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IMMIGRATION - La Pologne accueille soixante familles de chrétiens syriens

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 24 juin 2015, mis à jour le 24 juin 2015

En mai dernier, le Premier ministre Ewa Kopacz a annoncé l'accueil par la Pologne de soixante familles chrétiennes de Syrie, une première en Europe. Cette décision a été vivement saluée par l'ONG polonaise Fundacja Estera, à l'origine du projet. Pour en savoir plus, nous avons rencontré sa présidente, Miriam Shaded.

Fundacja Estera est une organisation non gouvernementale créée l'année dernière en Pologne, dont le principal but est de venir en aide aux populations persécutées du Moyen-Orient. L'ONG se dit non confessionnelle : "Nous défendons avant tout les droits de l'homme, les convictions religieuses passent ensuite", explique Miriam Shaded. Cette jeune femme polonaise, dont le père est Syrien, est la présidente de Fundacja Estera. Elle milite depuis un an pour accueillir en Pologne les chrétiens en danger. "Le but n'est pas seulement de les faire immigrer, mais de leur offrir une nouvelle vie dans notre pays. On veut qu'ils s'assimilent, qu'ils apprennent la langue polonaise, sa culture, qu'ils trouvent un travail,?" précise-t-elle.

Les personnes qui vont être accueillies ne sont pas des réfugiés, et ne sont donc pas prises en charge par l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR). En effet, comme l'explique Rafal Kostrzynski, qui travaille à l'UNHCR, "ce sont des personnes vivant encore en Syrie, qui n'ont pas fui leur pays, contrairement à quatre millions de Syriens qui vivent actuellement au Liban, en Jordanie, en Turquie ou en Irak."

Un projet entièrement financé par l'ONG polonaise
Le gouvernement polonais a accepté de fournir des visas à soixante familles chrétiennes de Syrie, "pour commencer". C'est un début timide, comparé à ce que l'ONG espérait (trois cents familles, soit environ 1.500 personnes), mais Fundacja Estera pense que la Pologne est désormais sur la bonne voie.

"Les personnes que l'on va accueillir ont été sélectionnées par des évêques locaux, selon deux critères : leur appartenance de longue date à l'Eglise catholique, et leur degré d'exposition au danger", déclare Miriam Shaded. Elle précise : "Nous avons besoin de l'accord du gouvernement pour autoriser la venue de ces familles sur le territoire polonais, mais ensuite leur prise en charge est entièrement assurée par l'association." Elles seront dispersées dans toute la Pologne, accueillies par des communautés ecclésiales.

L'arrivée des soixante familles retardée

Actuellement, les soixante familles syriennes ont quitté leur pays, mais ne sont pas encore en Pologne. Selon la présidente de Fundacja Estera, ceci s'explique surtout par "la lourdeur des démarches administratives et des procédures légales". 

Elle se dit néanmoins très reconnaissante envers les autorités, qui selon elle, ont accueilli favorablement son projet. "Mais à l'échelle locale, certains freins persistent, car il faut bien sûr tout faire dans le respect de la loi."

L'Europe, terre d'accueil des chrétiens d'Orient ?
Pour Miriam Shaded, le fait que la Pologne soit un pays catholique a largement contribué à la décision du gouvernement. Le Premier ministre Ewa Kopacz avait d'ailleurs déclaré que les chrétiens de Syrie méritaient "qu'un pays chrétien comme la Pologne agisse rapidement et qu'il leur vienne en aide".

"Aujourd'hui, notre association se concentre essentiellement sur les chrétiens Syriens, en raison du contexte actuel, explique Miriam Shaded. En Syrie et en Irak, c'est une véritable guerre de religion qui ne dit pas son nom, et qui cherche à anéantir les minorités religieuses. Or, les pays voisins aident chacun leurs propres minorités (sunnites, chiites,?). Mais aux frontières de la Syrie, personne ne veut accueillir les chrétiens." Selon elle, la Pologne est un "zone sûre" où les chrétiens d'Orient peuvent s'intégrer à la société. Mais en passant de minorité religieuse en Syrie à minorité ethnique en Pologne, ces personnes ne quittent-elles pas un mal pour un autre ? Pas du tout, selon Miriam Shaded : "les communautés chrétiennes en Pologne sont vraiment prêtes à les accueillir et les aider à s'intégrer."

Miriam Shaded, présidente de Fundacja Estera

Elle espère que la décision du gouvernement polonais servira d'exemple en Europe : "On ne parle pas assez de la situation tragique vécue par les chrétiens d'Orient." Lors de la Veillée pascale en avril dernier, le pape François avait dénoncé l'"indifférence" face à leur massacre. Le Parlement Européen a néanmoins adopté au printemps dernier une résolution sur la persécution des chrétiens dans le monde, en lien avec le meurtre d'étudiants au Kenya par le groupe terroriste Al-Chebab. En 2013 , il avait déjà adopté en séance plénière une résolution par laquelle il condamnait les actes de violence et de persécution à l'encontre des chrétiens en Syrie, au Pakistan et en Iran.

Et les quotas migratoires dans tout ça ?
La Pologne, comme beaucoup de ses voisins, s'est opposée à la récente proposition de l'Union européenne d'instaurer des quotas de migrants au sein des pays membres moyennant une rétribution financière. En effet, elle ne se déclare favorable qu'à l'accueil de migrants de façon bénévole et volontaire, comme ce sera le cas pour ces soixante familles. Un point de vue que Miriam Shaded semble partager : "En refusant la politique des quotas européens, la Pologne peut choisir les personnes qu'elle accueille sur son territoire, et garder le contrôle de sa politique migratoire."

Marie-Jeanne Delepaul (lepetitjournal.com/Varsovie) ? Jeudi 25 juin 2015

©Crédit photo : Fundacja Estera

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Publié le 24 juin 2015, mis à jour le 24 juin 2015