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TOURISME EN IRAN - Un secteur en expansion et des défis à surmonter

Écrit par Lepetitjournal Téhéran
Publié le 27 septembre 2016, mis à jour le 28 septembre 2016

Depuis le rétablissement et l'amélioration des relations entre l'Iran et l'Occident, il y a un secteur qui se porte à merveille... le tourisme. Annoncé par les analystes depuis déjà plusieurs années, Marc Botinelli parlait déjà en 2013 de « Bombe touristique à retardement » et il ne s'était pas trompé.

Suite à la journée mondiale du tourisme lundi 26 septembre 2016 et le déplacement du Président Hassan Rouhani à la conférence organisée à Téhéran afin de saluer et encourager les acteurs de l'industrie, la volonté de développement de ce secteur est apparue plus que jamais comme un pan prioritaire de l'économie iranienne.

M. Rouhani a rappellé à l'auditoir présent, les nombreux avantages dont bénéficie le pays dans le domaine et s'est satisfait du fait que les nombreuses interactions avec l'ensemble de la communauté internationale contribuaient à faire disparaitre progressivement une "Iran-phobie" injustifiée.

 Une activité en plein développement:

Contrairement aux idées reçues, l'Iran a toujours accueilli des visiteurs même dans  les périodes les plus difficiles. Il faut néanmoins reconnaître que la dernière ouverture a fait bénéficier au pays d'un retour sur le marché touristique avec des chiffres qualifiés d'historiques. En 2015 l'Iran a accueilli 5,5 millions de visiteurs pour un volume d'affaires équivalent à 6 milliards d'euros soit un tiers de son revenu pétrolier. Une bouffée d'oxygène plus que bienvenue dans un contexte économique international qui reste tendu et un prix du baril de brut en chute ne parvenant toujours pas à retrouver sa place d'antant sur les marchés financiers. De plus, la stabilité politique et sécuritaire du pays par rapport à ses voisins, est un élément qui donne à l'Iran des perspectives de développement très positives Les objectifs des autorités sont claires, 20 millions d'arrivées en 2025, 4 fois plus qu'aujourd'hui.

Pour aider à atteindre ces objectifs,  l'Iran a cette caractéristique spécifique, de bénéficier d'un accroissement de l'activité touristique qui se joue simultanément sur deux tableaux : Le tourisme traditionnel et le tourisme d'affaires. Le tourisme traditionnel, grâce au patrimoine exceptionnel dont dispose le pays et qui fait le bonheur des voyageurs, et le tourisme d'affaires en explosion, grâce à l'ouverture économique et aux contrats qui sont en train de se négocier dans de nombreux domaines favorisant les déplacements de grand nombre d'investisseurs potentiels et une installation potentielle d'un nombre important d'expatriés. 

De quoi faire tourner la tête à de nombreuses agences de voyages iraniennes et à nombre de consultants en tous genres qui se sont multipliés dans le pays, notamment dans la capitale et les grandes villes et qui rivalisent d'ingéniosité afin de capter le plus de clients possible. Mais les circuits standards, ayant tendance à se ringardiser, surtout vis à vis des nouveaux segments de marché plus jeunes et dynamiques, il semble que le temps soit venu d'envisager de moderniser les offres afin de ne pas passer à coté de ce nouvel eldorado.

Quant aux tour-opérateurs étrangers, ils sont ravis de pouvoir lancer ou de nouveau promouvoir, une destination où les voyages de groupe sont bien organisés et pour lesquels ils n'ont le plus souvent aucun rôle à jouer sur place. En effet, le fait que les circuits devaient être absolument encadrés par un guide local durant la dernière décennie, a permis de mettre en place une organisation solide dans l'organisation et le déroulement de ceux-ci.

Avec des marges intéressantes et dans certains cas excessives, certains jouent sur l'effet de nouveauté en proposant la destination comme auparavant inaccessible, élément totalement faux en pratique du fait que l'Iran a toujours acceuilli des touristes. Bien entendu l'effet de mode influence le choix des agences à promouvoir à la hâte la destination et donc, à commettre des erreurs manifestes. Le choix de l'agence locale réceptive étant assez difficile à déterminer tant ces dernières ont tendance à se multiplier. De plus, les agences réceptives historiques se complaisent encore pour le moment dans la vente des circuits traditionnels qu'ils maitrisent complètement.

L'avenir du tourisme en Iran se joue aujourd'hui dans une restructuration de l'offre à différents niveaux :

Des mesures d'entrée plus simples:

Avec des mesures en matière d'obtention plus souples pour de nombreuses nationalités, l'Iran accueille désormais une clientèle plus diversifiée et doit faire face à des attentes différentes. En effet il est désormais possible d'obtenir un visa d'une durée de trois mois à l'arrivée dans les 9 principaux aéroports du pays. Il est néanmoins conseillé de demander un numéro d'autorisation préalable que l'on ne peut obtenir actuellement que par le biais de professionnels.  Cette procédure sera selon les autorités, accessible directement pour les voyageurs en 2017 via le site officiel du Ministère des Affaires Etrangères Iranien (MAE).

