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Archives diplomatiques de Nantes : la face cachée des documents consulaires

Le discret bâtiment, presque caché dans le très tranquille quartier Saint Donatien à Nantes, ne laisse pas voir ce qu’il renferme à première vue. Pourtant, ce centre accueille chaque année des chercheurs du monde entier. Des archives rares de la diplomatie française y sont conservées, dont certaines vieilles de quatre siècles. 

Archives diplomatiques de NantesArchives diplomatiques de Nantes
Un télégramme diplomatique de l'ambassade de France au Royaume-Uni en février 1966.
Écrit par Capucine Taconet
Publié le 26 juin 2023, mis à jour le 15 mars 2024

Ambiance feutrée, rangée d’étagères le long des murs, une fois le portique de sécurité franchi à l’entrée, les boîtes d’archives sont enfin à portée de main du visiteur. Encore faut-il savoir où chercher. Éric Lechevallier, archiviste au centre depuis huit ans, nous a guidé dans ce sanctuaire de la diplomatie des consulats et ambassades françaises. Un véritable joyau d’histoire, qui ne demande qu’à être réveillé. 

 

Éric Lechevallier, archiviste, écume les rayons d'archives
Éric Lechevallier, archiviste, est responsable des publics du centre de Nantes, prépare les documents à la consultation des visiteurs. 

32 kilomètres d’archives diplomatiques à Nantes

Le centre des archives diplomatiques de Nantes existe depuis 1987. Il contient toutes les archives de la représentation française à l’étranger. L’autre partie des archives diplomatiques est, elle, conservée dans le centre de la Courneuve, en banlieue parisienne. 

Le site, ouvert à tous sur réservation, permet de consulter de la documentation parfois vieille de plusieurs centaines d’années. Les plus vieux documents datent de 1582 et témoignent des échanges consulaires à Tunis et Alger, parmi les premiers postes fixes diplomatiques français à l’étranger. Au total, ce sont 32…kilomètres d’archives qui sont stockés dans les 9.000m2 du centre nantais ! « Plutôt que de compter par nombre de documents, nous juxtaposons les boîtes d’archives et calculons leur longueur. Un mètre de longueur équivaut ainsi à un mètre d’archive », explique Éric Lechevallier, archiviste responsable du pôle public. Jusqu’en 2014, toute la correspondance écrite et numérique des consulats et ambassades était imprimée. Désormais, une grande partie de ce « télégramme diplomatique » est numérisée. 

 

état civil archives
L'état civil des Français de l'étranger, à l'origine, un simple registre avec une photo sans format défini et une signature.

Des documents sur la vie consulaire quotidienne 

Une numérisation bienvenue pour faciliter la consultation et la conservation des archives, mais qui n'exclut pas un tri des documents physiques à leur arrivée au centre. Cependant, en réalité, « très peu d’archives sont éliminées », concède Éric Lechevallier, en désignant les boîtes empilées dans la salle de dépôt. La grande majorité relève de registres de l’état civil des Français rattachés au poste diplomatique. On y trouve aussi des dépêches écrites par les diplomates en poste, racontant les relations avec leurs pays d’installation, mais aussi le contexte géopolitique de la zone, ou encore les intrigues internes de leur bureau. « Ces écrits sont les plus intéressants », glisse Éric en souriant derrière sa fine monture de lunettes, « la posture du diplomate de façade s’efface pour laisser place à ses opinions, et parfois même à ses agacements ». Des courriers précieux, et aussi sensibles, qui ne doivent pas tomber entre de mauvaises mains. 

 

Code archives
Pour éviter d'être de livrer des informations aux autres gouvernements, les dépêches étaient souvent codées à l'aide de chiffres (cf. la table de code sur la photo de gauche).

L’acheminement des archives : sauver ou détruire 

L’envoi des archives dans les centres dédiés de métropole est une partie cruciale du processus de conservation. Tout est fait pour rapatrier le plus vite possible les documents, en cas de risque. Dès les premiers signes qu’une révolution ou une guerre est sur le point de se déclencher, les archives sont mises à l’abri par la route ou par les airs, via ce qu’on appelle la valise diplomatique. Pas question de laisser des traces des échanges diplomatiques, ni les identités des personnels du poste. Cela peut également représenter un danger pour les interlocuteurs, en fonction du pouvoir en place. « Dernièrement, les archives de Kaboul, ont été transférées dès le printemps 2021, quelques mois avant la prise de pouvoir des Talibans. En 2012, nos archives de Syrie avaient été acheminées par la route jusqu’à Beyrouth », précise notre guide. Dans d’autres cas, l’histoire est moins glorieuse. Ainsi, en 1975, à l’arrivée des Khmers Rouges au Cambodge, les diplomates français, pris de court, ont dû détruire les archives.

 

la salle de consultation des archives nantaises
La salle de consultation des archives nantaises, où l'ambiance studieuse réunit des chercheurs universitaires et amateurs.

Des informations d’intérêt général

On mesure d’autant mieux la valeur des écrits et cartes conservés au centre nantais, en sachant les efforts que leur conservation a nécessité. Ces archives sont d’ailleurs réputées dans le monde entier, comme étant l’une des meilleures sources d’information occidentales sur l’histoire du bassin méditerranéen du XVIe au XVIIIe siècle. Chaque année, parmi les visiteurs du site, deux tiers sont des chercheurs universitaires. Ils sont autant de Français que d’étrangers à venir consulter, et de toutes les formations disciplinaires. « Récemment les avocats de deux pays sont venus tour à tour au centre. Ils vont bientôt comparaître en justice dans le cadre d’un litige frontalier. Ils sont venus se plonger dans les archives pour préparer leur défense », pointe l’archiviste. 

Sur place, la grande histoire se mêle à la petite avec des états civils qui permettent de compléter les arbres généalogiques familiaux, pour les « chercheurs amateurs ». Les archives ont encore un rôle essentiel d’information à jouer. Il faut cependant faire preuve de patience : les documents ne sont accessibles qu’au bout de 25 ans. Leurs secrets n’en seront que plus savoureux.

 

Infos pratiques

Le centre des archives diplomatiques de Nantes est ouvert à tous, du lundi au jeudi de 9h à 18h, et le vendredi de 9h à 17h. Il faut cependant réserver par mail à archives.cadn[at]diplomatie.gouv.fr , au plus tard deux jours ouvrés avant la date de consultation. L'ensemble des fonds peut se consulter en ligne, sur le site des archives.