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DROIT DE LA FAMILLE – Le divorce des couples mixtes franco-marocains

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Écrit par Lepetitjournal Casablanca
Publié le 13 juillet 2014, mis à jour le 13 septembre 2023

Un couple mixte franco-marocain qui souhaite divorcer est parfois confronté à un conflit de lois entre la législation française et marocaine. Pour mieux comprendre les enjeux et difficultés rencontrés lors de cette procédure, nous avons posé quelques questions à Maître Fadéla SEBTI, avocate à Casablanca, agréée près la Cour de Cassation et recueilli le témoignage de Nathalie, en instance de divorce.

Une précision tout d'abord : La moudawana est un terme générique voulant dire code. La moudawana existe donc dans tous les domaines et non seulement en droit de la famille. Mieux vaut donc parler ici de code de la famille !


Lorsqu'un couple mixte franco-marocain souhaite divorcer, quel est le droit national qui s'applique?


Les deux législations peuvent être applicables, à condition que le mariage soit retranscrit dans les états civils des deux pays. Soit que le mariage français ait été conclu en premier et qu'il ait été homologué par les autorités marocaines, soit l'inverse.

Dans tous les cas, la loi applicable sera celle actionnée par le demandeur le plus diligent, sachant qu'une procédure intentée par l'un des conjoints devant un tribunal ne permettra plus à l'autre d'intenter une action devant un autre tribunal pour le même motif.
La législation applicable sera alors celle du premier tribunal actionné.
Une femme française pourra demander le divorce
- soit devant le juge marocain, lequel lui appliquera la loi française car au Maroc, le droit marocain ne légifère que pour ses ressortissants marocains musulmans.
- soit en France, si le mari a acquis la nationalité française durant le mariage
Un homme marocain pourra demander le divorce
- soit devant le juge marocain, lequel lui appliquera la loi marocaine, quand bien même cet homme aurait acquis la nationalité française durant son mariage
- soit en France, s'il a également la nationalité marocaine. Mais son intérêt sera, bien évidemment, de demander le divorce devant les tribunaux marocains


Quelles sont les grandes différences entre les deux pays en matière de divorce?  


La différence entre les deux pays en matière de divorce consiste en des points essentiels.
Tout d'abord la notion d'autorité parentale en droit français, qui est différente de celle de responsabilité parentale en droit marocain.
Dans le premier cas, l'autorité parentale étant partagée entre les époux, la garde peut également être partagée, de même que chaque parent et, dans tous les cas le parent gardien, peut prendre toutes les décisions nécessaires en faveur de l'enfant mineur.
En revanche, en droit marocain, le père étant le tuteur légal, la mère ne peut prendre aucune décision quant au mineur, si l'aval du père n'est pas donné, et ce quand bien même elle serait la gardienne de l'enfant mineur.

En matière de pension alimentaire due aux enfants, ainsi que de prestation compensatoire accordée à la femme, les montants alloués varient dans des proportions très importantes, en faveur du droit français. La femme a donc intérêt à demander le divorce en France.

Des avancées sont cependant à noter dans le droit marocain :
Tout d'abord, la femme n'est plus obligée de vivre dans la même ville que son ex-époux. Elle peut décider de vivre partout au Maroc. Mais si elle veut vivre en France, elle doit obtenir l'accord du père des enfants. En effet, rappelons que la femme n'est que « gardienne des enfants », elle n'est donc pas tutrice légale. Seul le père peut l'être. Dans ce cas, si le père refuse de donner son accord au retour de la femme en France, celle-ci perd son droit de garde des enfants.

Ensuite, certains cas permettent à la femme de devenir automatiquement tutrice légale des enfants : en cas de prodigalité ou de maladie mentale du père, ou si celui-ci décède.

Enfin, le divorce est aujourd'hui possible sur demande de la femme, et elle l'obtiendra.


Quelle est la place de la religion?  


La place de la religion est très grande, puisque l'enfant suit obligatoirement la religion de son père. C'est la raison pour laquelle une marocaine ne peut se marier avec un étranger qu'à la condition que celui-ci se convertisse à l'Islam. Dans le cas contraire, le mariage qu'elle aurait pu contracter en France serait nul aux yeux de la loi marocaine.
Il n'y a aucun empêchement à ce que la mère française, gardienne des enfants, ne soit pas musulmane. En revanche, s'il est avéré qu'elle n'élève pas ses enfants dans la religion musulmane, elle tombera sous le coup de la loi pénale et la garde des enfants lui sera retirée.
Dans un tout autre registre, la succession est marquée par le sceau de la religion, puisqu'un musulman n'hérite pas d'un non musulman, et vice-versa. Concrètement, une femme française non convertie ne pourra percevoir l'héritage de son époux musulman décédé, et les enfants musulmans ne pourront percevoir l'héritage de leur mère non musulmane.
 

