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Constat : la Marine polonaise (Marynarka Wojenna), parent pauvre des forces armées 

Dans un précédent article, nous avons vu que la sécurité énergétique de la Pologne était intimement liée à la protection de ses routes maritimes et à la sécurisation de ses approvisionnements en énergie. Cependant, malgré les menaces (hybrides et asymétriques) qui pèsent sur ses voies maritimes, la Marine polonaise (Marynarka Wojenna) demeure le parent pauvre des forces armées polonaises. Ce constat souligne l’urgence pour la Pologne de moderniser et de renforcer sa flotte militaire, en investissant notamment dans des bâtiments modernes adaptés aux enjeux contemporains. Ce développement naval, crucial pour assurer la sécurité énergétique du pays, doit être envisagé dans le cadre de ses engagements au sein de l'OTAN et de ses responsabilités envers la protection de ses approvisionnements, tant en temps de paix qu'en période de conflit.

Photos : Bénédicte Mezeix pour Lpj.com VarsoviePhotos : Bénédicte Mezeix pour Lpj.com Varsovie
ORP Ślązak à Gdynia. Photo : Bénédicte Mezeix pour Lpj.com Varsovie
Écrit par Ronan Corcoran
Publié le 7 avril 2024, mis à jour le 22 avril 2024

Dangers potentiels menaçant la Pologne et sa sécurité énergétique 

Nous pouvons déjà mentionner des actions de nature hybride, telles que le blocage des installations portuaires par des ONG ou des activistes, qui peuvent constituer une menace. Ces organisations pourraient, par exemple, être utilisées par des États à des fins politiques. L’exemple du blocage d’un terminal de déchargement de charbon à Gdańsk en 2019, illustre assez bien les menaces qui pèsent sur la sécurité énergétique du pays - toujours dépendant du charbon pour sa production d’électricité. 

Dans son optique de diversifier ses approvisionnements en énergie, la Pologne mise particulièrement sur l'importation de GNL (gaz naturel liquéfié) en provenance des États-Unis, du Qatar et de Norvège. Ces nouvelles routes d’importations, qu’empruntent les transporteurs, doivent pouvoir être sécurisées par la Pologne.

Le pays doit être en capacité de protéger ces navires contre différentes menaces ou catastrophes :
- La piraterie, notamment dans les goulots d’étranglement, à Ormuz, à Bab-el-Mandeb
- De porter secours à des navires en cas de catastrophe environnementale ou météorologique
- D’assurer la continuité des approvisionnements en fournissant des missions d’escortes en cas de force majeure (crise régionale, guerre). 

 

Pologne : sécurité énergétique par la mer Baltique face à la multiplicité des menaces 

 

Que doit faire la Pologne au niveau maritime pour assurer la sécurité de ses approvisionnements ?

 Malgré ces atouts, l’importance accordée à la mer reste faible dans la conscience sociale polonaise.

Par sa géographie, par son histoire et par ses relations extérieures, la Pologne demeure essentiellement une nation « terro-centrée ». Cet État n’a jamais possédé d’empire colonial et n’est pas de tradition maritime. De plus, les menaces qui ont pesé contre la Pologne au fil de son histoire sont constamment venues par ses frontières terrestres du fait de sa nature d’un pays plutôt enclavé et plat. L’environnement militaire du pays est marqué par cette vision et la marine demeure le parent pauvre de l’armée polonaise.

Cette dernière est financée bien en deçà du niveau requis depuis la fin de la période communiste. Elle a souffert, jusqu’à récemment, d’un sous-investissement chronique en comparaison des autres forces armées - l’armée de l’Air a bénéficié des F-16 et F-35, l’armée de Terre a bénéficié des chars Léopards, des K2 coréens et des futurs M1 Abrams.

