ai ensuite créé Together Studio pour traiter les événements familiaux.

En parallèle à ces activités « alimentaires », j’ai continué à exercer ma fibre artistique à travers des reportages photographiques ou des films documentaires dont le projet « Plot » que j’ai entrepris il y a une dizaine d’années.

 

Orchard
Ce rendez-vous dominical de maids est aujourd’hui occupé par la station de métro Orchard sur la ligne Thomson East Coast (copyright Caleb Ming)

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet assez original ?

« Plot » a plusieurs sens en anglais, celui de la parcelle de terre mais aussi d’intrigue, de complot ou de plan, car c’est bien la vie de ces espaces qui est au centre du projet. Ce projet visait à photographier des terrains encore vides avant leur occupation par des bâtiments ou autres infrastructures. Ce pouvait être des terrains jamais construits ou dont les bâtiments qui l’occupaient avaient été démolis pour redéveloppement.

L’idée m’est venu à l’esprit quand les terrains encore vierges autour de là où j’habitais ont été préparés pour être construits. Tous ceux qui vivent à Singapour savent à quelle vitesse les paysages y changent. Mon intention était de garder trace de ces espaces vides. Ce n’est pas seulement de la nostalgie. Mais c’est aussi pour rendre compte du défi auquel fait face Singapour pour se développer dans un territoire très limité. « Plot », c’est en quelque sorte le « négatif » (au sens photographique) du développement urbain. D’ailleurs, les étrangers à qui je montrais ces photos se demandaient s’il s’agissait bien de Singapour, une des métropoles les plus densément peuplées au monde, et croyaient qu’il s’agissait de parcs, tant le climat équatorial rend ici tout terrain verdoyant.

J’ai travaillé sur ce projet entre 2012 et 2017. C’est grâce à un commissaire d’exposition français, rencontré à Arles lors d’un atelier dans le cadre du festival de la photographie « Les Rencontres d’Arles », que j’ai pu présenter les photos de ce projet à Phnom Penh en 2015. L’année suivante, elles ont été finalement exposées à Singapour à l’Esplanade dans le tunnel qui va vers le métro.

Maintenant basé à Mumbai, je reviens régulièrement à Singapour pour mon travail. Parfois, je revisite les terrains que j’ai photographiés et je commence à imaginer comment ces espaces maintenant redéveloppés pourraient être photographiés dans le cadre de la phase suivante du projet.

Vous pouvez retrouver les photos de « Plot » sur mon site internet.

 

Rail corridor Singapore
Le trajet de l’ancienne voie ferrée vers la Malaisie rendu à la nature (copyright Caleb Ming)

 

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