Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

EDUCATION - L´angoisse des parents français en attente de bourse scolaire

Écrit par Lepetitjournal Valence
Publié le 9 juillet 2013, mis à jour le 10 juillet 2013

En cette fin d´année scolaire, plusieurs familles du Lycée Français de Valence se disent très inquiètes pour la prochaine rentrée. Inquiètes par rapport au sort qui leur est réservé, attribution ou non d´une bourse et son montant, et inquiètes par rapport au délai d´attente pour connaitre la décision. En effet, des bourses peuvent être accordées aux familles, sous conditions de ressources, pour aider à la scolarité des enfants de nationalité française à l´étranger. Compte tenu des coûts de scolarisation, et des effets de la crise, certains parents craignent de ne pas pouvoir assumer les frais de scolarité dans l´établissement. Christine Toudic, Consule Générale à Madrid, donne des éléments clairs et précis sur ce sujet important et sensible.

(Photo AFP)

Les bourses peuvent couvrir en totalité ou partiellement les frais de scolarité et frais de 1ère inscription. Le journal Le Monde titrait début 2013 : "Les frais de scolarité des lycées à l'étranger ont augmenté de plus de 23 % en quatre ans". En 2007, la moyenne des frais de scolarité dans les écoles françaises de l'étranger était de 2.700 euros. Elle dépasse les 4.000 euros aujourd'hui. Devant cette flambée des prix, les parents français à l´étranger, désireux de voir leur progéniture poursuivre des études "à la française", n´ont d´autres choix, faute de moyens suffisants, que de demander une bourse. Si le record des frais de scolarité est détenu par l'Ecole internationale des Nations unies avec 20.847 euros annuels, nous n´en sommes pas là à Valence. (La moins chère étant le lycée Clairefontaine à Madagascar, à 474 euros l'année).
Au Lycée Français de Valence, pour l´année 2013-2014, les frais d´inscription s´élèvent à 700 euros, puis les frais de scolarité sont de 384,30 euros par mois de la PS au CM2, 417,50 euros de la 6ème à la Troisième, et 457,20 euros pour les classes de lycée.  

"L´image des Français nantis de l´étranger est caduque"
Plusieurs témoignages font état de situations compliquées, contraire à l´image souvent répandue des familles françaises vivant à l´étranger. Celui qui vit en dehors de sa patrie, n´est pas forcément un cadre dont certains frais de vie sont acquittés par l´entreprise. Car il y a "expatriés" et expatriés. Certains sont riches mais d´autres sont modestes. Toutes les familles rencontrées sont très attachées à la culture et à l´éducation française, mais ont parfois du mal à s´acquitter des frais de scolarité pour leurs enfants. "Nous vivons hors de France, mais nous sommes Français. Sans travail en France, nous sommes venus ici, à l´époque où il y en avait encore. Mais on n'y arrive plus. La crise en Espagne a touché tout le monde", nous explique une maman. Même constat pour cette autre famille : "Nous vivions déjà à l´étranger avant mais nous n´avions pas d´enfants. Aujourd´hui, nous voulons leur transmettre une éducation française. L´année dernière nous avons eu une bourse, mais si nous ne l´avons pas cette année, nous ne pourrons plus payer. L´image des Français nantis de l´étranger est caduque". Une autre mère de famille révèle n´avoir eu que 150 euros pour manger le dernier mois à 4, alors que le papa travaille. Elle a dû faire appel au fonds social. Dans ce cas encore, sans bourse, la famille ne pourra plus payer le Lycée français.

Avec l´augmentation des impôts en Espagne, ces familles, même si parfois elles ont vu leurs salaires augmenter en brut, ont perdu en pouvoir d´achat : "Je suis française, mon mari aussi et nous souhaitons transmettre notre culture à notre enfant, mais c´est de plus en plus difficile. Nous n´allons pas vendre la maison pour payer la maternelle ! En plus avec la valeur de la maison qui a chuté depuis que nous l´avons achetée? Et pourtant, mon mari travaille, il a même été augmenté. Mais le coût de la vie a augmenté lui aussi. Les impôts sont pris en compte dans une demande de bourse, mais pas les charges fixes telles que les impôts locaux, l´eau, l´électricité, les assurances, qui ont-elles aussi énormément augmenté. On nous annonce une forte baisse des bourses, alors nous attendons le verdict car tout dépendra de ça. Si avec leur barème, il s´avère que je peux payer les frais de scolarité, alors qu´ils me donnent des cours de gestion, car je ne sais pas gérer mon budget", s'exclame une maman interrogée.

