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Hong Kong doit-elle craindre la crise immobilière chinoise ?

Les défaillances des deux géants de l’immobilier chinois, Evergrande et Country Garden, agitent les milieux financiers et médiatiques. Mais les conséquences pour Hong Kong peuvent être limitées.

Forest City Water Park Country GardenForest City Water Park Country Garden
Forest City, en Malaisie, le symbole des investissements malheureux de Country Garden (photo Chongkian sur Creative Commons).
Écrit par Guillaume Clément
Publié le 11 septembre 2023, mis à jour le 24 septembre 2023

L'immobilier chinois en difficulté

Et de deux ! La première grande défaillance dans l’immobilier chinois était celle d’Evergrande. L’un des principaux promoteurs du pays avait accumulé 812 milliards de yuans de pertes en 2021 et 2022, soit environ 100 milliards d’euros. Cela représentait plus que tous les bénéfices réalisés par la firme depuis sa création en 1996. Logiquement, en août 2023, elle a dû se déclarer en faillite aux Etats-Unis, alors que sa dette fait l’objet de plans de restructuration à Hong Kong et aux Iles Caïmans.

Dans la foulée, un autre géant du secteur est tombé. Country Garden a perdu pour sa part entre 45 et 55 milliards de yuans au premier semestre 2023. Si, mardi 5 septembre, il a évité un défaut de paiement en réglant in extremis 22,5 millions de dollars d’obligations, le groupe très présent dans les petites villes chinoises est en grande difficulté en raison d’investissements malheureux. Un « malaise » en Malaisie symbolise ses errements : le mégaprojet de Forest City, d’un coût de 38 milliards d’euros, devait loger 700.000 personnes à Johor Bahru, près de Singapour. Il n’en a accueilli que quelques milliers.

Les bulles immobilières chinoises

Le secteur de l’immobilier attire les bulles. Quand les prix montent, les banques prêtent aux promoteurs en se berçant d’illusions sur le prix futur de leurs hypothèques. Avant Forest City, l’Espagne a par exemple eu sa « Ciudad Jardin Soto Real », ville fantôme délaissée par la crise immobilière de 2008. Avant que l’immobilier ne représente 25% du PIB et 20% des emplois en Chine en 2022, d’autres pays sont passés par cette hypertrophie. L’exemple typique peut être Dubaï qui, en 2009, accueillait un sixième des 300.000 grues en activité dans le monde. Là-bas, à l’époque, on plaisantait en affirmant que les « gratte-ciels allaient loger les architectes qui allaient concevoir les futurs gratte-ciels ».

Dans les deux cas de l’Espagne et des Emirats, il a fallu une sévère correction du marché pour revenir à la normalité. Même les Etats-Unis, après l’époque des subprimes, ont dû passer par quelques années d’assainissement du secteur immobilier, avant de retrouver une croissance plus raisonnable du secteur.  

Les risques pour Hong Kong

La Chine devra donc certainement accepter de réduire la voilure de son secteur immobilier, en abandonnant ses groupes les plus fragiles. Reste à savoir qui paiera la facture. A Dubaï, l’émirat pétrolier voisin d’Abu Dhabi avait soldé les comptes en rachetant les projets déficitaires, dont la Burj Khalifa. En Chine, comme il n’existe pas de voisin riche et ami, il ne reste que trois solutions pour éponger la dette des promoteurs : les créanciers, les acheteurs de biens immobiliers ou l’Etat chinois.

La solution visant à faire payer les créanciers, via des défauts de paiements, serait certainement la plus dévastatrice pour Hong Kong. Certes, sur le moment, cela reviendrait à léser des groupes étrangers qui ont prêté aux promoteurs chinois, comme l’Allemand Allianz ou l’Américain Black Rock, exposés aux obligations en dollars du conglomérat Zhongzhi. Mais, très rapidement, cela risquerait de décrédibiliser la place boursière de Hong Kong en l’étiquetant de « peu sûre ».

On peut aussi brader les actifs des promoteurs et laisser s’effondrer les prix des logements. Mais 90% des Chinois sont propriétaires, et une baisse de la valeur de leur patrimoine entraînerait un plongeon de la consommation, et certainement une déflation. Pour Hong Kong, porte d’entrée des multinationales en Chine, ce serait aussi une mauvaise nouvelle.

Reste la solution classiquement adoptée dans les autres pays : la reprise des promoteurs et/ou de leurs dettes par les Etats, rendue d’autant plus facile ici que les emprunts de ces groupes sont majoritairement libellés en yuans et que le système politique chinois facilite les nationalisations. Cette mutualisation des pertes se traduit souvent par une transformation de la crise immobilière en crise de la dette publique. Cela débouche même souvent à moyen et long terme sur une inflation dévastatrice qui vise à réduire l’effort de remboursement. Mais, à court terme, ce serait peut-être la moins mauvaise solution pour la conjoncture économique de Hong Kong.

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