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Impact HK : "Il faut aider les sans-abri à Hong Kong"

Nous avons rencontré Jeff Rotmeyer, président de Impact HK, ONG travaillant avec les personnes sans-abri. Impact HK alerte sur le phénomène des maladies mentales qui touchent ces habitants marginalisés, dont seules 39,3% déclarent pouvoir compter sur un soutien amical, familial ou venant d’une ONG. 

Impact HK KindwalkImpact HK Kindwalk
Écrit par Capucine Lefebvre
Publié le 7 avril 2024, mis à jour le 8 avril 2024

Les sans-abri de Hong Kong perdent confiance en eux

Vous parlez d’une “crise de la santé mentale” chez les personnes sans-abri. Qu’entendez-vous par là ?

Selon une étude de 2023 menée par Hong Kong Shue Yan University et Impact HK, près de la moitié des personnes sans-abri à Hong Kong souffriraient de stress post-traumatique. Si l’on compare Hong Kong à d’autres villes, comme Vancouver d'où je viens, où l'on voit beaucoup de colère dans les rues, vous n'entendrez jamais de colère s'exprimer publiquement à Hong Kong. En fait, c’est le désespoir et la honte qui dominent. Les personnes que nous rencontrons ont perdu toute confiance en elles et en leur avenir.

La rue, c’est beaucoup de morts, beaucoup de suicides. Des personnes que vous croisiez tous les jours disparaissent du jour en lendemain. Cette communauté est toujours au bord de la mort. Les prisons, les hôpitaux et les instituts de réhabilitation ne parviennent pas à aider cette communauté efficacement. Les hôpitaux sont débordés, surtout en ce qui concerne l'aide à la santé mentale. Les instituts de réhabilitation ne sont tout simplement pas assez performants.

Une hausse de 25% des sans-abri à Hong Kong

Le dernier rapport du LegCo sur les personnes sans-abri sorti en 2021, parlait de 1580 “registered street sleepers” à Hong Kong. Ce nombre correspond-il au nombre réel de personnes à la rue ?

Ce chiffre désigne le nombre de personnes qui se sont faites enregistrer comme sans domicile fixe. Or la quasi-totalité des personnes que nous rencontrons ne sont pas enregistrées en tant que “street sleepers”.

À Hong Kong, la moyenne d'âge des personnes sans-abri était de 63 ans avant le Covid 19 et environ 90 % d’entre elles étaient des hommes. Une grande partie de la population âgée n'a jamais eu de retraite ni d'épargne. Beaucoup d'industries ont quitté Hong Kong, nous avons perdu de nombreux emplois dans les usines. Et les entreprises qui embauchent des personnes de plus de 60 ans sont difficiles à trouver. Le nombre de personnes à la rue a augmenté de 25 % à la suite de la pandémie. Nous voyons beaucoup plus de femmes dans les rues maintenant (16%). Nous rencontrons aussi des personnes plus jeunes, et même des familles.

L'isolement est souvent à l'origine de la descente dans la rue

Selon vous, quelles sont les causes du basculement vers la rue ?

Beaucoup de personnes pensent que le coût de l'immobilier est la cause majeure du basculement à la rue, mais, à mon avis, ce n’est en fait que rarement le cas. Si demain, je me retrouvais incapable de payer mon loyer, je ne serais pas à la rue parce que je pourrais compter sur ma famille, sur mes amis... Ce n’est pas vrai pour les gens que nous aidons. 90 % des personnes actuellement dans nos centres d'hébergement n'ont pas un seul ami ou membre de leur famille sur qui compter. Il s'agit d'une communauté très seule et très isolée. 

Quelle est l’approche d’Impact HK ? Comment parler à des personnes en si grande détresse ?

Notre stratégie consiste à devenir un visage familier. Il faut s’assurer que ces personnes savent que vous êtes là uniquement parce que vous vous souciez d'elles ; il faut faire preuve de gentillesse et de compassion jour après jour... Et de là, vous développez de très bonnes amitiés.

Une personne qui passe la porte de nos centre d’hébergement se voit assigner un travailleur social. Les premières semaines de son séjour sont consacrées à ce qu’elle se repose, qu’elle trouve un peu de paix. Une fois cela accompli, elle suit un programme sur mesure : aide psychologique, administrative, désintoxication si besoin… Le modèle d'Impact HK est très complet. Nous avons plus de 50 employés à temps plein, dont des travailleurs sociaux, des employés administratifs, des cuisiniers, des infirmières... Impact HK a aidé 600 personnes à sortir de la rue depuis sa création, en 2016.

Il faut créer une société plus solidaire

Qu’attendez-vous du gouvernement hongkongais ?

S’attaquer au problème des personnes dormant dans la rue passe par l’éducation de notre société. Il nous faut créer une société plus solidaire, en capacité de comprendre qu’une personne en souffrance a besoin de compassion et non pas de jugement.

Nous avons rédigé, en partenariat avec huit autres ONG travaillant sur la question, un document de propositions de politiques publiques qui, nous l'espérons, sera apprécié par le gouvernement. Nous souhaitons que le gouvernement prenne conscience que l’aide à ces personnes est essentielle. Aujourd’hui, nous constatons que beaucoup de mesures gouvernementales visent à “cacher” les personnes sans-abri.

Des loyers moins élevés, un meilleur système de santé : tout cela ne suffit pas. Il faut donner de l'espoir. On peut donner de l'amour et de l'attention à quelqu'un en espérant que cela lui permettra d’imaginer un avenir meilleur pour lui-même. Les gouvernements du monde entier s’attaquent au problème des personnes sans-abri avec des logements d’urgence ; c'est presque comme si nous essayons d'imposer des chambres à des personnes qui savent pertinemment que cela ne résoudra pas leurs problèmes. Les personnes que nous rencontrons jour après jour veulent se sentir acceptées, aimées. Ce sont des personnes comme les autres : elles accordent de l’importance à l’amour, à l’appartenance à une communauté, à vivre une vie qui a du sens.

Pour en savoir plus ou aider Impact HK : tapez ici

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