Frank Tétart, le Dessous des Cartes à Hong Kong

Un spécialiste de l'international à Hong Kong

Comment vous est venu votre intérêt pour les relations internationales ?

J’ai fait des études de Relations Internationales et de géopolitique. Dans le cadre mon doctorat, je me suis plus précisément intéressé à la région Kaliningrad, territoire russe coincé entre la Pologne et la Lituanie. C’est suite à ces recherches que j'ai commencé à travailler sur les questions européennes, notamment la coopération entre l’Union Européenne et la Russie. Un autre de mes sujets de prédilection, la religion, m’est venu à la suite de voyages. J’ai cherché après mes années aux Emirats Arabes Unis à comprendre ce que ces enjeux signifient en France et dans le monde, ainsi que ces implications. Pourquoi l’homme se met à croire ? Pourquoi les religions monothéistes sont nées au Moyen Orient ? etc.

L’histoire permet de mieux anticiper l’avenir.

Vous traitez de sujets très variés, quelles sont vos visées au travers de vos ouvrages, comme le Grand Atlas? 

Le Grand Atlas part des publications des différents atlas publiés par Autrement et de leurs cartes illustrant l'actualité, que je réactualise pour proposer une grille de lecture de l’actualité et des grands enjeux de l’année en cours. Dans ce cadre, je cherche aussi à faire un retour sur l’histoire pour mieux comprendre le présent et par ce biais anticiper l’avenir. Avec Emilie Aubry, nous avons commencé à travailler une première version de l’Atlas du Dessous des Cartes juste avant le début du covid, or le monde a beaucoup évolué en raison de l’épidémie, ce qui a conduit à l’écriture d’un atlas en lien avec cette rupture. Ensuite, nous avons sorti une deuxième version, qui s’est corrélée avec le début de la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Mais j’ai aussi publié des atlas sur d’autres thèmes, tel l’Europe ou les religions (deux atlas publiés chez Autrement), ou Une carte par Jour, soit 365 cartes pour s'instruire chaque jour avec une carte et un thème différents, un peu comme un format calendrier. Drôle de planète (Autrement) s’amuse à présenter des cartes et représentations insolites.

Le Dessous des Cartes sur Arte

On vous connaît surtout grâce à l'émission Le Dessous des Cartes. Comment y êtes-vous arrivés ?

Jean-Christophe Victor, le visage du Dessous des Cartes, était mon professeur à la Sorbonne, et il m’a proposé de faire un stage auprès de lui pour l'émission. Finalement, j’y suis resté 14 ans. Après son décès en 2016, Arte m’a proposé de prendre la direction scientifique de l’émission aux côtés d’Emilie Aubry. Comme en parallèle de cela, je continuais d’enseigner, j'ai décidé de ne plus travailler directement pour l'émission, seulement participer à l’écriture des atlas qui en sont dérivés.

Chaque évènement local a un impact international

Pouvez-vous nous présenter l'actualité mondiale ? Quels sont d'après vous les gros sujets à traiter pour illustrer le monde en 2024 ?

Un premier point clef à présenter est la guerre entre la Russie et l’Ukraine, qui aujourd’hui plus encore qu’avant est une question mondiale. En effet, cette question impacte les futures élections américaines qui pourraient en changer la donne, comme le montrent plusieurs déclarations du candidat Trump. 

D’autres régions sont également en conflit, même si on en parle moins dans les médias, comme le Caucase ou le Kosovo. Ce pays, né des cendres Yougoslaves et qui fête aujourd’hui ses 15 ans, est l’exemple parfait de la fragilité des Balkans et de sa stabilité qui dépend largement de l’Union européenne. 

L'Indopacifique est une zone d'attention majeure

Les autres zones de tensions dans le monde concernent peut-être un peu plus les habitants de Hong Kong et vos lecteurs, ce sont celles dans la région Indopacifique, où l’on assiste aux rivalités croissantes entre la Chine qui y affirme sa puissance et les autres pays de la zone, comme le Japon, l’Inde, l’Australie, l'Indonésie et bien sûr les États-Unis, qui restent un acteur-clé de la sécurité asiatique. La France, au travers de ses territoires d'Outre-mer, y joue aussi un rôle important. Parmi les différents conflits de la zone Indopacifique, un des plus présents dans l'actualité mondiale est celui au sujet de Taïwan. Ce territoire revendiqué par la Chine pour des raisons historiques a mis en place un régime démocratique soutenu par les États-Unis. Cette année, suite aux élections taïwanaises qui ont vu le parti pro-indépendantiste remporter le scrutin, les tensions se sont multipliées. Quant à la Chine, elle se rapproche, depuis la guerre en Ukraine, d’une grande puissance : la Russie. 

Un dernier thème important à aborder est le conflit entre Israël et la Palestine. Ce dernier a été ces dernières décennies trop marginalisé. Cette exclusion a mené à une radicalisation et donc une instabilité, contribuant au retour de la guerre. L’instabilité dans cette région et les alliances entre différents acteurs et pays créent alors des tensions majeures, notamment entre l’Iran, les pays arabes et Israël. L’Iran reste en effet un acteur régional qui joue un rôle clef dans la cause palestinienne par son soutien au Hamas.

La France sous les projecteurs en 2024

Quels sont les points clefs concernant la France ?

Cette année, au-delà de la politique intérieure et des enjeux européens, la France est sous les feux des projecteurs en raison de l'organisation des Jeux Olympiques à Paris lors de l'été 2024. Ce n’est pas la première fois que le pays organise cette rencontre, et un événement d’une telle ampleur change l’organisation du territoire. Cela est déjà le cas dans l’organisation des Jeux, qui se déroulent de Paris à Papeete en passant par Marseille. Cela contribue au rayonnement de la France à l’étranger, par le sport mais aussi l’ambition donnée à ces jeux. En effet, la France souhaite incarner les Jeux Olympiques les plus durables depuis le début de l’histoire olympique.

La désinformation est le fléau de la décennie

Quel est pour vous le point à mettre en lumière dans cette conversation ?

J'aimerais attirer l’attention des lecteurs sur la désinformation qui sévit aujourd’hui. Tout un chacun peut être victime de ce fléau, car nous vivons, à l’ère des réseaux sociaux, une vraie guerre de l’information, comparable à la propagande de la Seconde Guerre mondiale, mais d'une ampleur bien plus grande. L’information n’est plus que locale, mais internationale et surtout instantanée, notamment par le biais d’internet. La désinformation touche par conséquent toutes les couches de la population, allant parfois jusqu'à la haute sphère politique, au travers des présidents qui ont la  tweetmania. Nous sommes aujourd'hui donc dans un monde de la post-vérité : ce qui est important aujourd’hui ce n’est plus ce qui est vrai ou juste, mais ce qui a été dit. Les journalistes aujourd’hui doivent donc faire du décryptage pour sortir de ce cercle vicieux. Dans un monde où la liberté de la presse est restreinte, car ¾ des pays n’ont pas de véritable liberté de presse, c’est un vrai enjeu.