Et certains parents de s´interroger sur l´avenir de l´éducation française : "La grande majorité des élèves sont espagnols au Lycée Français de Valence. C´est une grande richesse pour nos enfants qui s´ouvrent sur une autre culture aussi. Si ça continue, les Français qui vivent ici n´auront plus les moyens d´y mettre leurs enfants. Qu´est ce qu´un lycée français sans Français ?" Questionnements aussi pour ce papa qui avait sa fille au Lycée français en 2011 et qui a été contraint de la mettre dans le système espagnol, faute de bourse, "avec pourtant de faibles moyens". Seul Français de la famille, il regrette de ne pas pouvoir mieux transmettre sa culture d´origine à son enfant. "Il faudrait permettre aux Français et aux francophones de suivre des études françaises. C´est aussi ça la richesse multiculturelle. Et que se passera t-il pour les enfants qui ne peuvent être scolarisés au Lycée français et dont les familles rentrent en France au bout de quelques années ? Que deviennent-il dans le système éducatif français? "...

La demande de bourse ne vaut que pour l'année scolaire en cours et doit être renouvelée chaque année
Ces interrogations surviennent chez ces familles tous les ans, car un nouveau dossier doit être déposé chaque année pour voir l´évolution de chaque situation. Si chacun comprend cette nécessité, tous déplorent le long délai entre le dépôt et la décision. Dans le doute, certaines familles ont inscrit leurs enfants dans des établissements espagnols pour la rentrée, afin d'assurer la continuité d´une scolarité à leurs enfants, mais ce n´est pas un choix. Les élèves espagnols sont en vacances depuis plusieurs semaines et les inscriptions dans les écoles se font donc ici plus tôt. Ces parents ne peuvent pas faire cela chaque année : inscrire son enfant dans une école espagnole au cas où la non attribution ou la baisse de la bourse rendrait impossible la scolarité au lycée français, et annuler au dernier moment l´inscription car la bourse aura finalement été accordée. Pourquoi le délai est-il si long pour connaitre les résultats des attributions et des montants des bourses, alors que les dossiers doivent être absolument déposés au mois de février ? "C´est la deuxième année que j´inscris ma fille dans une école espagnole. Déjà l´année dernière, je leur ai annoncé fin juillet qu´elle ne serait pas élève chez eux. J´avais obtenu une bourse. Je ne peux décemment pas faire ça tous les ans, surtout qu´il y a une liste d´attente pour cette école", témoigne une maman. Ce problème est soulevé par l´ensemble des familles, et avait déjà été évoqué au long de l´année par tous. Cette attente angoissante n´est favorable ni à la famille ni aux enfants.

BOURSES SCOLAIRES ? Quoi de neuf pour les Français de l'étranger ?
La suppression en juillet dernier de la prise en charge (PEC) des frais de scolarité dans les lycées français de l'étranger a nécessité une profonde réforme du système des bourses scolaires... Le point sur la situation ici

Un nouveau système des bourses scolaires mis en ?uvre à compter de la rentrée 2013
Face à ce sujet sensible et délicat, Christine Toudic, Consule Générale de France à Madrid, a tenu à répondre à ces parents et leur apporter des explications les plus claires et précises possibles. "Le système des bourses scolaires au bénéfice des enfants français résidant avec leurs familles à l'étranger vient d'être réformé en profondeur afin d'assurer une répartition plus équitable de l'aide dans le strict respect des dotations budgétaires allouées. Il est mis en ?uvre à compter de la rentrée 2013 dans le pays du rythme nord, dont fait partie l'Espagne", explique-t-elle. Prolongement de la suppression de la PEC, (Prise en Charge des frais de scolarité), il y a tout juste un an, cette réforme en profondeur a été décidée afin de répondre mieux aux exigences de justice sociale, de lisibilité et de pilotage budgétaire. "Les parlementaires, notamment, avaient pointé du doigt les injustices du système précédent et la dérive des coûts (augmentation moyenne de 13% chaque année). La réforme a été annoncée par le Président de la République, portée par la Ministre déléguée aux Français de l'étranger, et préparée par la Commission nationale des bourses. Les bourses scolaires au bénéfice des enfants français résidant avec leur famille à l'étranger ne sont pas un droit dans la mesure où elles sont octroyées chaque année dans la limite des crédits alloués au dispositif".

