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Rencontre avec Make A Move, le groupe berlinois qui va vous faire danser !

Berlin a cette image de capitale culturelle où tout est possible pour les artistes. Dans cette série, Le Petit Journal part à la rencontre de musiciens qui contribuent à l'énergie musicale de la ville. Cette semaine, Matthieu, tromboniste et chanteur du collectif Make A Move, nous ouvre les portes de leur univers festif et authentique.

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Le groupe berlinois Make a Move © Jona Freigang
Écrit par Sandrine Ibanez
Publié le 1 mai 2024, mis à jour le 2 mai 2024

A l’origine du groupe, un besoin d’évasion musicale

C’est en 2014, en prépa d’école de jazz, que tout a commencé. Pour éviter la saturation, retrouver de la légèreté et connecter avec le public, le groupe se retrouve pour jouer sur le pont de Warschauer. 

Jouer dans la rue, c'était un peu un atelier supplémentaire qu'on avait créé nous, qui était de la musique faite uniquement pour danser.

C’est d’ailleurs un lieu emblématique pour le groupe, chargé de beaux souvenirs, y compris quand la police a dû intervenir pour contenir l’enthousiasme du public qui débordait sur la route. Il y a une sorte de code d’honneur des musiciens de rue, une façon harmonieuse de partager l’espace et l’attention du public: on attend que l’autre ait fini avant de commencer. Une autre artiste, bien connue maintenant, Alice Phoebe Lou, avait pour habitude, lorsqu’elle avait terminé, d’inviter son public à aller écouter le groupe, à l’aide d’une pancarte indiquant “Make A Move”, avec une flèche pointant dans la bonne direction. Le nom est resté.

Leur signature musicale, c’est de la brass pop. Brass parce que les cuivres sont très présents, particulièrement pendant les concerts, et qu’ils reviennent toujours un petit peu au jazz ou à la funk, avec quasiment sur tous les morceaux un solo improvisé par un des membres du groupe.

Dix ans plus tard - et ils en sont légitimement fiers, non seulement le collectif est toujours là, mais il est sorti de la rue, monté sur des “vraies” scènes, et s’est professionnalisé. Make A Move fait aujourd’hui entre 50 et 70 concerts par an. 

Le noyau dur s’est stabilisé. Le collectif compte désormais 7 membres : un chanteur / batteur, une chanteuse / clavier, un bassiste, un guitariste, deux saxophonistes - tous allemands, plus un français, Matthieu, tromboniste et qui écrit également. C’est pour cela que le français s’invite dans la plupart des chansons, d’ailleurs environ le tiers sont totalement en français. 

 

 

Cette notion de collectif est très importante pour eux. A la fois dans le processus créatif, durant lequel chacun insuffle un peu de sa magie à différentes étapes, mais aussi lors des concerts. L’attention se déplace d’un membre à l’autre, il n’y en a pas un plus important que les autres, tout le monde a sa place, ses spécificités - ou “superpouvoirs” qui sont mis en scène et valorisés. Devant une audience qui met un peu plus de temps à se réchauffer, ils trouvent dans leur bulle, entre eux, l’énergie qui finira par être contagieuse.

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’énergie, ils n’en manquent pas.


 

Une festivité engageante… et engagée

Make A Move donne tout sur scène, y compris devant un public circonspect qui les regarde les bras croisés, et ne lâche rien jusqu’à ce que toute la salle ait bien dansé et sué. Ils voient cela comme un challenge, se prêtent au jeu, et sont toujours très fiers quand l’objectif est atteint. Les concerts sont d’ailleurs complètement pensés dans cette optique - une montée progressive, plutôt que des fluctuations.

Parce que leur objectif est clair : c’est la fête. S’éclater, prendre un maximum de plaisir sur scène, faire danser, emmener le public à se détendre, lâcher prise et se laisser aller. Leur professionnalisme ne les empêche pas de ne pas se prendre au sérieux, et ils assument complètement leur besoin de couleurs et de légèreté. Leurs performances sont une vraie invitation à la liberté d’être soi, d’être authentique, bizarreries incluses, sans une once de honte !

Si leurs paroles, surtout au début, allaient aussi plutôt dans la légèreté et la totale festivité - qu’il s’agisse de juste avoir besoin d’une ligne de basse pour se sentir bien ou de bouger son popotin jusqu’au petit matin, cela ne les empêche pas d’avoir aussi envie d’aborder des thèmes plus mélancoliques, sérieux ou profonds. Et là, la musique devient également plus pop, plus produite, moins festive, pour justement mieux porter le message.

 

 

Un des sujets moins légers mais tellement importants qui leur tient à cœur, car il correspond aussi à leur évolution personnelle, c’est la déconstruction des clichés de la masculinité - sujet central de leur dernier EP. 

Quand on s’est connus, on avait la vingtaine, et globalement, on ne savait rien - de la musique, de la vie, de qui on était.

A travers l’exploration de la fête à Berlin et grâce à l’ouverture d’esprit qui règne ici, et à la visibilité de la culture queer, les membres du groupes ont été amenés à se questionner sur la masculinité et toutes les possibilités d’être un homme - dans leurs vies, et en chansons.

