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INTERVIEW DIRIGEANT - Gérard Bourland, directeur général de Veolia Pologne

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 23 septembre 2015, mis à jour le 21 mars 2017

A l'heure où l'écologie constitue un véritable défi pour la Pologne, lepetitjournal.com/Varsovie s'est intéressé aux activités de Veolia dans le pays en allant à la rencontre de son dirigeant, Gérard Bourland. Comment le Groupe français participe t-il aux challenges écologiques auxquels la Pologne doit faire face? Comment fonctionne le système de chauffage à Varsovie? Quels espoirs concernant l'amélioration de la pollution? Gérard Bourland a accepté de se prêter au jeu des questions-réponses.

Pouvez-vous nous dire quel a été votre parcours?

Je suis ingénieur de formation et ai travaillé pendant 25 ans dans le nucléaire en France chez EDF. Je suis ensuite parti à Budapest, en Hongrie, en tant que responsable de la filiale dédiée à l'activité de cogénération qui alimente en chauffage la ville. Puis j'ai rejoint Veolia, toujours en Hongrie, ce qui fait que j'ai passé 12 ans dans ce pays. En 2013, je suis arrivé à Varsovie comme patron de Veolia Energie Pologne puis de Veolia Pologne.

Pouvez-vous nous dire brièvement en quoi consistent les activités de Veolia en Pologne?

Présent en Pologne depuis 1998 (avec la filiale Dalkia qui s'appelle maintenant Veolia Energia), Veolia conçoit et déploie des solutions pour la gestion de l'eau, de l'énergie et des déchets. Parmi ces 3 métiers, celui de l'énergie représente 95% de notre activité en Pologne. L'eau, 5%, quant aux déchets, l'activité de collecte a été vendue l'année dernière, car nous souhaitons nous concentrer sur les activités à forte valeur ajoutée comme le traitement et l'incinération des déchets. Nos clients appartiennent majoritairement au secteur public (85% de notre activité) : ce sont les municipalités. Nos clients privés sont les industriels et le tertiaire. Notre métier consiste à accompagner les villes et les industriels dans l'usage optimisé des ressources, afin d'en augmenter l'efficacité économique, environnementale et sociale. Nous sommes des opérateurs pensant et agissant dans le long terme, soit en tant que propriétaires des installations, soit parce que nous possédons des concessions ou des contrats d'opérateurs.

Quel poids a la filiale Pologne au sein du groupe et sur le marché de l'énergie dans le pays ?

Aujourd'hui, Veolia Pologne représente 4.600 personnes et 900 M? de CA.  La Pologne est parmi les 10 pays les plus importants du Groupe Veolia, nous y sommes le leader des réseaux de chaleur avec 25 % du marché.

Comment fonctionne le système de chauffage aujourd'hui à Varsovie ?

Il s'agit d'un système hérité du communisme, voire d'avant-guerre, parfois. Un réseau de chaleur collectif distribue de l'eau chaude à toute la ville à partir de deux sites de production (situés au nord et au Sud de Varsovie) auxquels s'ajoutent 3 autres de plus petite envergure, en cas de nécessité. 1700 km de tuyaux souterrains alimentent ainsi Varsovie en chauffage.  

Après 1989, ce système de mise en commun souffrait d'une image liée au communisme, pas seulement en Pologne, mais dans tous les pays de l'ancien bloc. Le fait d'être obligé d'accepter un certain type de système avec des prix fixés par le politique n'était plus au goût du jour. Aujourd'hui, les choses ont changé. On assiste au mouvement inverse et pour cause : ce système constitue un véritable avantage à différents égards. Le premier se mesure en termes d'efficacité pour l'environnement : le chauffage individuel est en effet la principale source de pollution aujourd'hui car nous n'avons pas la maîtrise des différents types de combustibles utilisés (charbon, bois, plastique, papier, etc.) et que les chaudières individuelles ne possèdent pas de système de filtration des fumées. Le second : un coût avantageux aussi bien pour le consommateur qui réalise une économie de 15 à 20% sur ses factures que pour les investisseurs immobiliers qui n'ont aucun frais d'installation. Le troisième : l'absence de chaudière dans un immeuble constitue une sécurité non négligeable.

Veolia est de plus en plus sollicitée par les maires des villes en Pologne qui veulent raccorder au réseau commun les vieux immeubles qui font exception à ce système (et la législation oblige par ailleurs à le faire, à moins d'être capable de démontrer que le type de chauffage  proposé est plus efficace que celui du réseau). C'est ce que nous faisons à Lodz, Poznan et Varsovie où nous contribuons à la réhabilitation des quartiers.

Quelle est la composition de l'énergie qui est distribuée chez l'habitant et dans les industries ?

Pour ce qui concerne le chauffage collectif, le charbon est le combustible principal. Dans nos réseaux de Lodz et Poznan par exemple, le charbon représente environ 80 % et la biomasse 20 %. Concernant le chauffage individuel, c'est plus difficile à estimer. Néanmoins, le charbon est toujours très présent et le gaz dans une moindre mesure. De plus, les habitants  brûlent dans leur chaudière non seulement du charbon mais aussi toutes sortes de combustibles peu chers et polluants. Pour ce qui est de l'industrie, c'est aussi le charbon qui est largement majoritaire.

