Javier Tafur (ESCP): "Madrid est devenu un hub de l'éducation supérieure en Europe"

Qui l'eut cru ? Arrivée en Espagne à la fin des années 80, l'ESCP, la toute première école de commerce au monde, avait pour objectif, avec ce développement en terres ibères, la création d'un campus à caractère essentiellement "in-bound", destiné à l'accueil des étudiants du réseau effectuant un semestre hors de France. Et c'est pendant longtemps ce qu'a représenté la structure madrilène, avec un peu moins de 200 élèves qui chaque année, venaient enrichir leur Master ou leur parcours en programme exécutif, d'une expérience espagnole. "C'est avec le lancement du Bachelor en 2016, en accord avec les exigences du processus de Bologne, que notre campus a progressivement pris de l'ampleur", se rappelle Javier Tafur. Voilà bientôt 10 ans que ce Madrilène aux origines très celtes, mi-galiciennes, mi-irlandaises, amoureux de Saint Jean de Luz et du Béarn, ex professeur affilié d'ESCP Paris, consultant en stratégie et gestion d'organisation des entreprises, est à la direction générale de l'école de Madrid. Celui qui défend de façon ferme la diversité d'une "Europe qui est bien plus que l'english only", a donc participé de façon particulièrement active à la véritable explosion du campus sis dans la capitale espagnole : une croissance de 1000% du chiffre d'affaires et de 600% du nombre d'élèves, qui représente désormais près de 1300 étudiants accueillis chaque année ! "C'est une croissance brutale", reconnaît le doyen, "qui a été poussée par l'élargissement de notre offre éducative, mais aussi par le fait que Madrid est devenu un véritable hub de l'éducation supérieure en Europe".

Regrouper les installations de l'ESCP Madrid sur un seul campus

De fait, la ville de l'ours et de l'arbousier dispose d'un certain nombre d'attraits, qui en font un point de chute idéal pour les étudiant en quête d'un parcours international sur le Vieux continent : "C'est un pont avec les Amériques et le Maghreb", avance Javier Tafur, "mais aussi une ville qui bénéficie de bonnes infrastructures et d'un grand nombre d'interconnexions", énumère-t-il encore, "c'est surtout une ville qui jouit d'un grand niveau de sécurité, accueillante, agréable, très humaine, et le tout avec un coût de la vie particulièrement raisonnable". Bref, une destination phare, qui a fait du campus de l'ESCP Madrid le second plus grand campus de l'école, "devant Londres et Berlin". Première nationalité recensée dans les installations madrilènes : les Italiens, suivi de nos compatriotes français, des Allemands et, en 4e position, des... Indiens ! "La Communauté de Madrid a elle aussi observé une forte présence de la communauté indienne dans la fréquentation estudiantine de la capitale", relève Javier Tafur, "il semblerait que cela soit en partie dû à un effet Bollywood et en partie à des variables culturelles". Toujours est-il que les chiffres sont là, même si l'internationalisation du campus passe aussi par une forte hausse des publics en provenance des Amériques : "Nous avons multiplié par 35 le nombre d'élèves hispanophones", révèle ainsi le doyen. Conséquence de ce développement, l'école recrute sans cesse de nouveaux professeurs ("des six derniers à avoir intégré le staff, aucun n'est Espagnol") et... agrandit ses installations. Ainsi, en septembre 2022 a été ouvert le campus de Maria de Molina, dans le centre. Il vient compléter la présence de l'ESCP déjà effective avec deux campus à proximité de la M-30. "Notre objectif est de regrouper toutes nos installations sur un seul campus, à l'horizon 2030", affirme le Galicien. Pas facile, car la concurrence est devenue rude et l'attractivité de la capitale a tendu le marché immobilier, notamment entre structure éducatives, pour la réalisation de projets de cette envergure.

L'intelligence artificielle est une priorité

En attendant de concrétiser le regroupement de ses installations, l'ESCP Madrid travaillera en 2024 en accord avec les grands axes définis par le groupe, résumés par l'acronyme LIGHTS, en partie transposable dans la langue de Molière : Leadership, Innovation et digitalisation, Géopolitique, Think tank, Humanisme, Technologie et, en avant pour un anglicisme que tout le monde comprendra, Sustainibility. Javier Tafur n'est pas avare en commentaires sur chacun des axes de développement, ajoutant volontiers des nuances propres aux spécificités madrilènes en la matière : "L'intelligence artificielle est une priorité", évoque-t-il ainsi à propos du 5e point, la Technologie, "nous incorporons à Madrid 4 professeurs qui en ont fait leur champ d'investigation privilégié" ; "Madrid est pionnier dans le réseau en matière de digitalisation, avec notre premier Master en ligne créé dès 2014", soulève-t-il concernant le 2e point, "et notre expertise en la matière nous a permis de passer en souplesse la crise du Covid" ; "Les valeurs européennes sont au centre du projet de l'ESCP", rebondit-il à propos du 4e axe, l'Humanisme, "et la diversité est un trésor européen que l'on ne doit pas laisser se perdre". "De fait", continue le doyen, "l'internationalisation fait partie de l'ADN de l'ESCP dès sa création au début du 19e siècle : en 1824 notre école accueillait déjà un tiers de ses élèves en provenance de l'étranger". 

Un établissement d'enseignement supérieur consulaire

Internationale avant l'heure et innovante depuis plus de 200 ans, l'ESCP est sans nul doute un météore dans le monde des écoles de commerce, avec des statuts très spécifiques (Établissement d'enseignement supérieur consulaire à but non lucratif), qui font de ses missions une priorité -sur la rentabilité notamment. La proximité avec l'entreprise familiale est aussi au cœur du projet et la formation des professionnels constitue une troncale essentielle, avec par exemple 400 élèves enregistrés tous les ans en "Executive education", à Madrid. Un parcours d'excellence qui se retrouve à l'aulne des classements internationaux, à l'instar de celui publié par le Financial Times, qui positionne depuis plus de 20 ans l'ESCP parmi les 10 meilleures écoles européennes de commerce, et dont le principal critère est la trajectoire professionnelle des alumni (et notamment leur évolution salariale, leur progression hiérarchique et l'internationalisation de leur carrière). L'école décroche notamment en décembre 2023 la 3e place du podium pour l'EMBA, la 1ère pour le Master de finance, la 4e pour le MIM... Au global, l'ESCP Business School apparaît en 4e position du classement des écoles de commerce européennes. "L'enjeu est évidemment de se maintenir toutes ces années au plus haut des critères de qualité", décrypte Javier Tafur, "et la constance de nos résultats est le fruit de la solidité de notre modèle éducatif".