 

On peut définir le rôle de la marine polonaise dans les enjeux de sécurité liés à l'approvisionnement maritime en mer Baltique et sur les océans

En mer Baltique, il s’agit principalement de lutter contre les menaces hybrides et asymétriques. Les mines marines constituent l'une des principales causes d'accidents en mer Baltique, laquelle est devenue un dépôt d'armes et d'explosifs pendant et après la Seconde Guerre mondiale. À ce titre, la Pologne a besoin de disposer d’une flotte de navires chasseurs de mines (ce qu’elle possède déjà) et de la moderniser avec la progressive mise en service de nouveaux navires chasseurs de mines (Kormoran II). Le cas des États baltes, qui spécialisent leurs flottes avec des navires chasseurs de mines, est un exemple. 

Dans le cadre du programme Miecznik, la Pologne a annoncé, en février 2022, la signature d’un contrat avec le constructeur britannique Babcock pour l'acquisition de trois frégates Arrowhead (140 mètres de longueur). L’acquisition de ces trois frégates, à l’horizon 2029, est également recommandée dans les documents stratégiques du gouvernement étant donné que leur nombre assurerait une permanence en mer avec un système de rotation (une frégate en mer, une frégate en entraînement et une frégate en maintenance). 

 

Photos : Bénédicte Mezeix pour lepetitjournal.com Varsovie
ORP Ślązak, port de Gdynia. Photos : Bénédicte Mezeix pour lpj.com Varsovie 2023

 

Actuellement, la Pologne possède deux frégates Oliver Hazard Perry - des frégates américaines dotées d’une haute technologie des années 1980. Il s’agit de navires polyvalents pouvant assurer un large spectre de missions.

Le remplacement à terme de ces deux frégates permettra d’assurer essentiellement les missions suivantes : 
- Des missions de lutte antiaérienne en mer Baltique afin de protéger les convois contre les menaces aériennes (à cause de l’étroitesse de la mer Baltique).
- Des missions d’escorte des navires transporteurs (en temps de guerre) en mer Baltique et sur les mers du globe, grâce à la grande capacité de projection de ces frégates.

 

Quid des sous-marins ?

Enfin, évoquons le renouvellement des capacités sous-marines de la Pologne. Jusqu’à 2022, la Pologne possédait trois sous-marins (un sous-marin soviétique et deux sous-marins norvégiens), qui ont été progressivement décommissionnés en 2020-2022. 

Dans le cadre de la sécurité des pipelines (notamment le Baltic Pipe entre la Norvège et la Pologne), ces sous-marins assurent, avec les bâtiments de lutte anti-sous-marine, la sécurité des pipelines et la surveillance des installations offshores. Dans le cadre récent du sabotage de Nord Stream 2, l’acquisition de ces capacités est particulièrement importante. 

Le programme Orka, qui prévoit l’acquisition de trois sous-marins pour la Marine polonaise, ne cesse d’être retardé et est à présent passé au second plan avec la priorisation du programme Miecznik. Or, face à la crise énergétique mondiale, et face aux nécessités de protéger et les transporteurs de gaz, les pétroliers et de surveiller le réseau de gazoducs traversant la mer Baltique les forces sous-marines polonaises sont l’un des instruments les plus efficaces pour mettre en œuvre ces tâches. 

En raison du large éventail de capacités de cette classe de navires et de leur potentiel de combat, l’acquisition de sous-marins est une nécessité pour la Pologne, dans le cadre de l’amélioration de ses forces armées, mais également des forces navales des alliés de l’OTAN.
Ainsi, en cas de perte de ses sous-marins, la Pologne perdrait les capacités de : 
- Combattre les sous-marins ennemis 
- Protéger les voies de communication maritime, qui sont cruciales pour la sécurité économique et énergétique du pays 
- Briser un blocus maritime. 

 

Ainsi, il apparaît clairement que pour garantir la sécurité énergétique de la Pologne, une attention particulière doit être accordée au développement et à la modernisation de sa flotte maritime, comprenant des navires de surface et des sous-marins polyvalents et modernes. La Marine polonaise, en plus de remplir ses engagements envers des alliances telles que l'OTAN, joue un rôle crucial dans l'assurance des capacités d'approvisionnement du pays, que ce soit en période de paix ou en période de conflit.