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ORDRE DE MALTE – Jan Emeryk Rosciszewski : « On n’a jamais vu un coffre-fort sur un corbillard »

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 23 juillet 2015, mis à jour le 23 juillet 2015

 

Face aux différentes crises humanitaires actuelles, les associations caritatives ne manquent pas d'ouvrage. Un contexte qui nous a donné envie de découvrir l'une des plus anciennes: l'Ordre des Chevaliers de Malte, fondée en 1048 à Jérusalem. Rencontre avec l'un de ses représentants en Pologne : Jan Emeryk Rosciszewski, Hospitalier, qui évoque la question de l'accueil des réfugiés en Pologne et nous parle d'une organisation fidèle à des règles parfois d'un autre temps?

Pouvez-vous nous présenter brièvement l'Ordre de Malte ?

L'Ordre de Malte est une organisation à vocation caritative, religieuse laïque d'envergure mondiale qui existe depuis plus de 900 ans. Nous sommes aujourd'hui 13.500 membres dans le monde à travers 120 pays, auxquels s'ajoutent 80.000 bénévoles et 25.000 salariés, dont beaucoup sont des médecins ou du personnel médical. En Pologne, nous sommes environ 156 membres, 160 salariés et 1.000 volontaires. L'Ordre est reconnu comme un état et dispose de son propre gouvernement ; il s'agit d'une souveraineté sans territoire à l'exception de quelques micro-territoires qui lui sont attribués, comme son siège à Rome, par exemple.

Les principes fondateurs de l'Ordre sont : protéger la foi chrétienne et servir les pauvres. Il s'agit d'une organisation directement liée au Saint Siège : certains de ses membres sont des religieux, tandis que la majorité de ses "Chevaliers et Dames" sont laïcs.

Si le domaine médical est l'activité historique de l'Ordre, les secteurs d'intervention sont très divers : assistance médico-sociale, secours aux victimes de conflits armés ou de catastrophes naturelles, services d'urgence, mise en place d'équipes de premiers secours, assistance aux personnes âgées et handicapées, création d'écoles, etc. En Pologne, nous avons un hôpital à Barczewo (près d'Olstyn), mais aussi un centre d'ergothérapie, des foyers sociaux, un jardin d'enfants et des centres de soutien pour personnes handicapées. Nous veillons également à ce que les enfants déshérités ou handicapés puissent avoir des vacances ou des réveillons de Noël.

Que signifie être Hospitalier au sein de l'Ordre ?

En tant qu'Hospitalier, je suis chargé de la coordination des actions caritatives et médicales en Pologne, mais aussi de trouver des financements (le gouvernement ne participant que très modestement), négocier avec les autorités locales, les entreprises, etc.

Comment devient-on membre, c'est-à-dire Chevalier/Dame ?

Historiquement, il fallait être issu de la noblesse. Mais les choses ont évolué de nos jours et cette condition n'est plus aussi stricte, voire inexistante dans certains pays. Il n'en reste pas moins qu'il faut être parrainé par 4 membres qui doivent certifier sur l'honneur que le candidat peut assumer les tâches qui lui sont confiées et surtout qu'il partage les valeurs de l'Ordre, elles-mêmes conformes aux préceptes de l'Eglise catholique. De plus, selon la Charte Constitutionnelle, les membres sont tenus d'avoir un comportement qui soit pleinement en accord avec l'enseignement de l'Eglise sur le plan de l'éthique, dans leur vie publique et privée.

Comment expliquez-vous la subsistance de ce dernier critère ?   

Certes, cela peut ne pas paraître « moderne »? (rires) ! Mais nous sommes un ordre religieux, il ne faut pas l'oublier... C'est aussi une façon d'en maintenir les traditions. Néanmoins, l'essentiel à nos yeux est d'être animé par les mêmes valeurs d'aide aux pauvres et de défense de la foi. Ce qui importe, c'est ce que la personne peut apporter à l'Ordre, son dévouement au service des déshérités et des malades. C'est cet objectif commun qui nous guide avant tout, ce qui signifie qu'au-delà de la règle, nous prenons en considération chaque cas individuellement.

On entend souvent dire qu'il y a une part de snobisme à vouloir faire partie de ce type d'organisation. Que répondez-vous à cela ? 

