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PIERRE DEBOURDEAU - L´investissement français au Portugal : une présence et une force économique qui comptent

Écrit par Lepetitjournal Lisbonne
Publié le 30 mars 2014, mis à jour le 11 avril 2014

Pierre Debourdeau, homme d´affaires qui dirige la société de conseil Eurogroup  et qui est président de la section Portugal des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) revient, pour les lecteurs du Lepetitjournal/Lisbonne, sur la conférence économique annuelle dont il est à l´initiative. Il a, en effet, en 2012 préconisé la mise en place, à Lisbonne, d´un grand événement économique  autour de la présence économique française au Portugal, en partenariat avec l´ambassade de France auquel il a associé la Chambre de commerce et d´industrie luso-française et Ubifrance.

La première édition a eu lieu en novembre 2012 sur le thème de "L'investissement français au Portugal, une plateforme pour aller plus loin" et a réuni près de 120 participants. La deuxième édition, en novembre 2013, a vu doubler le nombre de participants autour de la problématique : "Innovation, facteur de Compétitivité - le cas des entreprises françaises". Des dirigeants politiques au plus haut niveau y étaient présents, et notamment le Premier ministre portugais qui a d´ores et déjà, confirmé sa venue lors de la troisième édition qui se tiendra en novembre 2014.

Nous avons été à la rencontre du décideur économique, Pierre Debourdeau,  afin de faire un point sur cet événement qui, dorénavant, marque le paysage économique français au Portugal.

Lepetitjournal.com : Quel bilan faites-vous de ces deux conférences annuelles autour de la présence économique française au Portugal ?
Pierre Debourdeau : Le bilan est franchement positif. Notre objectif étant toujours le même : la France est le deuxième partenaire économique du Portugal, au niveau des implantations d´entreprises, et il s´agit donc d´arriver à avoir une visibilité en adéquation avec cette réalité. Il est fondamental que le gouvernement et la société portugaise en général, connaissent le poids des entreprises françaises dans le pays, dans une perspective de gagnant-gagnant. Toutes les parties, en effet, y trouvent un bénéfice. Nous cherchons à travers cette conférence économique annuelle à animer la communauté d´affaires française et à la projeter pour lui permettre d´être reconnue en fonction du poids qu´elle représente : la deuxième présence économique dans le pays. C´est à dire 750 entreprises, ce qui signifie  que  pratiquement 5% des exportations du pays sont faites par des entreprises françaises et c´est considérable. Le premier événement s´est bien passé et lors du deuxième, nous avons eu la chance d´avoir la présence du Premier ministre portugais qui non seulement est venu mais est resté, il a déjeuné en compagnie des dirigeants d´entreprises puis il s´est adressé à ces derniers pendant près d´une heure un quart. Et, je peux en avant-première vous faire savoir qu´il participera à la troisième édition en novembre 2014 ! Nous avons eu près de 200 décideurs en novembre dernier et nous voulons arriver à 250 cette année. Quant au thème, nous y réfléchissons avec soin car nous voulons être au plus près des besoins de notre communauté d´affaires.  

Vous êtes très au fait de la réalité économique internationale et particulièrement franco-portugaise comme président des CCEF au Portugal. Est-ce-que vous recevez directement dans votre section, des demandes d´entreprises françaises voulant s´installer dans le pays ?
Oui, tout à fait. Je peux vous donner un exemple. Un collègue CCEF de la région Midi Pyrénées m´a contacté, il y a environ un an, en me disant qu´il avait une entreprise dans l´équipement automobile électronique avec trois usines dans le monde, quelques milliers de personnes et qu´il envisageait de considérer le Portugal comme terre d´accueil pour une nouvelle usine. Nous l´avons aidé pour les contacts, les partenaires. Le contrat est presque signé. Nous sommes dans le cas typique d'un investissement important parce que l´on parle de plusieurs centaines d´emplois à terme, et d´ores et déjà d´un chiffre significatif pour la première phase. C´est bon pour une entreprise française de pouvoir avoir une unité qui se rapproche d´un de ses clients, puis c´est bon pour le Portugal d´accueillir cet investissement et c´est tout simplement positif pour l´ensemble de la communauté d´affaires française.

Le gouvernement portugais a publié le 3 août 2012 une circulaire visant à favoriser la fiscalité des retraités qui s´installent au Portugal. Avez-vous des  informations concernant la présence de cette population française ici ?
J´ai le sentiment qu´il y a effectivement une arrivée importante de retraités français -et  d´autres nationalités-, on a différent indicateurs mais une fois de plus, je vais vous citer un exemple. Un collègue banquier français s´est récemment étonné du fait  de voir sa part de marché dans la banque portugaise augmenté. Il ouvre actuellement près de 20 comptes par mois de Français, en relation avec le Portugal. Un autre indice, nous sommes contactés à travers l´annuaire des CCEF et j´ai ainsi rencontré une dizaine de personnes désireuses de s´installer au Portugal. Des notaires nous ont aussi contactés pour nous envoyer deux ou trois cas.

