Si vous ne connaissiez pas le Syreni ?piew, le temps vous est peut-être compté pour découvrir ce bar à cocktails et club branché de Varsovie, puisque celui-ci est menacé de démolition par un projet d'investisseurs. L'éventuelle destruction du bar, situé dans un pavillon moderniste des années 1970, fait débat et pose la question de la sauvegarde du patrimoine architectural d'après-guerre de la ville.
Le Syreni Spiew remplacé par des appartements ?
Il y a quelques années, Bartek Kraciuk et Norbert Redkie ouvrent dans ce pavillon restauré, autrefois utilisé par le parti communiste, le Syreni ?piew, bar à whisky et cocktails et boîte de nuit, et en font rapidement le lieu tendance où passer la soirée. Si certains critiquent des prix élevés, la plupart sont séduits par l'atmosphère chic, l'élégance du lieu et la qualité des cocktails servis. Le bar remporte ainsi de nombreux prix comme celui de « meilleur nouveau bar » en 2012, de « meilleur endroit pour l'ambiance » en 2014 ou encore celui de « club de l'année » en 2014 et en 2015. Mais l'emplacement idéal du pavillon, situé dans le parc Marsza?ka Rydza-?mig?ego et près de la grande avenue Józefa Stanka, attire les convoitises. C'est ainsi que la société Radius, propriétaire des terrains depuis 2011, veut le remplacer par un complexe luxueux de 30 appartements avec piscine, spa et salle de gymnastique. Le directeur de Radius, Robert Nowakowski, parle ainsi d'un « prestigieux bâtiment qui fera la fierté du parc » et dont l'appartement au dernier étage pourrait atteindre un prix record dans le pays. Le projet ne suscite pas l'hostilité des habitants du quartier, parfois gênés par les fêtards du Syreni ?piew, mais il rencontre une très forte opposition des habitués du lieu ainsi que de tous ceux attachés à la protection du patrimoine historique de la ville. De nombreuses protestations se sont faites entendre et un événement Facebook contre la démolition du bar rassemble plus de 20.000 personnes.
Derrière cette mobilisation, il y a notamment l'association Towarzystwo Opieki nad Zabytkami Oddzia? w Warszawie, ou TOnZ (Société pour la protection des monuments à Varsovie) qui lutte contre ce qu'elle considère comme « la démolition d'une icône de l'architecture moderniste ». Le modernisme en architecture se caractérise par un certain minimalisme avec des lignes géométriques pures et fonctionnelles, l'utilisation de matériaux tels que l'acier, le béton, le verre, et les architectes des années 1960-1970 à Varsovie adoptent ce style pour construire de nouveaux bâtiments. Avec d'autres associations, la présidente de TOnZ vient juste d'achever le dossier qui décrit la valeur architecturale du Syreni ?piew, représentatif de ce courant, pour le soumettre au conservateur de Mazovie afin de faire entrer le pavillon dans le registre provincial des monuments.
Cependant, justifier la valeur du bâtiment n'est pas si aisé du fait de l'identité inconnue de l'architecte et des décorateurs. Les défenseurs du Syreni ?piew s'appuient sur de nombreux arguments, notamment sur celui de la valeur historique en tant que témoignage intact du passé : ancien siège du parti communiste, le bâtiment fut ensuite utilisé comme restaurant et café par celui-ci, ce que le temps passé n'a en rien changé. Ce serait ainsi selon Jan ?piewak de Miasto Jest Nasze (association de citoyens dont le nom signifie « la ville est à nous ») l'un des derniers bâtiments de ce type aussi bien conservé. Appartenant au patrimoine historique de Varsovie, ce sont aussi ses qualités architecturales qui sont défendues, l'association TOnZ soulignant son haut niveau de finition, son design élégant, ses mosaïques originales et le bardage en bois recouvrant ses murs.
Une des mosaïques du bâtiment et exemple des décorations intérieures (mosaïques et bardage en bois)
La question de la sauvegarde de l'architecture moderniste d'après-guerre
Le cas du Syreni ?piew, ce bar prisé des « hipsters », n'est pas isolé : l'organisation TOnZ doit ainsi agir pour protéger quasiment tous les immeubles d'après-guerre à l'architecture moderniste. Il s'agit d'une cinquantaine de bâtiments à Varsovie presque tous menacés du fait d'un emplacement en centre-ville très convoité, devant lesquels vous passez peut-être tous les jours sans les remarquer. La Rotunda située en face du Palais de la Culture et des sciences en est un exemple. Sa destruction est planifiée, tout comme celle du musée d'art moderne Emilia. Beaucoup de bâtiments, parmi les plus emblématiques du modernisme d'après-guerre, ont déjà été détruits.
L'association TOnZ, qui existe depuis 1906, n'a pas pu empêcher cela mais se bat aujourd'hui d'autant plus pour défendre les bâtiments restants. Comme nous le dit la présidente de l'association, Kartazyna Zalasi?ska, en réponse à certaines critiques, il s'agit de défendre des « monuments à l'architecture remarquable et non les monuments du communisme ». Ce sont les qualités architecturales des bâtiments qui priment avant tout bien que Kartazyna Zalasi?ska souligne aussi leur importance pour le patrimoine historique : « en démolissant le peu de bâtiments qui restent de cette époque, c'est la mémoire des années 1960 et 1970 qui est détruite ».
Mais si la bataille pour la sauvegarde de ces monuments est difficile, tout n'est pas perdu. Pour le Syreni ?piew, par exemple, le projet des investisseurs n'a pas encore été adopté définitivement. Il reste à espérer que la mobilisation de TOnZ jointe à d'autres associations suffise à ce que la ville vote contre la validation du projet, dans quelques mois.
Si vous souhaitez vous aussi participer à la défense de ces monuments, voici le lien de l'événement Facebook : https://www.facebook.com/events/1018574978198861/?active_tab=highlights et celui de la pétition pour la protection de l'architecture moderniste à Varsovie : http://www.petycjeonline.com/petycja_w_sprawie_ochrony_dziedzictwa_powojennego_modernizmu
© Photos : Hélène Sancey-Dodivers, TOnZ, Commons Wikipedia
Hélène Sancey-Dodivers (lepetitjournal.com/Varsovie)- Mercredi 30 mars 2016
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