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SERGE BETSEN - Le plus anglais des rugbymen français

Écrit par Lepetitjournal Londres
Publié le 21 avril 2016, mis à jour le 25 avril 2016

 

Serge Betsen a posé ses valises à Londres fin 2008 pour rejoindre le club londonien des Wasps. Comme beaucoup d'expatriés, il pensait rester sur le sol anglais pendant trois ans. Mais aujourd'hui il est toujours là. Passionné du ballon ovale, il revient sur sa carrière, notamment d'international où il a souvent affronté le XV de la Rose, et sur son intégration outre-Manche. 

Né au Cameroun en 1974, Serge Betsen arrive en France avec sa famille à l'âge de 9 ans, à Clichy, au nord de Paris. Comme tous les garçons (ou presque), il passe ses récréations à taper dans un ballon? rond. A 12 ans, un copain d'école lui demande s'il a envie de jouer au rugby. Curieux, il accepte et le voilà parti le mercredi suivant en direction du stade Georges Racine, théâtre de ses premiers exploits. « Signe du destin, j'étais à l'heure pour une fois, plaisante-t-il, et me voilà avec un ballon ovale dans les mains, en train de découvrir un sport dont je ne connaissais même pas les règles. » 

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Il trouve alors une seconde famille, des éducateurs à l'écoute, qui l'accueillent à bras ouverts, sans même le connaître, et qui lui inculquent des valeurs dont il est aujourd'hui, à son tour, le fervent défenseur : solidarité, générosité, don de soi, respect, esprit d'équipe? Il découvre aussi le plaquage et c'est? une fille qui lui apprend cette technique si importante pour un rugbyman qui doit savoir défendre comme attaquer. Ce geste deviendra l'ADN de Serge Betsen, appelé « la faucheuse » ou « le sécateur » grâce à ses plaquages à un bras par jambe. Redouté par tous ses adversaires, il sera déclaré le meilleur plaqueur du monde par beaucoup de spécialistes. Les Anglais le surnommeront même « l'équarrisseur biarrot », cela veut tout dire !

Une irrésistible ascension 

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Serge Betsen fait ainsi ses premières armes dans le club de Clichy qui fusionne lorsqu'il a 16 ans avec celui de Neuilly (dans sa catégorie d'âge) : la rencontre de deux mondes, de deux « banlieues », rendue possible grâce au sport. Cette expérience et cette saison constituent un tremplin pour le jeune joueur. Il est accepté en sport-études à Bayonne et signe sa première licence à Biarritz à 17 ans. C'est l'année où le club voit le Bouclier de Brennus lui échapper en finale, un match frustrant qui est aussi le dernier de Serge Blanco sous le maillot biarrot (SB : tiens, les mêmes initiales? un Serge succédant à l'autre).

Se sent-il déraciné ? Oui et non, car les dirigeants bénévoles de Clichy étaient en majorité originaires du sud ou du Pays basque et les victoires s'accompagnaient toujours de chants basques. Une chose est sûre, il lui faut vite choisir entre la plage ou les pelouses : « Pour vivre ma passion et espérer réaliser mes rêves, j'ai tout de suite adopté une rigueur et une discipline de fer » confie-t-il. « Je ne me suis pas privé de faire la fête, mais sans alcool, car je ne bois pas. L'accueil des Basques a été formidable et je suis resté au club jusqu'en 2008, remportant trois titres de champion de France et une coupe de France. J'ai grandi dans la passion de mon sport dans cette région, je serai éternellement lié à ce territoire et à ce club, parce que je leur dois tout ».