Quelles sont les règles en matière de garde des enfants? La résidence alternée est-elle possible?  

La résidence alternée n'existe pas en droit marocain. La mère est toujours la première gardienne des enfants, à moins que son comportement moral ne soit répréhensible et ne puisse avoir des incidences sur l'éducation des enfants.
Par comportement répréhensible, comprenez des relations sexuelles hors mariage (même en étant divorcée).

Un droit de visite est accordé au père.


La médiation familiale existe-t-elle au Maroc?  


Oui, mais pas dans le sens où l'entend le code de procédure civile français. Le juge marocain convoque les parties pour une tentative de conciliation. Il peut également mandater deux arbitres, généralement choisis par les époux, pour poursuivre cette conciliation. Mais cette conciliation a uniquement pour but de réconcilier les époux et d'éviter le divorce. 
La médiation dans le sens où l'entend le droit français correspondrait plutôt à une demande de divorce à l'amiable, demande dans laquelle les parties soumettent au juge les modalités de leur divorce (garde, droit de visite, pensions?), modalités que le juge entérine sous forme de jugement. A condition toutefois qu'aucune disposition ne soit contraire à l'ordre public marocain. Les parties ne peuvent, par exemple, convenir d'une garde alternée, puisque celle-ci n'existe pas en droit marocain.



Quels sont les problèmes administratifs que peuvent rencontrer les ex-époux ?  


Les deux législations se rejoignent sur l'essentiel, à savoir que les termes du jugement doivent être respectés par chacun des parents, à charge pour celui qui ne les respecterait pas de tomber sous le coup de la loi, civile ou pénale. La non présentation d'enfant, soit par la mère gardienne au père, soit par le père qui ne rendrait pas l'enfant à sa mère au jour et à l'heure dits, sont passibles des deux à la fois (amende et peine d'emprisonnement).

Il en va de même du non-paiement de la pension alimentaire.

Concernant les problèmes administratifs, le père étant le seul tuteur légal des enfants, en droit marocain, lui seul est habilité à fournir l'autorisation pour l'obtention d'un passeport pour les enfants mineurs, ou leur sortie du territoire marocain.
Son autorisation peut également être exigée pour l'inscription scolaire ou pour toute autre inscription.


Est-ce plus intéressant de divorcer en France ou au Maroc?   


Le divorce marocain est une procédure rapide, quand bien même les deux époux ne seraient pas d'accord, puisque le code de la famille prévoit une durée maximale de six mois.
Quant aux frais, ils se résument aux honoraires des avocats, la taxe judiciaire et les frais d'huissier attachés à la demande en divorce s'élevant à environ 250,00 DH seulement.


Témoignage de Nathalie : 


Nathalie est française, mariée à un Italien mais vivant au Maroc.
"Début juin, mon mari a déposé une demande de divorce au Maroc. Je vous confirme que ma situation est défavorable sur le plan juridique :
- sauf accord express de mon mari, le juge français se déclarera incompétent pour statuer sur l'exercice de la responsabilité parentale au profit d'un juge marocain. Ce dernier devrait acter a priori la résidence des enfants au Maroc et ne pas suivre ma volonté de rentrer en France.
- il y a également de grandes chances que le juge français se déclare incompétent sur le divorce lui-même du fait qu'on ne peut pas contraindre un ressortissant européen (mon mari est italien) à comparaître devant la justice d'un autre pays européen.
Dès lors, la procédure entamée en France devrait tomber au profit de la procédure marocaine qui deviendra prioritaire de plein droit.
Enfin, d'après mon avocat marocain, mes chances sont très faibles qu'un juge marocain m'accorde le droit de rentrer en France avec mes enfants. En clair, mes enfants sont coincés au Maroc.
Pour l'heure, j'ai prévu de me rétablir dès à présent en France afin de pouvoir demander un divorce de plein droit en France, en espérant que cela soit encore possible même si une décision marocaine aura probablement déjà été prononcée.
A compter de septembre, je ferai 2 voyages par mois d'une semaine chacun au Maroc afin de ne pas perdre le lien avec mes enfants et de continuer à m'en occuper, tout en maintenant bien ma résidence en France.
J'entame maintenant la médiatisation de mon cas afin de sensibiliser les personnes sur les incidences des expatriations en matière de droit familial car je me rends compte que personne n'a conscience des risques que cela représente (en sachant que c'est finalement souvent la femme qui est largement défavorisée). Je prépare également un blog afin d'y relater mon cas ; toute une partie sera consacrée aux aspects juridiques des divorces des expatriés.
En bref, j'ai décidé de me battre".


Lorraine Pincemail


Maître Fadéla SEBTI
Avocate
1 rond point St Exupéry 20130 Casablanca
05.22.20.78.30
cabinet@fadelasebti.com

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Publié le 13 juillet 2014, mis à jour le 13 septembre 2023

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