La situation de l´économie portugaise est difficile, en particulier, depuis l´arrivée de la Troïka en avril 2011. Comment voyez-vous les prochaines années pour le pays ?
Si je devais utiliser une métaphore, je prendrais l'image de la deuxième guerre mondiale. La France avait été envahie, la Pologne aussi, c´était un moment terrible mais quand Churchill gagne sa première bataille face à Hitler, il déclare que ce n´est pas le début de la fin mais c´est la fin du début. En fait, rien n´était encore réglé sur le fond mais il était clair qu´avec le temps, l´Allemagne ne gagnerait pas la guerre. Je pense que le pic de la crise s´est concentrée en 2011 et que même si le Portugal a commis des erreurs dans la gestion de cette crise ?mais nous en commettons tous- il a su montrer beaucoup de détermination dans la conduite du plan d´ajustement de son économie. Puis, il y a un ensemble d´indicateurs qui se sont améliorés et il faut en parler : la baisse du chômage, et en 2014 le Portugal sera capable de payer ses dépenses -hors service de la dette-, il va être excédentaire, ce qui n´est pas le cas de tous les pays de l´Europe. Le pays a fait des efforts visant à réduire sa dépense publique et à augmenter la compétitivité de son économie. Il a revu la législation en rapport avec le travail et même si personne n´aime cela, il a supprimé des jours fériés et de vacances. C´est l´ensemble de ces mesures qui montre qu´il y aujourd'hui une amélioration concrète de l´activité économique. Actuellement, il y a un consensus de la part des acteurs économiques pour dire que la croissance en 2014 se situera entre 0,5% et 0,8%, peut-être 1%. Ce moment ou le PIB baissait de façon spectaculaire et ou le chômage augmentait est passé. Mais, il ne faut pas penser que tout est terminé, c´est la fin du début ! Le pays continue, cependant, à avoir une marge importante d´amélioration de sa compétitivité. Il y a encore un secteur public surdimensionné. Si le gouvernement continue sur le chemin qu´il a entamé, je n´ai aucun doute sur les améliorations réelles à 5 ans. Nous aurons un Portugal beaucoup plus fort.

Alors, si vous deviez résumer les défis qui se posent au pays, quels seraient-ils ?
Il y a selon moi, deux grands défis pour le Portugal à l´heure actuelle. Il faudrait restructurer mieux et plus en profondeur le secteur public. Si vous comparez le nombre de fonctionnaires pour 1.000 habitants entre le Portugal et l´Allemagne, il y a plus de fonctionnaires ici et le service n´est pas meilleur. De plus, nous vivons un moment vertueux avec un retour à la croissance, et ces personnes retrouveraient du travail dans le privé. Il faudrait un accompagnement bien sûr comme on a fait au Canada, en Suède et même en Australie. C´est vrai que l´on y a aussi baissé le coût du travail et cela permet plus facilement de reconvertir les gens dans l´économie réelle. Puis, il y a un autre défi, celui de la compétitivité. Je pense qu´il y a encore un champ d´amélioration en ce qui concerne le droit du travail. Il y a sans doute à utiliser la négociation pour parvenir à des accords dans ce domaine.

Il y aura en mai prochain des élections européennes qui préoccupe les politiques à cause d´un possible taux d´abstention important? quelle est votre vision de la gouvernance européenne ?
Il  y a des choses qui me frappent dans cette gouvernance européenne -et je parle simplement en tant que consultant en management-, je crois que la majorité des problèmes de l'Europe vient d'une gouvernance trop complexe, personne n'y comprend rien. Ce que je veux dire c´est que l´on a des outils pour gouverner l'Europe qui sont ceux, schématiquement parlant, de l'Europe à 15 alors que l'Europe c'est  aujourd´hui 28 pays, donc le premier grand chantier de l'Europe c'est d´améliorer sa gouvernance. Simplifier et rendre la machine efficace. Surtout qu´elle soit lisible pour les citoyens.
Et puis la deuxième chose, c'est que l'Europe a trop perdu son caractère fédéraliste.
Il y a des institutions fédérales, l´Euro est un outil financier fédéral mais il n´est pas géré. Les Etats ont encore beaucoup de poids dans cette Europe fédérale. Donc, la gouvernance et l´approfondissement du modèle européen vers plus de fédéralisme car aujourd´hui nous n´avons pas d´autres solutions, me paraissent être deux points majeurs.

Custódia Domingues (www.lepetitjournal.com/lisbonne) lundi 31 mars 2014

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Publié le 30 mars 2014, mis à jour le 11 avril 2014

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