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RUGBY EN POLOGNE - Un sport en devenir

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 17 octobre 2016, mis à jour le 17 octobre 2016

 Serge Bosca, Président de l'Association polonaise de rugby jusqu'en septembre dernier, vit en Pologne depuis près de 25 ans. Ingénieur de formation, il a cependant occupé de nombreux postes dans le milieu du sport, tant à l'Olympique de Marseille qu'au Borussia Dortmund ou au Lech Pozna?. Lepetitjournal.com/Varsovie est allé à sa rencontre pour en savoir plus sur la place du rugby en Pologne, et les évolutions nécessaires pour un sport qui doit encore gagner en popularité en Pologne. 

Quelle place occupe le rugby aujourd'hui en Pologne ? Est-ce un sport populaire, médiatisé ?

En Pologne, nous avons la culture de « la gagne », c'est-à-dire que les supporters suivent l'équipe vainqueur, quel que soit le sport. Mais étant donné que ni l'équipe de rugby à XV ni celle à VII ne compte de victoires pour le moment, le sport peine quelque peu à se frayer un chemin. Toutefois, Le rugby à VII est un sport où une génération peut émerger : il suffit d'avoir deux, voire trois, très bons joueurs une année pour que l'on puisse espérer une victoire. L'année dernière, la Lituanie a atteint la septième place mondiale. C'est un pays de 3 millions d'habitants ! Ils avaient de bons joueurs et ont réussi à monter un bon groupe de copains, voilà tout !

Bien qu'âgé de presque 100 ans en Pologne, le rugby est actuellement un sport de niche : nous avons autour de 7500 licenciés (contre près de 660 000 licenciés en football, sport le plus populaire de Pologne). Concernant sa visibilité, les matches de l'équipe nationale sont tous diffusés sur Polsat Sport, de même que la Coupe du Monde, le Top 14 français et le Tournoi des Six Nations. On ne peut pas vraiment dire que la diffusion rapporte réellement de l'argent à la fédération actuellement, mais ce sera peut-être le cas un jour!

Qu'en est-il du rugby féminin ?

Les polonaises sont des battantes? Peut-être même plus que les hommes ! En Pologne, nous avons un très gros potentiel en rugby féminin. Il reste cependant difficile de créer un vivier, ce qui n'est pas le cas seulement de la Pologne mais de partout en Europe? Le problème est simple à expliquer mais pas à résoudre. Les filles peuvent jouer avec les garçons jusqu'à l'âge de 12 ou 14 ans. A l'âge de la puberté, la question du contact garçon-fille se pose davantage. Elles se tournent alors vers le handball ou d'autres sports, puis ne reviennent pas toujours vers le rugby à l'âge de 18 ans, âge auquel nous avons à nouveau des équipes?

L'Etat polonais vous soutient-il dans vos initiatives pour développer le rugby ?

Aujourd'hui, 95% des subventions reçues par le rugby proviennent de l'Etat polonais. Via des projets définis par la Fédération, par exemple développer le rugby chez les jeunes, nous déterminons nos besoins économiques et les transmettons au Ministre des Sports (et du Tourisme). Ballons, équipements, formation des professeurs, sont nécessaires pour réaliser de tels objectifs. Par le biais de notre travail de sensibilisation dans les écoles, nous avons touché 70 000 enfants.

Par ailleurs, le rugby, qui n'était plus un sport olympique depuis 1928, l'est redevenu cette année. Nous recevons donc des subventions supplémentaires à ce titre. Cependant, l'Etat envisagerait de ne verser ces subventions qu'aux sports potentiellement médaillés. Ce serait assez vain, puisqu'il est très complexe de savoir qui gagnera, et donc d'estimer quel sport nous devrions continuer ou arrêter de subventionner?.

Le rugby tel qu'on l'imagine repose sur l'idée d'une « bande de copains ». Pensez-vous que cet esprit soit possible dans une équipe de haut niveau, lorsque beaucoup d'argent est en jeu ?

Aujourd'hui, de façon générale, le rugby prend la direction du football sur le plan financier. En Pologne, nous n'avons pas encore ce problème-là mais il faut malgré tout créer de la cohésion dans les équipes. Les clubs ne sont pas riches, les villes donnent ce qu'elles peuvent et les sponsors restent rares. L'esprit « bande de copains » ne peut exister, selon moi, seulement en cas de bas salaires?

Mais je pense qu'il faut un sport d'élite pour faire rêver. Les rugbymen Wilkinson ou Carter, par exemple, parviennent véritablement à attirer les foules. Les joueurs d'un niveau un peu inférieur profiteront de cette évolution, qui est partout : dans le matériel, les habits, les installations. Le pays a fait de gros efforts et de très beaux stades ont été construits, ce qui est véritablement important pour les joueurs. Mais soyons réalistes, le sport sans argent ne peut pas exister !

Quels sont selon vous les points à développer à l'avenir ? 

Le noyau reste petit, et c'est là le problème: nous n'avons pas assez de joueurs. Et en cela, la vitrine est importante, il faut montrer les perspectives d'avenir de ce sport. Souvent, j'expliquais aux joueurs l'importance de leurs actes dans leur statut de modèles: je refusais, par exemple, de voir des joueurs fumer devant le stade. Ils font ce qu'ils veulent dans leur intimité, mais pas lorsqu'ils portent les couleurs de leur pays.

J'aimerais également créer un championnat pour les filles de 15 à 17 ans. On les laisserait évoluer dans leurs clubs d'origine et elles formeraient ensuite des équipes régionales et participeraient à un mini-championnat, où les équipes se rencontreraient quatre fois par an. Elles resteraient ainsi dans le monde du rugby.

Plus personnellement, quels sont vos projets à l'avenir ? Souhaitez-vous rester en Pologne ?

Je ne dirai pas que je suis opportuniste, mais le hasard a toujours occupé une place importante dans mes projets ! Mon engagement dans le rugby, par exemple, a été la conséquence d'une simple proposition? De plus, lorsqu'on part à l'étranger, nous devons renoncer à beaucoup de choses : sa famille, ses amis les plus proches... C'est également dur pour eux, ils ne comprennent pas toujours  le pourquoi de cette bougeotte. Pour ma part, c'est l'envie de voir autre chose, tout simplement !

 

Océane Herrero (lepetitjournal.com/Varsovie) - Mardi 18 octobre 2016

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Publié le 17 octobre 2016, mis à jour le 17 octobre 2016