De nouveaux critères d´attribution
"La réforme a introduit de nouveaux critères d'attribution, supposés prendre en compte la réalité des ressources des familles : le quotient familial net. Ce quotient correspond au revenu net disponible par personne : on s'intéresse donc à ce qu'il reste à une famille pour vivre une fois payés les impôts, les charges sociales et les frais de scolarité, à l'exclusion de toute autre dépense, par rapport au coût de la vie locale pris en compte avec un indice de parité de pouvoir d'achat. L'indice retenu pour Madrid est de 83, sur une base 100 Paris. Il est également tenu compte de son patrimoine mobilier et immobilier". Le niveau de l'aide accordée aux familles, à situation comparable, peut donc varier d'une année sur l'autre.

Une instruction en plusieurs temps
"Les services consulaires apprécient la situation familiale du demandeur et les ressources de la famille au regard du barème d'attribution. Ils s'assurent également de la comptabilité des revenus déclarés et du niveau de vie de la famille. Une enquête sociale (visite à domicile) peut être diligentée par le poste consulaire à tout moment", explique Christine Toudic. Après examen, les demandes sont présentées à la commission locale des bourses scolaires instituée auprès du Consulat où siègent les principaux représentants de la communauté française (élus des Français de l'étranger, conseiller culturel, représentants des établissements, organisations syndicales représentatives des personnels enseignants, associations de parents d'élèves, associations des Français à l'étranger?). Les propositions formulées par cette instance sont ensuite transmises à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) qui décide de leur attribution définitive après avis de la commission nationale des bourses scolaires qui se tient en juillet. Une décision de rejet après la première commission locale, peut faire l'objet d'une révision en seconde commission. En cas de rejet après la seconde commission, un recours gracieux peut être présenté auprès de la directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) via le Consulat.

Les problèmes de calendrier pris en considération
Consciente et soucieuse des difficultés rencontrées par les familles, la Consule Générale reconnait un problème de calendrier : "Le calendrier pose en effet problème au regard des délais d'inscription dans les établissements scolaires espagnols. En effet, lorsque les décisions de la Commission nationale des bourses sont connues, les inscriptions sont closes dans le système local et les parents n'ont plus d'autre option". Pour les services consulaires, il a fallu d´abord composer avec la réforme intervenue au tout début du mois de janvier, ce qui a supposé une refonte complète du logiciel, qui n'a pas été disponible aussitôt. Par ailleurs, Madrid traite en effet les dossiers de demandes de bourses pour toute l'Espagne et le nombre de bourses sollicitées est très important : plus de 1.400 dossiers de renouvèlement et plus de 250 premières demandes, soit près de 1.700 dossiers. "Les délais d'instruction sont donc longs (l'Espagne est au premier rang en ce qui concerne les demandes de bourses pour les pays du rythme Nord) même si les agents en charge de ce dossier n'ont ménagé ni leur temps ni leur peine. Le traitement se fait ensuite à Paris, à l'AEFE, avant la tenue de la première commission locale des bourses. L'AEFE a bien pris conscience du problème que ce calendrier pose aux parents, et poursuit sa réflexion sur la façon de l'améliorer".

Ces situations ne sont évidemment pas propres au Lycée Français de Valence, dont les frais de scolarité ne sont d´ailleurs pas des plus élevés. De nombreux Français à travers le monde, se font l´écho de difficultés similaires. Ce qui fera dire à cette Française, résidente en Uruguay : "En conclusion: rester Français à l'étranger est un luxe que tout le monde ne peut pas se permettre. Beaucoup sont des Français installés durablement et pour qui cette contribution est salutaire pour permettre l'accès de tous les Français de l'étranger à une éducation française". ( Le Monde21 janvier 2013). Mais encore faut-il que le budget le permette.

Cécile PANISSAL (www.lepetitjournal.com - Espagne) mercredi 10 juillet 2013

lepetitjournal valencia alicante
Publié le 9 juillet 2013, mis à jour le 10 juillet 2013

Sujets du moment

Flash infos