L’Allemagne est une terre d’accueil pour des millions des personnes venues des quatres coins du monde. Mais à Berlin, c’est la communauté turque qui constitue le groupe d’origine extra-européenne le plus important : ils sont plus de 110 000 de nationalité turque à vivre dans la capitale.
Ce groupe façonne des quartiers entiers de la capitale et y apporte la trace de l'Orient. Sur un plan plus politique, ce sont 100 000 turcs vivants à Berlin qui sont concernées par les élections en Turquie. Erdogan tente régulièrement de faire campagne en se rendant directement en Allemagne, ce qui n'a pas été possible depuis des années du fait de tensions avec le gouvernement allemand qui n'approuve pas toujours les méthodes et discours de l'AKP.
L’histoire d’une communauté installée en Allemagne
Si l’Allemagne et la Turquie ont des liens historiques complexes remontant jusqu’à l’Empire ottoman, c’est principalement dans la période d’après-guerre qu'une vague d’immigrés va arriver dans le cadre du programme officiel des “Gastarbeiter”, les travailleurs invités. L’Allemagne dévastée par la guerre, en manque de main-d'œuvre, s’est saisie de l’opportunité que représentaient certains pays du sud où les taux de chômage étaient plus élevés. Des accords bilatéraux sont donc signés à partir de 1955 avec de multiples pays européens, notamment l’Italie, mais aussi le Maroc, la Corée du Sud et la Tunisie. C’est en 1961 que l’accord est signé avec la Turquie - leurs “travailleurs invités” auxquels étaient accordés des visas de travail devenant rapidement le groupe étranger majoritaire en Allemagne.
Si à l’origine ils devaient rentrer dans leur pays après avoir travaillé et acquis des savoir-faire pendant quelques années, ces immigrés se sont de plus en plus installés sur le long terme, au point de progressivement ne plus envisager le retour. Les opportunités d’emploi étaient en effet bien moins bonnes en Turquie dans les années 1960-70 et certains ont fait venir le reste de leur famille. Entre 1961 et 1973, ce sont ainsi près de 900 000 turcs qui entrent en Allemagne de l’Ouest sous le nom de Gastarbeiter et vont participer à la reconstruction économique et industrielle du pays.
Le droit du sol n’existant pas en Allemagne, la première génération issue des immigrés turcs nés en Allemagne n’a pas automatiquement reçu la nationalité mais a pu la demander plus tard dans sa vie. L’intégration de cette communauté n’a cependant pas été simple et est encore sujette à débat aujourd’hui, avec une cristallisation des tensions autour de certains thèmes comme la volonté de s’intégrer, les différences culturelles et la religion. Une large part des immigrés s'est installée dans la capitale et en particulier dans les quartiers les moins chers à l’époque, dont Kreuzberg.
Kreuzberg, la petite Istanbul
Cet arrondissement au centre de la capitale est connu pour être le plus fréquenté de la communauté turque berlinoise. Ce sont plusieurs avenues en particulier qui sont très animées et concentrent les commerces en tout genre : Oranienstraße, Kottbusser Tor, jusqu’à Neuköln et la Karl-Marx Straße. Sur la Hermannplatz, fermez les yeux et vous serez immédiatement transportés sur les bords du Bosphore. Les odeurs du marché, les restaurants typiques à chaque coin de rue, le turc parlé par les habitants, l’ambiance générale en font un endroit tout à fait à part à Berlin, avec ses propres codes.
Concrètement, certaines zones comme Oranienplatz comptent des taux très élevés d’habitants turcs (voir les statistiques de 2023). Cette démographie tend jusqu’à 20 à 50% pour les principaux quartiers de Kreuzberg. Et c’est sans compter les turcs-allemands, qu’on appelle ici les Deutsch-Türken, qui sont les descendants d’immigrés et qui seraient aujourd’hui plus de 200 000 rien qu’à Berlin. A titre de comparaison, les français vivant à Berlin se retrouvent en 11ème position du classement des nationalités en nombre avec 22 000 personnes.
Les lieux à découvrir : une expérience de l’Anatolie à Berlin
Il existe quelques lieux à connaître pour s’immerger dans cette culture locale si particulière. Bien sûr, vous n'échapperez pas à l’incontournable Döner Kebab, l’institution culinaire élevé au rang de symbole national. Il vous faut notamment visiter les restaurants Hasir, dont le fondateur aurait eu le premier l’idée géniale. Hasir a maintenant cinq lieux à Berlin dont un à Kottbusser Tor.
Visitez également le marché turc de Kreuzberg, sur les berges du Landwehrkanal, deux fois par semaine, pour profiter de la street food à petit prix mais aussi les commerces d’épices, la décoration, etc. Le musée FHXB Friedrichshain-Kreuzberg propose lui des expositions permanentes sur ces deux quartiers de Berlin, leur histoire, leurs combats et leur identité. A visiter pour comprendre les enjeux qui ont animé ces lieux de vie à travers les décennies.
Si vous êtes adepte de la vie nocturne, alors le SO36 est absolument à connaître. Ce club iconique de Kreuzberg depuis les années 70 fait chaque mois sa soirée Gayhane, la première queer oriental party d’Allemagne. Ouverte à tous, cette boîte de nuit est fréquentée par des berlinois.e.s queer d’origine étrangère dont des turcs.
Côté restauration, il y a tellement de restaurants turcs à Berlin qu’on ne peut n’en conseiller que quelques-uns. Le FES Türkisch BBQ par exemple est très réputé pour les grillades de viande accompagnées de tapas turques comme le humus ou le pilaki (Südstern, U7). Mais les bonnes adresses sont nombreuses. En flânant dans les rues, vous trouverez pleins de petites boutiques sans prétention et pourtant délicieuses, comme le Kumru Kuruyemis (Mehringdamm, U6/U7) qui vend des épices, des fruits confits, du thé ou encore des pâtisseries. Le site de recommandation Mit Vergnügen en a fait une liste non exhaustive ; et un compte instagram y est aussi dédié : @turkishfoodberlin.
Enfin, vous pourrez aller vous relaxer au Turkish Sultan Hammam pour faire l’expérience du bain turc et d’autres soins ou massages au cœur de Schöneberg.
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