Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 2
  • 0

Quels sont les enjeux des prochaines élections basques du 21 avril?

Les élections au Pays Basque pourraient-elles faire trembler le fragile équilibre politique espagnol? Ce scrutin est d'autant plus passionnant que Pedro Sanchez a besoin du soutien d'EH Bildu et PNV, les deux adversaires qui se disputent pour la 1e fois la Lehendakaritza (le siège de la présidence du Pays Basque).

Palais Ajuria Enea, résidence du Lehendakari (président du Pays basque)Palais Ajuria Enea, résidence du Lehendakari (président du Pays basque)
Palais Ajuria Enea, résidence du Lehendakari (président du Pays basque), à Vitoria/CC
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 6 avril 2024, mis à jour le 8 avril 2024

La campagne pour les élections basques les plus serrées de l'histoire vient de commencer. Les enjeux de ce rendez-vous avec les urnes sont en effet multiples. Tout d'abord, de nouveaux visages apparaissent, avec les candidatures de Pello Otxandiano, de Bildu (Arnaldo Otegi ayant renoncé à se présenter), et d'Imanol Pradales, du PNV, deux candidats inconnus du grand public

 

Pello_Otxandiano
Pello_Otxandiano-EH Bildu/CC BY-SA 4.0

 

Les partis nationalistes PNV-Bildu, ex-aequo

L'autre grande inconnue est le résultat des courses. Les sondages montrent un scénario serré entre le Parti Nationaliste Basque PNV et le parti d’extrême gauche radicale EH Bildu, qui pourraient être pour la première fois à égalité en termes de sièges. Le PNV resterait le parti le plus voté, avec environ 34% des voix, et obtiendrait entre 26 et 28 sièges. Mais il reculerait par rapport aux 39,1% des bulletins de vote et aux 31 sièges parlementaires qu'il avait obtenus lors des élections régionales précédentes en 2020.

Cette démarche aurait des répercussions immédiates au niveau national: le PNV pourrait se venger et faire tomber le gouvernement de Sánchez

Surtout, on assiste à une véritable montée en puissance d'EH Bildu, qui profiterait des divisions entre Sumar et Podemos. Le parti abertzale connaîtrait ainsi une augmentation de sept sièges, passant des 21 obtenus lors des dernières élections aux 28 qu'il pourrait récolter lors de celles-ci.

 

Arnaldo Otegi
L'ancien membre de l'ETA, Arnaldo Otegi, et actuel leader d'EH Bildu /CC BY 2-0

 

Autrement dit, les deux frères ennemis PNV et EH Bildu arriveraient ex-aequo, du jamais vu, compte tenu du fait que PNV a remporté presque toutes les élections basques depuis 1980! Selon les estimations les plus basses, le PNV et Bildu pourraient totaliser 56 des 75 députés basques, soit près de 75% du nombre total de sièges du Parlement basque.

 

L'exode de milliers de Basques à cause du terrorisme. D'après le Forum Ermua, association civique espagnole née après l'assassinat en 1997 du conseiller municipal d'Ermua Miguel Angel Blanco par l'ETA, plus de 200.000 Basques ont dû quitter le Pays Basque au cours des trois dernières décennies, à cause des menaces de l'ETA ou "étouffés par la situation d'absence de liberté et d'impunité juridique et morale provoquée par le nationalisme au pouvoir". Selon l'association, cette "diaspora basque" a provoqué une altération des listes électorales qui a introduit dans le corps électoral un biais "favorable aux thèses nationalistes" et a modifié les résultats des élections organisées ces dernières années dans la communauté.

Vers un "procés "à la catalane

Le leader d'EH Bildu, Arnaldo Otegui, n'entend donc pas laisser passer cette "opportunité pour un triomphe historique". Otegui défend la nécessité d'accords entre indépendantistes pour gouverner le Pays Basque, loin du clivage gauche-droite. EH Bildu revendique ouvertement l'indépendance du Pays Basque tandis que le PNV assure que le Pays Basque veut être "une nation européenne prospère et reconnue", et non "une banlieue inconnue".

 

Imanol Pradales
Imanol Pradales, le nouveau candidat du PNVI/CC BY-SA 2.5

 

Bildu s'oriente ainsi dans une direction similaire à celle qui a conduit à la naissance du "procés" en Catalogne, lorsque le vecteur gauche-droite a été remplacé par une unité identitaire du mouvement indépendantiste, incarnée par les Junts pel Sí d'Artur Mas et Oriol Junqueras. Pas sûr que le PNV accepte une telle alliance qui serait mal vue par ses électeurs.

Quel parti le PSOE soutiendra-t-il?

Un autre scénario serait que le parti radical EH Bildu serait prêt à se rapprocher du Parti socialiste basque (PSE) pour former un gouvernement sans le Parti PNV. Après tout, Bildu soutient avec les votes de ses députés au Congrès le gouvernement de Pedro Sanchez. En outre, le PSOE a cédé en décembre dernier la mairie de Pampelune à Bildu. Mais les socialistes ne peuvent se permettre de faire du candidat du parti de Bildu le nouveau lehendakari (président de la région du Pays Basque) et, du coup, se mettre à dos le PNV. Cette démarche aurait des répercussions immédiates au niveau national, autrement dit à la chambre des députés: le PNV pourrait se venger et faire tomber le gouvernement de Sánchez.

 

pedro sanchez et Andoni ortuza
Le seul pacte d'investiture que Pedro Sánchez a signé en personne a été avec le leader du PNV, Andoni Ortuzar

 

Le soutien indéfectible du PSOE au PNV

Le PSOE a traditionnellement soutenu le PNV au Pays Basque. D'ailleurs, depuis l'arrivée de Pedro Sánchez à la Moncloa, les relations avec le PNV ont été une priorité, comme en témoigne le fait qu'après les élections générales de juillet 2023, le seul pacte d'investiture que Pedro Sánchez ait signé en personne (en dehors de l'accord de coalition avec Sumar, bien sûr) a été précisément avec ce parti et en compagnie de son leader Andoni Ortuzar. Avec ERC, en revanche, le pacte d'investiture a été signé par le ministre Félix Bolaños; avec Junts, Santos Cerdán, secrétaire à l'organisation du PSOE ; avec le parti galicien BNG, la première vice-présidente, María Jesús Montero, etc. Quant à Bildu, il n'y a pas eu de signature publique et personne ne connait la nature du pacte. Les prochaines négociations pour l'investiture du prochain Lehendakari risquent d'être longues!