L'offre hôtelière:

Dans l'hôtellerie, l'ouverture de nouveaux établissements et l'arrivée des chaines internationales comme le groupe ACCOR, premier groupe hôtelier international à s'être implanté en Iran depuis 1979, qui a ouvert deux hôtels à l'aéroport international de Téhéran et qui compte continuer son développement sur le marché iranien autant sur le segment du tourisme d'affaires que le segment traditionnel, a marqué un tournant dans la politique du tourisme iranien.

De nombreux groupes hôteliers se disputent désormais le marché et les projets se multiplient. pour exemples, le groupe allemand Steigenberger Hotel Group pour la construction de 15 établissements de catégorie 5 étoiles à travers le pays dans les dix années àvenir, Rotana Hotel Management Corp, qui ouvrira 4 hotels sur le territoire d'ici à 2018, le groupe Melià Hotels International qui a annoncé l'ouverture d'un établissement de 319 chambres au bord de la mer Caspienne dans le nord du pays d'ici à 2017... Ces exemples n'étant qu'une mince représentation de l'enjeu régional qui est en train de se jouer.

Sans compter les projets de réhabilitation de sites plus traditionnels financés ou non par les autorités, les projets de rénovation des infrastructures existantes qui doivent dans les meilleurs délais impérativement répondre aux standards internationaux et enfin, les projets privés de structures plus modestes qui sont en développement à travers le pays.

La première édition de la Conférence sur l'investissement dans le domaine hotelier et du tourisme (IHTIC), aura lieu le 7 et 8 février 2017 à Téhéran.

Le marché de l'aérien:

Avec un tel engouement pour la destination, rien de plus normal que de voir les compagnies aériennes sauter sur l'occasion. Après Air France et la polémique sur le port du voile pour le personnel navigant en transit dans le pays, la Lufthansa, British Airways et de nombreuses compagnies ne se sont pas posées la question et ont  annoncé l'ouverture de liaisons avec l'Iran, la destination devenant une plateforme incontournable. Gardons en tête que l'Iran a signé des contrats faramineux avec Airbus et que Boeing vient d'obtenir le feu vert des autorités américaines afin de vendre des appareils à l'Iran pour ne pas perdre la course dans la course effrénée du commerce aéronotique. Quelle sera donc la stratégie de l'Iran dans la décennie à venir ? Avec une flotte complète d'Airbus et de Boeing (qui bien entendu mettra du temps à être livrée), Est-ce que l'Iran va se lancer à la conquête du marché de l'aviation en devenant une destination de transit pour les voyageurs ? D'un point de vue géographique et géopolitique,  il est clair que le pays jouit actuellement d'une situation et d'un climat général idéal d'autant plus que des rumeurs courent sur le fait que la Lufthansa et Iran Air seraient en négociations sur un partenariat stratégique. Les capacités et la volonté de l'Etat Iranien sur ce sujet sont à l'heure actuelle suffisamment fortes pour consolider durablement ce genre d'ambitions, reste le contexte international et l'issue des élections présidentielles en France et aux Etats-Unis qui détermineront la marche à suivre pour les 5 prochaines années, les deux pays étant des acteurs majeurs du secteur de l'aéronotique mondial.

Le personnel lié au tourisme:

Un élément qui contribue jusqu'à présent à la bonne réputation de la destination est la qualité des services offert par le personnel local des agences de voyages. Des guides formés linguistiquement et expérimentés, une disponibilité maximum pour satisfaire aux besoins des clients et une gentillesse à l'iranienne afin de rassurer les clients qui se font de moins en moins  hésitants.

Pour faire face à cet accroissement exponentiel dans le domaine touristique, la filière a embauché 415 000 personnes en 2014 pour faire face à la demande et les chiffres de 2015 et de 2016 devraient aller dans le même sens.

Reste certes les problèmes de formation du personnel, les agences de voyages les mieux aguerries bénéficient du soutien de leurs employés et depuis longtemps formés aux  attentes de la clientèle étrangère, mais les nouveaux acteurs du marché n'ont malheureusement pas cette chance.

La filière attire donc de nombreux candidats, les étudiants et les opportunistes se pressent pour devenir guide ou suivent des formations dans le domaine de l'hôtellerie, mais les métiers du tourisme ne s'improvisent pas. Idem pour les chauffeurs, qui sont recrutés à la hâte pour s'occuper des transferts et qui n'ont pas comme leurs ainés, une connaissance suffisante du terrain, de la langue, et de la clientèle.

Sur place, on a tendance à constater que la qualité de l'accompagnement à tendance a diminuer par rapport aux années précédentes car il a fallu combler un vide afin de répondre à une demande. Il est difficile à l'heure d'aujourd'hui, de trouver du personnel qualifié dans le domaine du tourisme tant la demande s'est accru rapidement.

