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TELEVISION – Pour les Espagnols, toujours plus de temps passé derrière le petit écran

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 5 mars 2012, mis à jour le 15 novembre 2012

Le mois de février a été celui d'un nouveau record pour les téléspectateurs espagnols : ils sont restés en moyenne 4 heures et 27 minutes devant leur téléviseur, au quotidien. Depuis l'ouverture de la première chaîne, en 1956, la télévision n'a jamais connu la crise. Et profite même de celle économique et financière, malgré une vraie dynamique de la pluralité concurrentielle

Question : où trouver le plus facilement un Espagnol, en dehors de ses horaires professionnels ? Ne doutez pas, il n'y a aucun piège. Réponse ? Devant son poste de télévision. Ou son écran plat, c'est selon. Les mois de janvier et février viennent de battre tous leurs prédécesseurs en termes de temps passé à regarder le petit écran : en moyenne 4 heures et 27 minutes par jour durant le second. Un record... historique.
2011 avait déjà été l'année de la plus importante consommation télévisuelle en Espagne, 2012 devrait donc encore gonfler les statistiques. Des chiffres à l'inverse de la situation économique du pays, puisqu'ils n'ont connu que la croissance depuis 2008 et le début de la crise. Une relation de cause à effet évidente. Preuve de cette corrélation, en 2006 les Espagnols ne restaient en moyenne "que" 3 heures et 37 minutes face à l'écran, soit quasiment une heure de moins par jour.

La diversité culturelle du territoire, plus représentative qu'en France
Jeux vidéos, Internet, téléphones portables qui cumulent les avantages, le modernisme technologique et la dynamique de la pluralité concurrentielle ne font rien à l'affaire. La télévision reste le diable tentateur numéro un pour occuper le temps libre. En tête de gondole côté audiences, TVE 1 s'affirme comme la chaîne la plus regardée (14,5 %), pour la troisième année consécutive, talonnée par Telecinco et ses programmes de "tele-basura" (14,2 %). Suivent Antena 3 (11,5 %), Cuatro (6,1 %), La Sexta (5,7 %) et TVE 2 (2,6 %).
Avec 10,4 % en termes d'audience moyenne, les chaînes locales conservent une vigueur certaine. C'est là un des points essentiels de différenciation entre les télévisions française et espagnole. Le téléspectateur espagnol bénéficie d'un canal régional, miroir de son territoire, peu importe son lieu de vie. Tels Andalucía Televisión, Canal Sur, Telemadrid... Ainsi, les langues minoritaires bénéficient de programmes conséquents, parfois même d'une ou plusieurs chaînes, comme c'est le cas en Catalogne, avec TV3 la généraliste et quatre autres canaux. Juste de l'autre côté des Pyrénées, en Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Provence et Aquitaine, France 3 régions n'est autorisé à diffuser qu'un maximum de vingt-six minutes hebdomadaires en occitan, avec la majorité du temps un magazine de seulement six minutes. En Espagne, le petit écran respecte mieux la diversité culturelle du territoire.

Le cliché de la 'tele-basura' ? Gran Hermano (Loft Story) : 2 éditions en France, 13 en Espagne
La comparaison ne peut s'arrêter là. Modesto Entrecanales, installé à Madrid, vingt-cinq années de vie en Espagne contre trente-trois en France, résume l'idée générale de ceux qui ont vécu des deux côtés de la chaîne pyrénéenne : "La 'tele-basura' ('télé-poubelle') est beaucoup plus présente en Espagne. C'est un peu la marque de fabrique du pays en termes télévisuels. Les Espagnols regardent aussi énormément les séries de leur pays. Alors qu'en France, ce qui domine sont les émissions en relation avec l'actualité. En Espagne, il n'y a pas de Laurent Ruquier ou de Jean-Yves Calvi".
La 'télé-poubelle' qui déborde en Espagne, un cliché ou une photographie de la réalité ? En 2007, Antena 3 et Telecinco proposaient au total treize heures par jour de "tele-basura", entre programmes de potins, reportages et débats endiablés sur la vie des célébrités. Même TVE 1, pourtant publique, n'échappe pas à ce type d'offre. Gran Hermano vient de débuter sa treizième édition, quand Loft Story n'avais connu que deux saisons en France. Seule TVE 2 propose des espaces culturels, avec le jeu de réflexion et de connaissance Saber y ganar, de vrais reportages de société, des films d'auteurs et des programmes dédiés aux enfants.
Dès son arrivée à La Moncloa, en 2004, l'ancien président du gouvernement, José Luis Rodríguez Zapatero, avait stigmatisé la 'tele-basura', qualifiant l'offre d'alors de "problème grave" pour les mineurs, notamment par rapport à la violence verbale et visuelle de certaines émissions ou séries. Depuis, une loi limites les possibilités, de 6h à 22h.
Dans une entrevue accordée au quotidien El País, le 8 janvier dernier, Víctor Marí Sáez, professeur de communication et de publicité à l'université de Cádiz, auteur du livre Comunicar para transformar y transformar para comunicar, utilisait une métaphore alimentaire pour caractériser l'offre et la demande audovisuelle en Espagne : "Si dans une ville, vous ne trouvez que des établissements du type fast foot, il vous sera très difficile de suivre un régime alimentaire équilibré et sain, même avec la meilleure volonté du monde?.

Débats d'actualité contre séries nationales, chacun sa marque de fabrique
En 2011, le football était présent dans 18 des 20 programmes les plus vus en Espagne. Le sport est beaucoup plus présent à l'écran espagnol, notamment dans les journaux télévisés, qui lui consacrent parfois un espace aussi grand que celui réservé aux informations générales, comme c'est le cas pour Cuatro. Les JT, autre élément culturel divergent. Beaucoup plus longs et à tendance internationale en Espagne, ils font la part belle aux faits divers. Chaque chaîne présente un JT, avec des audiences assez proches, loin du monopole historiquement détenu par le 20h de TF1, qui reste le JT le plus regardé d'Europe.
Pas de "grand messe" du 20h en Espagne. L'acteur espagnol Diego Martín, adepte des allers-retours fréquents en France, explique ce particularisme : "Il n'y a pas en Espagne cette possibilité, pour un acteur, d'être invité au JT de 20h, se sachant regardé de tous". Pas de C dans l'air, Envoyé spécial, On n'est pas couché, ou Mots croisés non plus. A chacun sa marque de fabrique. Les débats d'actualité politique, sociale et culturelle passionnent une majorité de téléspectateurs français quand leurs homologues espagnols préfèrent les séries nationales, du type Aquí no hay quien viva, Aída ou Cuéntame cómo pasó. Bien loin de Plus belle la vie au niveau de la notoriété internationale, elles s'exportent, comme ce fut le cas pour Un, dos, tres (Un paso adelante) ou La Famille Serrano (Los Serrano). En 2004, pas moins de dix-huit séries locales étaient à l'antenne en Espagne, véritable industrie florissante. Variées, elles touchent tous les publics et restent de vraies valeurs sûres en prime time. Alors qu'en France les chaînes se livrent une guerre d'audience pour les JT, en Espagne, ce sont les séries qui font office d'armes.
Le récent record de présence devant l'écran n'assure pas pour autant à l'Espagne le titre de championne d'Europe de la consommation TV. Elle ferme le podium continental, derrière le Portugal et l'Italie, largement en tête. La France se classe sixième.

Benjamin IDRAC (www.lepetitjournal.com - Espagne) Lundi 5 mars 2012

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Publié le 5 mars 2012, mis à jour le 15 novembre 2012