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Alexandre Bouet : “Les aléas de la vie m'ont amené sur l'île de Pâques.”

L’expatriation est une aventure inédite au sein d’une nouvelle culture. Mais pour certains, l’envie d’inconnu est encore plus grande. Depuis 2016, Alexandre Bouet a choisi de s'expatrier dans un lieu plutôt insolite, l'île de Pâques, appelée Rapa Nui depuis quelques années. Il fait découvrir les merveilles de cette île aux touristes grâce à son métier de guide. Il nous explique les particularités d’une expatriation dans un lieu si reculé tout en étant guide sur une île paradisiaque : “J’ai la chance de pouvoir faire de leur rêve une réalité.”

Alexandre Bouet, guide sur l'ile de PâquesAlexandre Bouet, guide sur l'ile de Pâques
Écrit par Paul Le Quément
Publié le 31 mars 2024, mis à jour le 31 mars 2024

 

Pourquoi vous êtes-vous expatrié sur Rapa Nui ? 

La question est plutôt pourquoi pas. Les aléas de la vie m'ont amené sur l'île. Avant, je vivais à Valparaiso au Chili. J’ai pas mal bougé depuis que j’ai 20 ans : j'ai vécu en Australie, au Canada, au Costa Rica, au Brésil et au Mexique. Je suis un grand fan du visa travail qui m’a permis de voyager autant. J’en ai fait trois, dont un au Chili. Alors, après toutes ces destinations, pourquoi ne pas tenter l’aventure à Rapa Nui ? Nous ne connaissions pas du tout le pays. Puis, de fil en aiguille, j'ai eu l'opportunité d'être recruté comme guide sur l'île de Pâques.

 

Est-ce que vous ne vous sentez pas un peu isolé du monde sur cette île à des milliers de kilomètres du continent ? 

Tout dépend des personnes. En général, si l'île n’est pas faite pour vous, elle sait vous le montrer. Donc, si tout va bien vous restez. À l’inverse, si vous n’avez que des problèmes, l'île vous montre que ce mode de vie n’est pas fait pour vous. J’ai été super bien accueilli, que ce soit au niveau professionnel ou personnel. Les gens sont vraiment gentils et je suis bien entouré. Aujourd'hui, le satellite Starlink rend l'accès à Internet possible. L'île est vraiment connectée à un haut niveau. Mais il est vrai que je suis à 14000 kilomètres de la France et 5 h en avion de n'importe quelle destination. L'île est notre réalité. Elle est aussi grande que l'île d'Oléron et est donc assez vaste. Il y a plein de choses à faire. Maintenant, grâce à Internet, je peux travailler en ligne, parler avec vous sur Zoom, regarder des films, étudier, avoir des informations…

 

“L’opportunité de vivre sur Rapa Nui est une véritable aubaine.”

 

Est-ce qu’il y a une communauté d'expatriés français à Rapa Nui ? 

Bien sûr, nous sommes une quinzaine de Français venus de métropole. Mais il y a aussi un énorme métissage avec Tahiti, les îles Marquises... Donc il y a environ 200 Français sur l'île, mais ils n’ont pas forcément des racines en métropole ou un passeport français. La communauté chilienne est la plus présente car l'île est rattachée au Chili. Juste derrière, il y a la communauté française notamment grâce à Tahiti qui se situe à équidistance de l'île et du Chili. Mais Rapa Nui est surtout polynésien même si l'île est un peu coupée de ses racines polynésiennes avec l'arrêt des vols entre Tahiti et Rapa Nui. Avant, il y avait un avion par semaine, donc la présence française était aussi plus forte.

 

 

Comment avez-vous commencé votre métier de guide sur cette île ?