L'ouverture de l'Iran à l'international peut permettre de combler rapidement ces lacunes grâce aux compétences d'intervenants étrangers spécialisés en la matière. La destination étant historiquement spécialisée dans l'accueil des touristes étrangers et cela même dans des contextes tendus. Bien entendu, une gestion rigoureuse de la situation est à prendre en compte par les responsables du tourisme iranien dans l'intérêt de l'activité. Des investissement rapides sur un management global et lucide permettront de combler certaines lacunes tout à fait normales pour une activité en pleine effervescence.

 

Une clientèle et des offres en mutation:

Par des mesures plus souples d'entrée sur le territoire et une image à l'international plus positive, l'Iran va devoir accueillir un panel de visiteurs plus diversifié. La destination accueillait jusqu'à présent une clientèle assez âgée, passant par les services d'agences organisant des voyages organisés, la plupart du temps et sans vouloir généraliser,  en pension complète pour une durée allant d'une à trois semaines. Mais désormais beaucoup de voyageurs d'un nouveau genre font leur apparition: Plus jeunes, plus libres dans leurs déplacements, choisissant leurs hébergements à la dernière minute,  toujours à la recherche d'activités nouvelles et de solutions de restauration originales et avec des budgets de voyage variant selon les cas mais qui seront moins importants de ceux de la clientèle classique.

Bien entendu l'attrait pour le coté culturel du pays que le Président Rouhani a mis en avant lors de son discours est indéniable mais il a également insisté sur le fait que les nombreuses opportunités dans le domaine de l'éco-tourisme et des activités sportives devaient être mises en avant.  Ainsi que le tourisme destiné à la clientèle musulmane internationale car le pays répond sur de nombreux points aux exigences de cette dernière avec des spots  proposant une gamme de services totalement adaptés, comme par exemple l'île de Kish, une mine d'or pour ce secteur.

Le marché "Hallal", un point fort pour l'Iran:

La volonté affichée de l'Iran à pénétrer le marché "Hallal" est totalement légitime et elle permettrait aux voyageurs musulmans de bénéficier de réels services en accord avec leurs convictions religieuses qu'ils ne sont pas en mesure de trouver le plus souvent sur de nombreuses destinations. Le point fort de la République Islamique d'Iran dans le domaine du Tourisme International Hallal est qu'elle respecte rigoureusement  les principes de l'Islam dans les activités de loisirs. Ne serait-ce q'une séparation stricte des hommes et des femmes en permettant à ces dernières de disposer de plages privées innaccessibles pour les hommes car sécurisés par l'Etat. Les attentes de la clientèle musulmane sont différentes des offres classiques que l'on trouve sur le marché traditionnel et difficilement assimilables pour certains voyagistes,  mais représentent un marché en forte expansion qui attise la convoitise de nombreux spécialistes, gardons en tête que l'Australie propose des offres pour cette clientèle et n'est pas pour autant musulmane...

Les innovations:

La mise en place rapide de nouveaux produits comme par exemple l'ouverture des liaisons de ferry entre Bandar Abbas et le Sultanat d'Oman  permettront aux visiteurs de profiter d'un combiné inédit.

Les transferts bancaires internationaux, un point noir du développement total du marché du tourisme:

Malgré l'amélioration de la situation dans le domaine du tourisme depuis la reprise économique, il reste à trouver une solution aux transferts d'argent. En effet il est toujours impossible aujourd'hui pour un client étranger de payer directement une agence réceptive locale en Iran sans passer par un intermédiaire. Frais supplémentaires, tracasseries (qui n'ont certes pas empêché les prestataires de travailler pendant tout ce temps grâce à des montages efficaces)  mais souvent bien compliqués pour la tenue des comptes et une plus grande efficacité. Ces questions sont bien entendu en cours de règlement et la filière attend avec impatience l'ouverture bancaire internationale.

L'offre en direct sur Internet, la prochaine étape?

Une fois le problème bancaire solutionné, le marché du tourisme en Iran subira une modification profonde dans son mode de fonctionnement. À l'heure d'aujourd'hui, on constate sur le marché national que les agences de voyages sont très actives sur la toile et que les clients sont de plus en plus souvent séduits par des offres émanant d'internet. En interne, le système bancaire iranien est très pratique et permet facilement aux clients d'acheter en ligne. Alors qu'en sera t-il de l'ouverture à l'international ? L'un des points positif  pour le client sera la disparition de certains intermédiaires inutiles et un accès à des offres en direct. Mais l'offre en question risque d'être très large et indigeste du fait d'un attrait immédiat des agences de voyages locales qui n'auront pas établi de stratégies préalables afin de répondre aux attentes de la cyber-clientèle qui a un mode de fonctionnement bien différent de la clientèle classique.

 Mikael SETTI (www.lepetitjournal.com/teheran) Mercredi 28 septembre 2016

 

 

 

 

 

 

 

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Publié le 27 septembre 2016, mis à jour le 28 septembre 2016

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