Depuis septembre 2015, Cyril Castel est à la tête de L'Arche en République dominicaine. Une association d'origine française qui développe des foyers de vie et de travail pour les personnes présentant des déficiences intellectuelles. Au total, 148 communautés existent aujourd'hui dans le monde. A Saint-Domingue, « El Arca » qui fête ses 31 ans, fait figure de précurseur dans un pays qui compte pourtant 12% de personnes en situation de handicap, physique et mental. Au-delà d'une mission professionnelle, c'est un projet personnel qui a amené Cyril et sa femme Alix, éducatrice et formatrice au sein de l'association, à s'installer dans le pays avec leurs 4 enfants. Rencontre avec un homme engagé.
Lepetitjournal.com/Rep Dom : Comment êtes vous arrivés en République dominicaine ?
Cyril Castel : Après des études économiques dans le domaine sanitaire et social, je suis parti travailler 2 ans dans une association au Chili, avec ma femme Alix. J'ai intégré l'Arche à notre retour en France. Après 7 ans de collaboration, nous avions envie de sortir de notre zone de confort, de nous mettre en danger en quelque sorte, c'est pourquoi nous avons demandé à partir à l'étranger. C'est comme ça que l'Arche nous a proposé de venir en République dominicaine. Nous avons un statut de VSI « Volontaire Solidarité International », un statut lié au ministère des affaires étrangères qui permet, au même titre que le VIE, de rentrer dans des structures associatives portées par le gouvernement français. Nous ne recevons pas de salaire mais une indemnité attribuée par l'association qui nous envoie. C'est une mission de 2 ans. Je suis chargé de développer économiquement l'Arche et de former un directeur localement en lui donnant les armes pour que son poste soit pérenne. En effet, l'association a souffert d'un manque de stabilité à cette fonction ces dix dernières années. De son côté, Alix est chargée de la formation des éducateurs.
Nous sommes avant tout des acteurs du secteur medico-social mais l'Arche a aussi une dimension communautaire très forte. Au total, une douzaine de personnes habitent au sein de la communauté de l'Arche à Saint-Domingue et une douzaine sont externes. Beaucoup ont été déposées enfants et n'ont plus de famille à l'extérieur. Mais ici ils ont trouvé une vraie famille. D'ailleurs, ma famille, mes enfants connaissent les gens avec qui je travaille et souvent nous partageons le week-end des moments avec la communauté. Cet engagement personnel est indissociable de mon travail et c'est la grande force de l'Arche de faire tomber les barrières entre les deux univers car la personne handicapée n'a pas cette dichotomie entre vie personnelle et professionnelle. Enfin, l'Arche a aussi une dimension spirituelle. Dans chaque pays, nous adoptons la religion principale : ainsi l'Arche est hindouiste en Inde, anglicane en Angleterre ou catholique en République dominicaine.
Quelle est l'origine de l'Arche ?
L'Arche a été fondée par le canadien Jean Vanier que j'ai eu la chance de rencontrer à plusieurs reprises. Il fait parti de ces hommes qui ont un charisme naturel et une grande sagesse mais aussi beaucoup d'humilité. C'est lui qui a fondé, en France, la première communauté de l'Arche, il y a 52 ans, en accueillant chez lui 3 personnes en situation de handicap avec qui il s'était lié d'amitié. C'est de là qu'est partie la philosophie de l'association qui est de partager la vie de personnes en situation de handicap et de révéler leurs « dons ». Un partage enrichissant pour tous car être au contact de personnes fragiles c'est aussi apprendre sur soi et savoir assumer ses propres fragilités comme le dit Jean Vanier : " La fragilité peut être haïe car elle peut nous empêcher de devenir le plus fort, ou elle peut être accueillie pour que nous vivions et devenions plus humains." La fragilité nous fait innover, aussi, et peut être dans quelques années ces personnes changeront-elles les process dans les entreprises ? J'ai ainsi pu assister en France à la manière dont l'insertion d'une personne trisomique a révolutionné les relations sociales dans une petite entreprise en faisant exploser les codes hiérarchiques. 
L'objectif de l'Arche est d'identifier les qualités de chacun et de les utiliser afin de leur permettre de s'épanouir et de sentir intégré à une société économique. Nous avons ainsi, au sein de la communauté, des ateliers d'artisanat où sont réalisés des objets de décorations, essentiellement en noix de coco. Ces objets sont vendus sur des marchés, à la sortie des collèges, auprès de connaissances aussi. L'autre volet que je souhaite développer est celui des partenariats avec les entreprises, à l'exemple de ce que nous faisons avec Deliciel. Ce partenariat s'est noué alors qu'ils développaient leur nouvelle gamme de confitures et faire appel à nous pour le collage des étiquettes leur a permis de limiter les risques inhérents à une phase de lancement. En effet, nous sommes très souples et réactifs afin de coller à la réalité de l'entreprise un peu comme le serait une société d'intérim. C'est dans cet esprit que nous cherchons à nouer des contacts avec des sociétés de grande distribution pour des travaux d'inventaires par exemple ou avec l'univers des spiritueux sur les emballages.
Et quelles sont vos sources de financement ?
Nous sommes une association à but non lucratif de loi dominicaine dirigée par un conseil d'administration local. Nous salarions 12 personnes dont 8 éducateurs. Nos financements proviennent à un tiers de fonds publics et le reste de fonds privés, que ce soit des donateurs réguliers ou le fruit des quelques événements que nous organisons. Nous avons beaucoup de choses à faire pour développer ce volet, notamment faire connaître l'association dont la notoriété est trop faible alors qu'elle existe pourtant depuis 31 ans, fidéliser nos donateurs et rentrer dans une démarche de crowdfunding. Nous avons aussi besoin de bénévoles qui ont envie de partager quelque chose avec des personnes handicapées et sont prêts à donner du temps.
Pour en savoir plus sur l'Arche : http://www.larche.org/fr/
Propos recueillis par Gaëlle Le Gall Nicolas (www.lepetitjournal.com/republique-dominicaine), mardi 19 janvier 2016.
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