J'ai eu l'opportunité de choisir où est ce que je voulais aller parmi plusieurs lieux touristiques au Chili grâce à l'hôtel Explora, qui m’a offert la formation et l'hébergement. J’ai décidé d’opter pour Rapa Nui. J'ai baigné depuis tout petit avec Thalassa et les aventures de Cousteau. En plus de cela, je suis plongeur et j’ai étudié les tortues auparavant. L’opportunité de vivre sur Rapa Nui est donc une véritable aubaine. Il y a des spots de plongée absolument magnifique et offrant une visibilité extraordinaire ! Je suis tout le temps dehors, en randonnée… Le métier de guide permet aussi de travailler en tant qu’indépendant. Je choisis mes horaires, valorise mon travail, le tout sans dépendre d’un patron. Tout était réuni pour que j’y aille. 

J’ai toujours été tourné vers autrui, ce qui est un atout important pour exercer le métier de guide. Je fais tout pour être disponible et offrir une belle expérience aux touristes. Je pense que ce côté très altruiste, sociable est aussi dû à mon frère jumeau. Mais j’ai conscience que le métier de guide n’est pas fait pour tout le monde, cela demande beaucoup d'énergie. L'important est de voir les touristes repartir avec un beau souvenir. Souvent, ce sont des personnes un peu plus âgées, ayant économisé toute leur vie pour s’offrir ce voyage de rêve. J’ai la chance de pouvoir faire de leur rêve une réalité.

 

“L’enfouissement des déchets est une véritable bombe à retardement.” 

 

Est-ce que la vie quotidienne n’est pas trop perturbée par les afflux de touristes ?

Non, tout est bien réglementé. La compagnie aérienne LATAM a le monopole du trafic aérien sur l'île. L’afflux touristique dépend donc des avions arrivant chaque jour. En général, il y a environ 300 personnes qui arrivent sur l'île chaque jour. La population sur Rapa Nui est de 9000 habitants, dont 1000 touristes. Ce chiffre varie en fonction des avions, mais le rythme actuel est assez facile à gérer. La population locale décide de ce genre de détails ce qui permet à l'île d'être autonome. Depuis 2019, il y a une loi d'immigration pour protéger l’écologie et les ressources naturelles. Elle permet de ne pas trop “contaminer” l'île avec un nombre important de touristes. 

Désormais, il est obligatoire d'être accompagné d’un guide ou local pour entrer dans un parc naturel. Les touristes sont bien gérés et ne font pas n’importe quoi. Tout est réglementé. De telles mesures permettent aussi de créer de l’emploi local tout en offrant une belle expérience aux touristes. Le Covid a beaucoup aidé à rendre le tourisme plus responsable. Mais la pandémie a aussi rendu le tourisme plus élitiste et tous les prix ont augmenté. Pour vous donner un ordre d’idée, mon café me coûte 5 euros. L'île vit à 80 % du tourisme, nous en avons tous besoin. D’autant plus que la qualité de vie à Rapa Nui est beaucoup plus élevée que la moyenne nationale au Chili. Nous ne sommes pas à plaindre de ce côté. 

 

 

Comment trouver l’équilibre entre préserver l'île tout en faisant connaître les lieux ?

En tant que touriste, au premier abord, l’équilibre entre préserver l'île et faire connaître les lieux est présent. Mais je vois la situation différemment d'autant plus que j'ai une maîtrise en géographie. Il y a de grands défis à venir avec notamment la gestion de l’eau. Il n’y pas de sources d’eau sur l'île. Elle vient essentiellement des nappes phréatiques ou des zones de réservoirs. S’il y a une infiltration, la qualité de l’eau peut être altérée par des déchets et devient dangereuse à consommer. Je pense que le plus gros problème est l'enfouissement des déchets. Cette méthode représente une véritable bombe à retardement à cause des couches de méthane qui explosent lors des fortes chaleurs en été. Il y a peut être des contaminants dans le sol pouvant, dans un futur lointain, se retrouver dans notre eau. J'espère que nous allons trouver des solutions. Mais il faut quand même reconnaître que des efforts sont faits pour recycler l’eau en la renvoyant sur le continent. Enfin, comme sur n’importe quelle île dans le monde, le plastique est un énorme problème et pullule sur nos plages et nos côtes. 

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