Avec le charbon comme principal combustible, la Pologne est considérée comme le mauvais élève de l'UE en ce qui concerne la pollution. Comment voyez-vous les choses ? La Pologne a-t-elle les moyens de se passer de ce combustible ?

Nous sommes en train de mettre en place sur nos installations un système de captage de résidus de combustion de charbon (des poussières, du souffre, des oxydes d'azote). De plus, nos centrales de cogénération ont une efficacité d'environ 85%. C'est-à-dire que les pertes thermiques rejetées dans l'atmosphère sont seulement de 15%. Pour une centrale qui ne fait que de l'électricité, l'efficacité est de 45% environ. Donc il vaut mieux brûler du charbon dans une centrale qui a 85% d'efficacité que du gaz dans une centrale à 30 ou 35%, même si le charbon rejette toujours du CO2.

Penser que la Pologne peut se passer de charbon est illusoire. Le nucléaire est prévu à l'horizon 2025, mais d'ici-là, il faut faire avec « les moyens du bord ». Les énergies vertes restent limitées : la biomasse n'est pas infinie, on ne peut pas pourvoir toute la Pologne en éoliennes. Concernant le gaz, la Pologne en produit mais reste dépendante en majeure partie des importations et il est plus cher que le charbon. Et puis même si le gaz se développe, le charbon restera de toute façon majoritaire? C'est un combustible qui est disponible et les enjeux économiques (le secteur minier représente des centaines de milliers d'emploi dans le pays) et géopolitiques sont colossaux.

Quels sont les autres challenges écologiques auxquels la Pologne est confrontée aujourd'hui sur lesquels Veolia apporte ses compétences ?

On assiste à une prise de conscience générale sur le principe d'économie circulaire en Pologne : comment utiliser le moins possible les ressources naturelles et comment les recycler. C'est un phénomène complètement nouveau et les pays d'Europe centrale en sont là où les pays d'Europe de l'ouest en étaient il y a vingt ans. La question des déchets est un challenge que la Pologne va devoir relever. Elle a tout à faire dans ce domaine car la plupart des déchets vont encore aujourd'hui dans des aires de stockage, même s'il existe 5 ou 6 incinérateurs dans le pays. De plus, une directive européenne va interdire le stockage des déchets. Il faut donc que la Pologne se mette rapidement en conformité. Une des solutions est l'incinération. Mais avant d'incinérer, il faut réduire le volume des déchets produits et donc s'attaquer à toute la chaîne : comment trier, recycler, valoriser au maximum, puis incinérer les déchets qui ont une capacité calorifique suffisante afin de ne mettre en décharge que les déchets ultimes en volume aussi faible que possible. C'est là que Veolia apporte son savoir-faire, aussi bien pour les déchets municipaux qu'industriels.

Il y a aussi la question du traitement des eaux usées. Nous avons construit en 2013 l'usine de Czajka, installée sur 50 hectares, au nord de Varsovie. Elle traite 435 000 m3 d'eaux usées par jour amenées par deux ouvrages de collecte de la rive droite de la Vistule et une station de pompage de la rive gauche. Mais beaucoup de villes en Pologne ont encore besoin de mettre en place ou de rénover la collecte puis le traitement des eaux usées. Là aussi, Veolia a une grande expérience en la matière (le traitement des eaux fortement polluées suite à l'accident de Tianjin en Chine, en est un exemple).

Veolia réalise encore entre 50 et 60 % de son chiffre d'affaires en Europe de l'Ouest. Quelles sont les perspectives de développement du Groupe ailleurs dans le monde?

Les zones prometteuses pour Veolia sont l'Europe centrale, l'Amérique du Nord, l'Asie et le Moyen-Orient. Les enjeux autour de la COP 21 (Conférence des Nations unies sur les changements climatiques) qui va se tenir à Paris montrent combien l'environnement et le réchauffement climatique sont des problèmes qui exigent des réponses rapides et concrètes. Veolia a l'ambition de contribuer à la recherche de solutions et à leur mise en ?uvre.

Quels autres projets avez-vous en Pologne ?

Nos projets de développement dépendent essentiellement des priorités et de la politique énergétique et environnementale du gouvernement. Or, la période électorale actuelle ralentit le processus législatif. J'espère que rapidement, après les élections, le gouvernement précisera sa stratégie pour les années à venir.

Y a t-il des choses qui vous ont surpris dans le monde du travail en Pologne par rapport à la Hongrie ?

Les façons de travailler sont assez similaires et j'aime bien dans ces deux pays l'efficacité et la ponctualité des réunions ainsi que le respect des échéances. Mais je dois dire que les Polonais sont beaucoup plus optimistes quant à l'avenir et cela se traduit dans le climat de travail !

Laura Giarratana (lepetitjournal.com/Varsovie) - Jeudi 24 septembre 2015

© photo: ArekMarkovicz.pl

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Publié le 23 septembre 2015, mis à jour le 21 mars 2017