Et on peut se réjouir que ce ne soient pas des vibrations de mâle alpha qui émanent du groupe, pourtant très majoritairement masculin - euphémisme, Sophie ne les a rejoint qu'en Octobre 2023 ! En tournée, ils échangent tous les matins sur comment ils se sentent, car tellement de choses se passent sur scène, c’est vraiment intense, et ils s’autorisent à ressentir et partager leurs émotions. Sur scène justement, ils n’hésitent pas à porter des tutus ou des bikinis, se maquiller, à explorer leur côté féminin et féministe. Et les paroles, donc, vont également dans cette direction - notamment lorsque le groupe joue “Laber Mich Nicht Voll”, une chanson qui s’adresse aux masculinistes.

Cette liberté d’être et de paroles sur ces sujets n’aurait peut-être pas été possible ailleurs - Berlin est un eldorado pour cette remise en question des clichés et l’exploration du champ des possibles.

 

La ville de Berlin dans leur ADN

L’histoire et l’évolution de Make A Move est tellement imbriquée avec Berlin que la ville fait complètement partie de leur identité - les lieux, les souvenirs, les anecdotes, et aussi un terreau fertile pour s’autoriser à être authentique.

L’électro, ce n'est pas une musique vers laquelle on serait allé si on n'avait pas vécu à Berlin. Ici, on y est forcément confronté, c'est devenu quelque chose qu'on a même appris à apprécier.

Berlin n’a pas forcément eu d’impact direct sur leur musique, mais leur permet de se sentir libres d’accueillir une multitude d’influences musicales de Pink Floyd, jusqu’à du jazz avant-gardiste en passant par du punk rock. L’exploration de l’univers de la fête et de la scène techno est palpable sur quelques morceaux, qui se transforment en espèces d’électro acoustique sur scène. 

Des lieux emblématiques ont marqué l’histoire et l’évolution du collectif :  le pont de Warschauer, bien sûr, là où tout a commencé et là où ils jouent encore, mais aussi Raw Gelände, Badehaus où ils ont fait un concert toutes les six semaines pendant un an et demi, le Gretchen qui leur a ouvert ses portes pendant la pandémie quand ils devenaient un peu fous, à ne plus pouvoir jouer, et leur a offert l’opportunité d’enregistrer des émissions, leur propre Make A Move Show avec des invités, ce qui leur a permis de faire l’expérience de la production d’émissions. 

Matthieu parle avec tendresse et enthousiasme de leurs QG, comme le jazz bar Peppi Guggenheim ou le Damensalon, le bar en face de leur salle de répète, où ils se retrouvaient après les concerts. De la rue, où ils puisent leur inspiration (le späti revient dans de nombreux titres !) et où ils ont aussi tourné des clips comme Popotin dans un joyeux foutoir - ils étaient tous déguisés, il y avait toute la foule bigarrée du quartier, SDF et vendeurs de drogue inclus, des gens qui passaient avec leur sound system à fond, leur faisant perdre le fil et la synchro de la chorégraphie, la perfusion de Club Maté pour tenir… bref, la parfaite expérience Berlinoise.

Et surtout, du public Berlinois. Forcément, vu que ça fait 10 ans qu’ils jouent ici, le public leur est acquis. Déjà, à chaque concert, le premier rang, ce sont leurs amis, qui leur renvoient de l’énergie et chauffent la salle. Le public ici, c’est leur public, ce sont des gens qui les soutiennent et les suivent, qui leur réclament des morceaux - Make A Move est a priori à tout jamais obligé de jouer Bassline à chaque concert, sinon, le public proteste ! 

 

 

C’est aussi un public plus ouvert, plus éclectique, avec qui ils se permettent plus de choses - qu’il s’agissent de les inviter à faire des pogos doux (oui, apparemment, c’est possible), de passer des messages parfois délicats en se sachant soutenu, ou de leur faire confiance pour veiller à la sécurité de 3 octogénaires, la mère du bassiste et ses deux amies, qui ont ainsi pu se lancer dans un stage dive délirant.

Des mauvaises expériences ? En 10 ans, forcément, il y en a, mais vraiment peu. Leur côté allemand, organisé, ponctuel et fiable grince parfois avec l’ambiance (trop) détendue de Berlin - comme cette fois où ils sont arrivés dans un club et que l'ingénieur du son, en retard d’une heure, leur a avoué ne pas avoir lu leurs demandes concernant le matériel parce qu’il ne fait jamais ça et que ça ne sert à rien… gros stress pré-concert car rien n’était prêt. Parfois aussi, des “célébrités” les prennent un peu de haut ou oublient de les créditer, légèrement déplaisant… mais on sent bien que ce n’est pas ce que le groupe retient de son expérience Berlinoise. 

Au contraire, on sent beaucoup d’amour pour la ville, qui leur permet chaque jour d’explorer et d’enrichir davantage leur musique et leur identité.

Suite à la traditionnelle demande de recommandations, Make A Move nous invite à découvrir une mini-sélection d’artistes berlinois dont ils apprécient à la fois la musique et les qualités humaines, parmi ses nombreux coups de coeur : Fred Garden, Brass Riot, Olicía et Wallis Bird.

 

Pour mieux découvrir l’univers musical de Make A Move, nous vous invitons à visiter leurs comptes Instagram, Spotify, YouTube et leur site officiel

Et pour les voir en concert, rendez-vous pour le Make A Move "LIEBE" Tour Final, c’est le 9 mai 2024 à Festsaal Kreuzberg !  

Le groupe Make a move
© Jona Freigang

 

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