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FOOTBALL - Le "qora" au coeur

Écrit par Lepetitjournal Le Caire
Publié le 6 septembre 2015, mis à jour le 6 septembre 2015

Alors que l'équipe nationale d'Egypte retrouve le chemin des terrains à l'occasion des qualifications pour la Coupe d'Afrique des Nations 2017 et un match face au Tchad à N'Djaména, lepetitjournal.com Le Caire a voulu s'attarder un moment sur la relation incroyable qu'entretiennent les Egyptiens avec le « qora ».

 

La rivalité entre deux géants

Bien qu'elles ne soient pas les seules équipes cairotes en première division, le football égyptien est traditionnellement l'affaire d'un affrontement entre deux clubs : Al-Ahly et Zamalek. La rivalité entre les Diables Rouges d'Al-Ahly et les Chevaliers Blancs de Zamalek déchire les cairotes au moins autant qu'elle rassemble chaque camp devant la télévision, dans les cafés ou chez eux.

A l'image d'un Paris-Marseille, d'un Real Madrid-FC Barcelone, ou bien sûr d'un derby romain ou milanais, les rencontres directes entre Zamalek et Al-Ahly sont des dates bien encadrées dans les calendriers des supporters rouges ou blancs.

Cette rivalité au coeur d'une ville de plus de 20 millions d'habitants, et au coeur d'un des plus grands centres économiques d'Afrique a naturellement conduit à créer deux géants footballistiques, formant ou attirant les meilleurs joueurs et trustant les titres nationaux d'une part (37 championnats pour Al-Ahly, 12 pour Zamalek), mais aussi au niveau continental (8 Ligue des Champions d'Afrique pour Al-Ahly, 5 pour Zamalek). Al-Ahly ayant même été élu « Club Africain du Siècle » en 2000.

Les meilleurs joueurs actuels et passés d'Egypte sont passés par l'un des deux ogres cairotes: Aboutrika, Gomaa, Hany Ramzy, Saleh Selim, Mahmoud Al-Khatib (Al-Ahly) ou Hossam Hassan, Ahmed Ramzy, Nader El Sayed (Zamalek).

 

De la ferveur à l'embrasement

Les amateurs et supporters de football - « qora » en arabe - sont non seulement nombreux mais vouent une ferveur particulière, virulente, à un sport qui replaçait régulièrement l'Egypte au sommet des grandes puissances africaines. Il faut voir l'affluence dans les cafés les soirs de match, encore plus pendant le ramadan. Débordant largement sur les terrasses voisines, celle du café qui diffuse la rencontre s'étale, s'étale, et se vide de façon extraordinaire sitôt que retentit le coup de sifflet final. L'engouement est le même sur tous les terrains de jeu, improvisés ou non, dans les écoles et les mini-stades, où chacun s'essaye à ses gestes techniques préférés. Le foot est en Egypte plus qu'un simple jeu, c'est une passion collective exprimée avec force, émotion et brassant avec elle tous les aspects de la société.

Cairotes devant un match de la Coupe du Monde de Football - (c) AFP

La crise politique depuis la chute de Moubarak en 2011 a donc affecté particulièrement le football égyptien, et ses supporters en premier lieu. Lieu de rencontre, creuset sociologique, le stade est devenu une tribune politique pour certains groupes de supporters plus ou moins politisés. Et à partir de la ferveur naturelle, il a suffi d'une étincelle dramatique pour que le football s'embrase irrémédiablement en Egypte.

 

Port-Saïd, un drame destructeur

Le 1er février 2012, Al-Masry reçoit Al-Ahly à Port-Saïd. Al-Masry réussit la performance remarquable de battre le champion en titre, 3-1. Et alors que l'arbitre allait renvoyer tout le monde aux vestiaires, des centaines de supporters de Masry descendent des gradins, envahissent le terrain et pourchassent les joueurs d'Al-Ahly, puis leurs supporters descendus eux aussi. Sur fond de tensions politiques, les ultras d'Al-Ahly étant réputés proches de Morsi et donc partisans de la révolution qui s'est tenue place Tahrir, l'affrontement devient une émeute, puis un drame humain quand à l'issue de la bataille qui s'est tenue sur le terrain, on constate 72 morts et des centaines de blessés.

Joueurs d'Al-Ahly fuyant les émeutes à Port-Saïd - (c) UPI

Les mesures drastiques qui frapperont ensuite le football égyptien - suspension du championnat, huis clos généralisé - n'apaiseront pas les tensions et 3 ans plus tard, en février 2015, alors que les autorités ont consenti à une réouverture des stades, ce sont cette fois les ultras de Zamalek qui sont victimes d'un nouveau drame à l'entrée de l'Air Force Stadium, avec 21 supporters qui décèderont suite à un mouvement de foule à l'entrée du stade, et d'affrontements avec la police.

 

La lente reconstruction

Depuis, un certain retour à la stabilité, concomitant de l'apparente stabilité politique en Egypte, permet à nouveau au football Egyptien de recommencer à croire en sa grandeur. Zamalek et Al-Ahly retrouvent le dernier carré de la Coupe d'Afrique, Zamalek a conquis son douzième titre national dans une certaine joie, et l'équipe nationale a refait son retour dans les 50 premières nations du classement mondial publié par la FIFA, bien guidée par un sélectionneur de renommée mondiale, l'argentin Hector Cuper, et les talents conjugués de Mohamed SalahMahmoud Trezéguet (son surnom en hommage à l'ancien attaquant de l'Equipe de France) ou Mohamed El-Nenny.

Mohamed Salah jouant pour l'équipe d'Egypte - (c) WikiCommons

Le football égyptien n'a en tout cas rien perdu de sa ferveur, même s'il faudra attendre probablement 2017 pour retrouver les pharaons en quête d'une nouvelle reconnaissance internationale et de leur 8ème couronne africaine. 

Quentin Boissard (www.lepetitjournal.com/le-caire) - Dimanche 6 septembre 2015

 

Publié le 6 septembre 2015, mis à jour le 6 septembre 2015

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