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Les jeunes en Espagne retardent leur émancipation jusqu'à l'âge de 30 ans

"On s'émancipe quand on cesse d'être jeune" conclut le Conseil espagnol de la jeunesse dans son dernier baromètre de 2022. Le taux d'émancipation des jeunes est de 15,9%, soit la moitié de celui de l'Union européenne, 31,9%.

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Susanne Edele - Pixabay
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 21 septembre 2023, mis à jour le 21 septembre 2023

Les données de l'Observatoire de l'émancipation situent l'âge moyen d'émancipation à 30,3 ans, un record depuis qu'existe le baromètre créé il y a 20 ans par le Conseil de la jeunesse. Et il n'est pas ici question des "ninis" (ni estudia ni trabaja), ces jeunes qui n'étudient pas ni ne travaillent. Il s'agit en grande partie de jeunes adultes qui ne peuvent quitter le cocon familial puisque, s'ils franchissaient le pas, ils devraient utiliser plus de 80% de leurs revenus pour payer le loyer d'un logement s'ils veulent vivre seuls.

Il n'est pas ici question des "ninis" (ni estudia ni trabaja), ces jeunes qui n'étudient pas ni ne travaillent

Même avec un emploi, difficile de s'émanciper

Le rapport du Conseil de la jeunesse, basé sur les chiffres de l'Institut national de la statistique (INE), du Service public de l'emploi de l'État (SEPE), de la Banque d'Espagne et d'Eurostat, souligne également que le fait d'avoir fait des études supérieures et même d'avoir un emploi ne suffit pas pour accéder à un logement, qu'il s'agisse d'un achat ou d'une location.

 

Affiche du conseil general de la jeunesse en Espagne pour denoncer la situation
Affiche du conseil general de la jeunesse en Espagne pour denoncer la situation/CSJ

 

"L'âge de l'émancipation est passé à 30 ans, le chiffre le plus élevé depuis que l'observatoire a publié ce rapport il y a 20 ans - a expliqué la présidente du Conseil espagnol de la jeunesse, lors de la présentation de l'étude. Nous avons dépassé le chiffre qui définit la jeunesse; en Espagne devenir indépendant est pratiquement une chimère".

Le fait d'avoir fait des études supérieures et même d'avoir un emploi ne suffit pas pour accéder à un logement

Les conclusions du rapport sont sans appel: "La situation des jeunes reste très grave. Même en travaillant ou en terminant des études supérieures, un jeune n'est pas assuré d'avoir un logement ou de ne plus être exposé au risque de pauvreté. De plus, malgré la réforme du travail, l'emploi des jeunes reste confronté à d'importants problèmes d'emploi temporaire (désormais sous forme de contrats à durée déterminée), de chômage non désiré, de sous-emploi et de surqualification. Enfin, les aides telles que le Bono Alquiler ne touchent qu'une petite partie de la population jeune, qui doit en outre être émancipée, ce qui, avec l'augmentation des prix des loyers, de la vente et de l'achat de logements, fait que les jeunes se trouvent de plus en plus dans l'impossibilité de quitter le domicile familial avant l'âge de 30 ans".

En Espagne, il est plus courant de s'émanciper une fois que l'on n'est plus jeune

Et ainsi, en Espagne, le pourcentage de jeunes vivant hors du foyer familial est de 15,9% de l'ensemble de la population jeune, soit moins de la moitié de la moyenne de l'Union européenne, qui est de 31,9%, selon les statistiques d'Eurostat. En fait, l'âge moyen estimé de l'émancipation est fixé à 30,3 ans, de sorte qu'il est plus courant de s'émanciper une fois que l'on n'est plus jeune, selon Eurostat.

Après le loyer, 40 euros par mois pour vivre

L'emploi ne suffit en effet pas pour accéder à un logement, qu'il soit acheté ou loué. Si le salaire moyen d'un jeune a augmenté de 4,6% pour atteindre 13.079 euros nets par an (soit 1.089 euros nets par mois), le prix du loyer a augmenté de 7,55% (prix moyen de 912 euros).

 

Evolution de l'age d'emancipation des jeunes dans les pays de l'UE 2013-2022
Evolution de l'âge d'émancipation des jeunes dans les pays de l'UE 2013-2022/Eurostat

 

Ainsi, pour payer seul un loyer, un jeune travailleur devrait dépenser 83,7% de son salaire, auquel il faudrait ajouter 141 euros en moyenne pour les fournitures et services du logement (tels que l'eau, l'électricité, le gaz, etc.), qui absorberaient son salaire (96,6 % de son salaire) et laisseraient à peine 40 euros pour l'alimentation, les vêtements et les loisirs. "C'est tout à fait inabordable", conclut le Conseil de la jeunesse, qui attribue cette situation au manque d'action politique et à la forte spéculation sur le marché du logement.

Des diplômes qui ne servent à rien

L'enseignement supérieur n'est pas non plus une garantie d'émancipation. Seuls 22,9% des jeunes ayant suivi une formation universitaire ou professionnelle supérieure ont pu s'émanciper. De plus, pour ceux qui n'ont pas poursuivi leurs études, le taux d'émancipation est similaire entre ceux qui ont fait des études supérieures et ceux qui n'en ont pas fait. Le rapport montre également que deux jeunes sur cinq ayant fait des études supérieures avaient un emploi qui nécessitait moins d'études que le leur.

La colocation devient la seule solution

La forte hausse des prix des loyers ces dernières années et des logements compliquent l'émancipation des jeunes adultes. La seule solution pour ceux qui veulent quitter le foyer familial est la colocation (une chambre coûte en moyenne 350 euros). Le dernier rapport d'idealista signale d'ailleurs que l'âge moyen des personnes qui partagent un appartement en Espagne a augmenté d'un an pour atteindre 34 ans.