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L’éducation à la démocratie en Allemagne : une histoire particulière

Qu'est-ce que l'éducation politique à l'allemande ? D'où vient cet attachement à la promotion de la démocratie dès le plus jeune âge ? Cette culture peut prendre différentes formes outre-Rhin : nous essayons de comprendre en quoi consiste l'aspect éducatif de cette tradition, et pourquoi elle est si ancrée.

photo enfants salle de classephoto enfants salle de classe
© CDC - Unsplash
Écrit par Agnès Blanc-Dubreuil
Publié le 11 mars 2024, mis à jour le 12 mars 2024

Si vous êtes français et que vous vivez en Allemagne depuis plusieurs années, vous avez peut-être déjà remarqué l’expression « politische Bildung », sans bien comprendre de quoi il retournait. On pourrait grossièrement la traduire par « éducation politique », mais la réalité est plus complexe que ça. Le terme de « Bildung », défini au XIXème siècle par Wilhelm von Humboldt, n’a pas d’équivalent en français. Il regroupe à la fois l’idée d’apprentissage classique mais aussi de développement de soi, et c’est la logique sur laquelle se fonde tout le système éducatif allemand. En France, nous avons l'Education Morale et Civique dispensée au collège, mais cela n'a pas grand chose à voir avec la vision germanique de la question ni l'intérêt qui y est porté.

 

Des explications historiques

L’histoire de l’éducation politique ou civique en Allemagne  remonte au XIXème siècle. Déjà sous la République de Weimar, une agence était dédiée au développement des capacités des citoyens dans leur participation à la démocratie. La Seconde Guerre Mondiale, laissant l’Allemagne exsangue et traumatisée, a provoqué un choc en ce qu’elle avait démontré comment la démocratie pouvait basculer dans la dictature. Le pays a dû dans les années suivantes rebâtir sa confiance dans ses citoyens et ses institutions. Ce sont les Alliés eux-mêmes, en quittant la RFA nouvellement fondée, qui ont exigé que le processus de dénazification de la société allemande passe par une éducation à la démocratie auprès de la jeunesse et de la société civile plus largement.

C’est ainsi qu’a été fondée en 1952 la Bundeszentrale für politische Bildung (BpB), agence fédérale pour la formation civique, qui prendra ce nom quelques années plus tard. Cette agence publique rattachée au ministre de l’Intérieur prend au fil du temps un rôle majeur dans cette tâche délicate et définit peu à peu le cadre dans lequel s’inscrit cette « éducation » à la vie en démocratie.

Dans le texte qui définit sa mission, la BpB rappelle que du fait de son passé lié à un régime totalitaire, l’Allemagne a une responsabilité particulière dans l’assurance des valeurs démocratiques, le pluralisme et la tolérance au cœur de la conscience collective.

 

La sensibilisation des jeunes allemands aux pratiques démocratiques

La BpB est aujourd’hui l’organisme majeur qui coordonne les actions faites en Allemagne pour la politische Bildung. On compte également les cours donnés par les écoles, parfois à partie d'un très jeune âge. En effet, il est considéré ici que si l’éducation politique est essentielle au bon fonctionnement de la démocratie, elle doit aussi commencer le plus tôt possible, de manière à initier les enfants à la discussion, à l’expression d’idées et à la tolérance au sein d’un collectif.

Cette éducation civique est encadrée par plusieurs grands principes dont les fondamentaux ont été édictés par Hans-Georg Wehling dans un article devenu célèbre en 1976, le Beutelsbacher Konsens (cf Les chemins de l'éducation à la citoyenneté, Franziska Klucke, Université Paris-Nanterre, 2016). Le premier consiste à bannir toute forme d’endoctrinement : les biais, la subjectivité, la propagande volontaire sont formellement interdits dans le cadre de l’apprentissage. Le but n’est pas de convaincre à tel ou tel penchant politique. Le second principe est le « devoir de controverse » : les acteurs de la formation doivent présenter les thèmes sociétaux dans toute leur complexité, en incluant tous les aspects des débats qui se jouent dans la société. On ne présente pas qu’un seul avis mais bien le pluralisme des opinions. Enfin, l’enseignement est toujours axé sur l’élève : on doit s’efforcer de s’adapter au public à qui s’adresse la Bildung. Différents milieux sociaux peuvent par exemple signifier différents besoins en matière d’apprentissage. On prend en compte la diversité des individus pour donner à tous l’opportunité de former sa propre conscience politique.

Au-delà de ce cadre fondamental, les formes prises par l’éducation civique en milieu scolaire varient beaucoup selon les classes d’âges et les Länder. Les cours dispensés peuvent consister en des discussions libres sur la politique, les institutions démocratiques, l’histoire nationale ou bien des débats de société plus larges. On veut avant tout favoriser l’expression des idées de chacun et la culture du débat – idéalement, mais pas toujours, pour aboutir à un consensus. Le fondement idéologique derrière tous ces efforts est donc d’inculquer aux citoyens allemands un corpus de valeurs liées à la démocratie libérale, et un savoir-être favorisant l'ouverture d'esprit et le dialogue.

Pour revenir sur le travail de la BpB, l’agence coordonne aujourd'hui plus de 400 organisations différentes, et organise 5 500 séminaires par an. Les participants sont 300 000 chaque année. Elle s’emploie également à créer une offre de médias accessibles à tous, synthétique, pluraliste et adapté à tout public, afin de garantir une information de qualité.

 

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