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Manuel Legris, ballet de la Scala à Hong Kong : “Transmettre, c'est ce qui me plaît"

Entretien avec le directeur du ballet de la Scala à Milan et ancien danseur étoile Manuel Legris, en visite à Hong Kong pour la représentation du ballet Le Corsaire au Hong Kong Arts Festival.

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Le Corsaire Manuel Legris in prova - con Maria Celeste Losa ph Brescia e Amisano © Teatro alla Scala
Écrit par Capucine Lefebvre
Publié le 19 mars 2024, mis à jour le 29 mars 2024

La danse fait partie de moi

Comment êtes-vous arrivé à la danse?

Cela devait être en moi, je ne sais pas comment naît une envie ; mais dès que j’entendais de la musique, je me mettais à danser. Je dansais tout le temps. A quatre ans, j’ai demandé à mes parents de faire la danse. Ils ont trouvé ça un peu étrange mais ils ont accepté. Je me suis inscrit dans un petit conservatoire en banlieue parisienne ; le professeur a dit à mes parents que je devais tenter l’Ecole de l’Opéra de Paris. J’ai été engagé, et ça a filé. La danse a pris toute ma vie.

Comment avez-vous vécu le passage de danseur étoile à directeur de ballet ?

La vocation de directeur, je l’avais déjà avant ; je gérais des programmations et des danseurs à l’Opéra de Paris. Lors de ma dernière année là-bas, Dominique Meyer, le directeur général de l’Opéra de Vienne, m’a proposé d’être directeur de ballet à Vienne.

Le passage de danseur à directeur s’est bien passé ; c’était un choix. Je n’avais pas de frustration en tant que danseur : j’avais tout dansé. Je suis arrivé prêt à donner et à partager avec une nouvelle génération de danseurs. Je suis resté dix ans à Vienne. On m’a proposé de rester ; j’ai préféré suivre Dominique Meyer, nommé à la Scala. Cette collaboration est une sécurité ; avoir un directeur qui adore le ballet, qui vous donne carte blanche, c’est assez unique. Transmettre, c’est ce qui me plaît.

Chez un danseur, je cherche la créativité

Que recherchez-vous dans un danseur?

Ce qui me parle le plus, ce sont les danseurs très musicaux. La musique m’a toujours guidé, donc j’aime voir des danseurs qui ont la musique dans le corps.

Ensuite, des danseurs qui ont une intelligence, qui proposent des choses ; pas simplements des machines à qui l’on doit tout expliquer. J’aime bien que les gens aient une idée de leur métier, sinon, on s’ennuie. La perfection technique, ce n’est pas forcément ce que le public cherche ; c’est l’émotion, la sensibilité.

Comment bâtissez-vous une programmation?

Vienne, Paris, Milan sont des grandes companies pour le ballet classique, mais elles ne peuvent plus s’en contenter. Je bâtis sur des spectacles plus contemporains ; je recherche des chorégraphes nouveaux comme Philippe Kratz ou Simone Valastro.

Mais la nouveauté peut aussi passer par le classique ! Le Coppélia d’Alexei Ratmasky [pour le ballet de la Scala], très traditionnel, a fait un triomphe car il y a le public pour ça. J’ai trouvé le ballet frais, neuf ; c’est un classique de 2024. Le classique, c’est mon école, mais je ne l’aime pas quand il est quelque peu ringard ; il faut arranger les choses au goût du jour.

J'aime raconter des histoires

Justement, comment faites-vous pour rendre le classique moderne lorsque vous chorégraphiez ? A quoi ressemble le ballet classique de 2024 ?

J’ai commencé la chorégraphie en 2016 ; depuis, j’ai monté deux grands ballets, Le Corsaire et Sylvia. Je ne suis pas un accro de la chorégraphie ; j’attends de trouver le ballet qui me parle, qui n’a pas été vu et revu. Corsaire, je n’en avais vu aucune version ; Sylvia je n’en connais que deux : alors pourquoi pas les miennes ? Refaire un autre Casse-noisettes, ça ne m’intéresse pas, je connais trop de versions qui me plaisent.

J’ai ma manière à moi de créer des pas, de raconter une histoire. Le classique d’aujourd’hui passe par des codes plus légers, des costumes moins lourds… On peut moderniser des versions classiques avec des matériaux différents ; on peut alléger et faire encore rêver. Mais pour ça il faut de sacrées connaissances ; on ne peut pas créer un ballet classique sans en connaître l’histoire, sans avoir un amour pour le ballet classique.

Seriez-vous prêt à chorégraphiez autre chose que du classique - comme du contemporain ?

Non, car je sais qu’il y a trop de chorégraphes excellents, je ne ferais que du déjà vu. Il y a des gens avec un univers contemporain très fort. Je fais dans ce que je sais faire ; et je sais qu’il n’y pas beaucoup de gens qui le font. C’est là où je me sens à ma place.

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