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DEBAT - Zurich, capitale de la vie nocturne... jusqu'à quand ?

Écrit par Lepetitjournal Zurich
Publié le 25 août 2016, mis à jour le 14 octobre 2016

Depuis la fin des années 90, le nombre de bars et de clubs a explosé à Zurich, faisant de la ville un pôle urbain festif. Une effervescence qui se concentre dans les Kreis 4 et 5 et qui ne plait pas à tout le monde. Nuisances sonores, saleté, insécurité : les problèmes engendrés sont multiples. Le débat sur la régulation de la vie nocturne est donc lancé. Et en filigrane se pose la question de la cohabitation entre résidents et monde de la nuit.


Zurich de nuit (Jean-Baptiste Chatain)

Zurich est la capitale suisse alémanique de la vie nocturne. La cité de la Limmat compte plus de lieux de sortie pour noctambules que n'importe quelle autre ville suisse germanophone. On y dénombre 632 "nachtlokale" ("établissements nocturnes" ayant reçu une autorisation d'ouverture après l'horaire de fermeture légal fixé à minuit) contre 142 à Winterthur, 102 à Berne, 100 à Bâle, 71 à Lucerne et 61 à Saint-Gall. Au nombre de lieux ouverts la nuit par habitants, Zurich est encore largement en tête : 1.56 pour 1.000 habitants, contre 1.33 pour Winterthur, 0.88 pour Lucerne, 0.81 pour Saint-Gall, 0.73 pour Berne et 0.57 pour Bâle. Il faut cependant relativiser ces chiffres en ce qui concerne Bâle, les bars et restaurants peuvent y rester ouvert jusqu'à 02h00 le week-end sans autorisation spéciale. Mais même si la ville frontalière s'enorgueillit d'une vie nocturne trépidante, elle ne peut rivaliser avec la plus grande ville de suisse.

Le « boom » des années 2000

Selon la Commission des bars et des clubs, la vie nocturne zurichoise attire plus de 100.000 personnes tous les week-ends. Elle ferait vivre 3.000 employés et représenterait un marché de 500 millions de francs. Enfin, elle fait partie de l'image d'une ville qui revendique son dynamisme et qui souhaite tenir son rang parmi les grandes villes européennes où sortir et faire la fête.

Il n'en a pas toujours été ainsi. Jusqu'en 1998, la Loi d'hospitalité ("Gastgewerbegesetz") de Zurich imposait aux bars et clubs l'obtention d'un permis cantonal. Son assouplissement à partir de cette date conduit à une explosion du nombre d'établissements ouverts la nuit, qui passent de 88 dans les années 90 à plus de 600 aujourd'hui. Le boom a principalement eu lieu dans les Kreis 4 et 5, dans les quartiers de Langstrasse et de Hard, qui concentrent une grande partie des bars et des clubs de Zurich.

Aujourd'hui, cette vie nocturne foisonnante qui agit comme un aimant sur toute la Suisse alémanique est au c?ur d'une polémique centrée sur les nuisances engendrées par les bars, les clubs et les boutiques 24/24. Selon l'enquête sur la population 2016 de la ville de Zurich, les habitants des quartiers Hard et Langstrasse sont moins heureux que leurs voisins, avec un taux de satisfaction de 72,8% contre 86,1% pour le reste de la ville. Leur principal sujet de mécontentement ? La tranquillité, que seuls 46% d'entre eux jugent satisfaisante, le taux le plus bas, et de loin, de tout Zurich.

Des riverains remontés contre les nuisances

Larvée depuis plusieurs années, le conflit entre résidents et établissements nocturnes a pris une nouvelle tournure en avril 2015, avec une lettre ouverte signée par 115 riverains de la Langstrasse excédés par le bruit et la saleté du quartier. Deux tables rondes entre les acteurs du dossier et les représentants de la ville plus tard, des mesures sont prises fin 2015: les habitants obtiennent une ligne téléphonique directe vers les établissements nocturnes pour signaler les nuisances sonores, une campagne de sensibilisation au bruit est mise en place, les commerces sont tenus de nettoyer les trottoirs et les patrouilles de police sont renforcées.

Le consensus est pourtant loin d'être atteint. Pour les riverains, la tentative de conciliation n'a fait que brasser du vent et ne répond pas aux attentes des habitants. Walter Ramseier, un résident particulièrement impliqué dans la contestation considère que les solutions proposées "ne font que combattre les symptômes plutôt que les causes". Il plaide, comme beaucoup d'autres, pour une mesure plus radicale : la réduction des permis et des horaires d'ouverture.

Face à la recrudescence des plaintes et la pression populaire, les propriétaires et gérants d'établissements s'inquiètent. Ils dénoncent déjà le durcissement des conditions d'ouverture : depuis l'été 2015, n'importe quel habitant peut déposer un recours contre l'attribution d'une licence de nuit par la ville. Le prix de ces licences a, qui plus est, augmenté, rendant difficile la survie des petites structures. Face à cette situation, certains imaginent le transfert des activités nocturnes dans un quartier dédié : une utopie au regard du boom immobilier que connait la ville. Le club Hartereï peut en témoigner. Situé dans le quartier jusqu'alors peu densément peuplé de la Prime Tower, il a dû faire face à un déluge de plaintes en 2013 de la part de résidents nouvellement installés dans un immeuble flambant neuf.

"Ne pas abandonner la politique aux personnes âgées"

Imminente ou exagérée, la menace qui plane sur la vie nocturne zurichoise a réalisé l'exploit de fédérer les sections jeunesses des principaux partis politiques, du Parti socialiste à l'Union démocratique du centre. Rassemblés dans le Club pour la vie nocturne de Zurich ("Pro Nachtleben Zürich") ils comptent faire pression sur la politique de la ville, notamment via une pétition, pour sécuriser l'attractivité du Zurich nocturne. Pour son président, Claudio Zihlman, le rapport de force est en partie générationnel : "notre génération, qui sort souvent, ne doit pas abandonner la politique aux personnes âgés" explique-t-il dans une interview au Neue Zürcher Zeitung. Le sociologue de l'ETH Christian Schmid rappelle, lui, que la Langstrasse a toujours été particulièrement bruyante, et qu'avant de devenir le quartier phare de la scène nocturne, il était celui des toxicomanes et des prostitués. Le débat sur les nuisances sonores n'a, en fait, rien de nouveau. Et le chercheur insiste sur la légitimité de vouloir préserver des quartiers festifs et plus bruyants face à la tentation de vouloir imposer un calme absolu dans toute la ville.

Des arguments qui auront du mal à convaincre Walter Ramseier qui résume ainsi le débat : "devons-nous simplement supporter toutes les nuisances sonores ?". La solution idéale viendrait d'une évolution des comportements des fêtards vers plus de respect pour les résidents de ces quartiers. Pas sûr, cependant, que des habitants remontés à bloc aient la patience d'attendre jusque-là.

Jean-Baptiste CHATAIN (www.lepetitjournal.com/zurich) vendredi 4 mars 2016.
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Publié le 25 août 2016, mis à jour le 14 octobre 2016

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