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Espagne : augmentation d’impôts à prévoir

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StellrWeb
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 1 juillet 2020, mis à jour le 1 juillet 2020

Les Espagnols viennent de "fêter" le 27 juin dernier le jour de la libération fiscale. Il faut sacrifier 178 jours au paiement des impôts, comme en 2019. Pourtant, le think tank Civismo, qui élabore chaque année cette étude, met en garde contre l’augmentation des impôts post-pandémie.

 

Tous ceux qui résident en Espagne ont donc été "libérés" jeudi 27 juin du paiement des impôts, après que les 178 premiers jours de l'année aient été consacrés à remplir leurs obligations fiscales, comme le montre l'analyse annuelle du think tank de Civismo, qui fixe ce jeudi comme la "Journée de la liberté fiscale". 

Le think tank note que le salaire moyen est de 25.123,99 euros, mais rappelle que le coût du travail s'élève en réalité à 32.636,06 euros si l'on considère la pression fiscale. Sur ce chiffre, le paiement de la Sécurité sociale s'élève à 7.512,07 euros de cotisation patronale et 1.595,37 euros de cotisation pour les employés, tandis que l'impôt sur le revenu équivaut à 3.212,36 euros, la TVA à 1.960,05 euros, les impôts spéciaux à 896,78 euros et les impôts autonomes et municipaux à 767,40 euros. Par conséquent, le coût total des taxes s'élève à 15.944,03 euros pour un contribuable avec un salaire moyen de 25.123,99 euros.


Pression fiscale plus forte pour les familles

Encore un mythe qui tombe. La pression fiscale supportée par le contribuable espagnol est parmi les plus élevée des pays développés, et encore plus pour les familles. Selon le rapport annuel publié par l'OCDE concernant les impôts sur le travail "Taxing Wages", la pression fiscale est en moyenne supérieure de 3,5 points de pourcentage en Espagne par rapport à la moyenne des économies développées : 39,5% dans le cas de l’Espagne à la fin de 2019, contre 36% dans la moyenne de l'OCDE. 

Dans le cas de contribuables sans enfants, les pays qui ont la plus forte pression fiscale dans l'OCDE sont la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche et, qui s’en étonne, la France. L’Espagne arrive en 15e position, sur les 36 économies développées intégrées dans l'OCDE. 

Mais les choses empirent dans le cas des familles, pour qui le fossé fiscal se creuse encore plus, à cause d'une augmentation progressive de l'impôt sur le revenu ces dernières années. Ainsi, pour une famille avec deux enfants, la charge fiscale totale sur le salaire brut en Espagne est réduite à seulement 34,2%, par rapport à la moyenne de 26,4% de l'OCDE. Cette fois, le Top 5 des champions de la pression fiscale est formée par l’Italie, la Grèce, la Finlande, la Turquie, et la Suède. L’Espagne arrive à la 9e position, toujours sur 36 pays, et la France passe de la 5e à la 6e place.

Pour en revenir à l’analyse spécifique sur l’Espagne, l'effort fiscal est le même qu'en 2019, avec une pression fiscale qui reste à 178 jours. Mais le think tank Civismo considère que cette relative stabilité pourrait être interrompue en 2021 si les différentes augmentations d'impôts envisagées par le gouvernement aboutissent finalement, ce qui équivaudrait à une augmentation moyenne de la facture fiscale de 365 euros par personne ou de 1.095 euros par famille.


De la marge pour augmenter les impôts

Le gouvernement doit trouver une solution pour conjuguer les effets négatifs de la crise du Covid-19 sur les caisses publiques. En effet, d’un côté l’on trouve -au moins à court terme- une forte augmentation des dépenses publiques pour financer les mesures d'urgence, et de l’autre, un effondrement des revenus, à cause de l’arrêt brutal des activités. En d'autres termes, l'Espagne doit débourser plus avec moins de ressources pour le faire.

Face à cet imbroglio, la ministre des Finances, María Jesús Montero, a déclaré la semaine dernière que l'Espagne disposait encore d'une "marge de manœuvre" pour augmenter ses recettes de 6 à 7 points de PIB. Cela signifierait une augmentation des impôts de plus de 64 milliards d'euros. Mais, où trouver une telle somme ?


Deux taxes déjà en place

Le gouvernement a déjà donné le feu vert aux taxes dites "Google" et "Tobin". La taxe -appelée à tort taxe Google, car il s'agit en fait d'un impôt (Impuesto sobre Determinados Servicios Digitales -IDSD, "Impôt sur certains services numériques")- est destinée à être prélevée sur les opérations d'intermédiation numérique réalisées par différents opérateurs, qu'elle taxera à un taux de 3%. 

Cette taxe "dérange" -le mot est faible- les États-Unis, qui imposeront en retour des droits de douane sur de nombreux produits espagnols, de sorte qu'il pourrait porter préjudice aux exportations, et donc à la croissance économique et aux emplois en Espagne.

Quant à l'impôt sur les transactions financières, il vise à taxer de 0,2% l'achat et la vente d'actions espagnoles qui sont effectués sur des sociétés cotées en bourse dont la capitalisation boursière est supérieure à 1 milliard d'euros. Avec ces deux taxes, le gouvernement vise à collecter respectivement 968 et 850 millions d'euros par an. On est donc encore loin des 64 milliards.


"Harmoniser" droits de succession et donations

Outre les augmentations de l'impôt sur le revenu de plusieurs points pour les revenus supérieurs à 130.000 euros, il est actuellement question de "l'homogénéisation" -doux euphémisme pour parler de l’augmentation- des droits de succession et des donations entre les différentes Communautés autonomes. 

C'est pourquoi l'Organisation de Consommateurs OCU a conseillé il y a quelques jours d'évaluer plus que jamais la possibilité cette année de donner de son vivant des biens immobiliers aux descendants, afin de réduire autant que possible l'impôt à payer lors de l'héritage de biens immobiliers.

En ce qui concerne l’impôt sur le patrimoine, le gouvernement envisage aussi d'unifier cet impôt sur la fortune -soit en établissant des taux moyens, soit des taux minimaux-, ce qui signifierait déclencher cet impôt dans la Communauté de Madrid, qui est la seule région espagnole à le subventionner à 100%, ainsi que dans d'autres régions à faible fiscalité. En ce qui concerne les communautés autonomes qui ont cet impôt sur la fortune, elles avaient à peine collecté 1,1 milliard d'euros en 2017.

Il est donc probable que pour atteindre le Graal des 64 milliards d'euros, le gouvernement espagnol devra mettre la main dans la poche des classes moyennes, et pas seulement celles des plus riches, puisqu’en Espagne, ce sont les classes moyennes qui maintiennent l'impôt sur le revenu -et non les contribuables qui gagnent plus de 130.000 euros, qui en revanche sont très peu nombreux. Un casse-tête pour le gouvernement, sans-doute, mais encore plus pour les contribuables pour qui le jour de la libération fiscale risque de s’éloigner encore un peu plus.