Il peut y avoir un snobisme dans toute chose. Mais je le définirai, dans notre cas, comme la volonté et le privilège de faire partie de ceux qui se préoccupent des oubliés de la société, et même de l'état. Nous avons une prière intitulée « Nos grands Seigneurs malades » : c'est-à-dire les pauvres et les malades, dont nous avons l'honneur de nous occuper, ce qui résume bien notre état d'esprit et le sens de notre action.

Quelles ont été vos actions dans le cadre de la crise ukrainienne et de la situation actuelle en Méditerranée ?

Lors des événements en Ukraine, le gouvernement polonais a demandé que les ambulances de l'Ordre évacuent des blessés. Nous en avons évacué 120, surtout dans les villes de l'ouest du pays, et continuons de prendre soins d'eux dans les hôpitaux de Varsovie et Cracovie. Nous avons aussi distribué 600.000 repas pendant les conflits à Maidan. Nous travaillons avec le gouvernement ukrainien, et sommes toujours actifs aujourd'hui, notamment à travers la formation d'équipes de sauvetage permanentes pour pouvoir créer des hôpitaux sur le front en cas de nécessité. En Méditerranée, nous avons actuellement des bateaux qui secourent les personnes en mer. Jusqu'ici, notre participation depuis la Pologne a consisté à collecter des fonds. Nous allons certainement intervenir dans le cadre de l'accueil des 2.000 réfugiés qui s'est décidé lundi dernier à Bruxelles, mais nous ne savons pas encore comment. Cela est en effet encore trop récent. 

Justement, quelle est la position de l'Ordre sur la question de l'accueil des réfugiés ? Le pays devrait-il en accueillir plus ?

Nous nous devons de partager les problèmes de l'Europe, mais l'accueil et l'intégration dans le tissu social de populations étrangères en grand nombre, est une opération complexe qui ne s'improvise pas. L'accueil dans des camps n'est pas une proposition de vie acceptable pour des êtres humains? ! Cela demande des infrastructures et une organisation en termes d'avenir professionnel, de logement, de santé, d'éducation, etc. que la Pologne ne possède pas car elle n'a jusqu'ici jamais été confrontée à cette réalité.

De plus, il y a la question de l'obédience religieuse. L'intégration de populations musulmanes dans d'autres pays européens a été un échec car elle n'a pas été préparée ni réfléchie. Il s'agit donc pour la Pologne de ne pas reproduire les mêmes erreurs.

Mais quelle que soit la situation, l'Ordre de Malte apportera toute l'aide possible et ses compétences dans ce domaine, portant secours aux plus démunis. C'est là sa mission.

L'Ordre manque peut-être de notoriété. A quoi attribuez-vous cela ?

C'est vrai. Mais la raison est très simple : financer la publicité est très onéreux et nous préférons consacrer les fonds prioritairement à nos actions. Il y a d'autres moyens pour nous rendre plus visibles et communiquer : les réseaux sociaux par exemple. C'est un domaine sur lequel il faudra que nous travaillions.

Quels sont les projets de l'Ordre en Pologne ?

Nous comptons mettre en place un grand corps médical d'urgence et y impliquer la jeunesse. C'est un projet au niveau national et nos besoins en ressources sont énormes.

Pourquoi vous être engagé dans le caritatif ? 

J'ai pour habitude de dire qu'on n'a  jamais vu un coffre-fort sur un corbillard? Mon objectif est celui d'aider mon prochain. Quand je dis aider, je veux aussi parler d'aide sur le terrain, car nous donnons également beaucoup de notre personne. J'essaie également d'enseigner cela à mes enfants, de leur transmettre des valeurs humaines. Ils passent d'ailleurs une partie de leurs vacances dans un camp à participer aux soins des malades. Quand on se dit qu'on a pu aider, offrir un réconfort, on ressent une satisfaction qui vaut beaucoup plus que n'importe quoi.

Pour les dons : http://www.zakonmaltanski.pl/artykul/162_zakon_maltaski_w_polsce  

Laura Giarratana (lepetitjournal.com/Varsovie) - Vendredi 24 juillet 2015

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Publié le 23 juillet 2015, mis à jour le 23 juillet 2015