 

En 2008, direction l'Angleterre 

Après 63 matchs en équipe de France et une deuxième demi-finale de coupe du monde perdue face à l'Angleterre en 2007, Serge Betsen prend sa retraite internationale. Mais désireux de vivre un nouveau challenge, il part s'installer à Londres avec sa femme et ses deux premiers enfants (le troisième naîtra dans

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la capitale britannique). « Un athlète de haut niveau aime tirer les enseignements d'une défaite, c'est peut-être un peu pour cela que j'ai tenu à franchir la Manche, histoire de voir ce que les Anglais avaient dans le ventre et d'analyser leur culture de la gagne. » Il signe donc à Londres après avoir failli atterrir à Bristol. C'est son camarade d'équipe de France, Raphaël Ibanez, qui le convainc de revêtir les couleurs noir et jaune des London Wasps. Il y évolue trois saisons dans son poste de prédilection, troisième ligne aile, et remplace alors le célèbre jeune retraité Lawrence Dallaglio (85 sélections au compteur en équipe d'Angleterre). « Je suis arrivé avec une certaine appréhension, mon anglais était mauvais et des amis évoluant à Biarritz - Maurice Fitzgerald et Richard Pool-Jones ? me racontaient combien j'étais à la fois aimé et détesté dans ce pays. A l'arrivée, j'ai reçu beaucoup de marques de confiance et de respect. Mon bagage d'international, mes performances sur le terrain et le soutien de Raphaël Ibanez qui évoluait alors dans le club, m'ont permis de m'intégrer et de m'adapter rapidement. Les Anglo-Saxons ont cette qualité de faire en sorte que la mayonnaise prenne vite, avec un objectif de rentabilité et d'efficacité dans le travail. Cette expérience m'a énormément enrichi et m'a permis de mettre un terme à ma carrière avec beaucoup de sérénité, tout en me projetant vers l'avenir et d'autres challenges ».

Mémorables « France-Angleterre » 

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Serge Betsen a été sélectionné en équipe de France pour la première fois face à l'Italie en 1997. Après trois années de disette sous le maillot bleu, il est rappelé par Bernard Laporte en 2000 et il vit un cauchemar face à l'Angleterre dans le Tournoi des 6 Nations. Il se souvient : « J'avais tellement envie de montrer que j'étais l'homme de la situation que je suis rentré sur la pelouse dans un état second. J'avais envie de plaquer, de tout déchirer, je n'entendais plus rien, même pas l'arbitre? Résultat, au bout de deux minutes de jeu, j'ai pris un carton jaune et l'Equipe de France a perdu. Bernard Laporte a dit des mots assez durs à mon égard, et cette expérience m'a montré que je ne connaissais pas suffisamment le haut niveau. Les erreurs font progresser, encore faut-il en prendre conscience. Mon challenge a été de prouver au coach qu'il pouvait à nouveau me faire confiance. Heureusement, il y a eu ensuite des instants plus heureux. Comme en 2002 où nous avons gagné le premier grand chelem du Tournoi des 6 Nations. Ou en 2005 lorsque nous avons battu les Anglais, à Twickenham, d'un tout petit point (18 - 17). Ce qui est bien chez eux, c'est qu'ils savent reconnaître quand ils n'ont pas été bons ou que l'autre équipe a été meilleure. Ils respectent l'adversaire quel que soit le contexte. Ils ont un esprit combattant, ils ne lâchent jamais rien et se donnent les moyens d'atteindre leurs objectifs. Ils sont toujours dans l'extrême. Les victoires sont très arrosées, mais la fête commence tôt et à minuit, tout le monde est couché. Le lendemain à 9h, personne ne manque à l'appel sur le terrain d'entraînement. En France, si l'équipe se couche à 4h du matin, la journée de travail qui suit est perdue, c'est sûr ! Il y a une logique et une explication à la réussite des Anglais. » 

Une reconversion réussie 

La famille Betsen vit aujourd'hui à Londres. La femme de Serge enseigne le sport au Lycée Français Charles de Gaulle. L'ancien joueur n'a rien perdu de son mordant et sa reconversion dans le monde des affaires s'est faite sans encombre. Il développe ainsi de nombreux projets (coaching en entreprise, école et stages de rugby, plateforme de financement participatif) et est très investi dans le domaine associatif. Des activités que nous vous dévoilerons la semaine prochaine dans un portrait d'entrepreneur complet.  

 

Laurent Colin (www.lepetitjournal.com/londres), le 21 avril 2016

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Publié le 21 avril 2016, mis à jour le 25 avril 2016