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BOURSE - Hong Kong et la Chine se préparent à l'année du singe de feu

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 3 février 2016, mis à jour le 3 février 2016

 

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La Chine n'est pas un univers fermé. Analyser ses marchés d'actions, obligataires ou de devises, ne peut se concevoir sans jeter un coup d'?il à la politique monétaire des États-Unis. Cet exercice est d'autant plus fondamental que les effets du relèvement des taux (de 0,25 %) de la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) en décembre 2015 sont loin d'être anodins. Il s'agit de la première hausse de taux directeur depuis 9 ans et demi, après 7 ans de régime à taux zéro. Ce changement est intervenu à contre courant des autres grandes banques centrales, qui maintiennent plutôt leurs politiques monétaires expansionnistes afin de conserver de faibles niveaux de taux (voire négatifs).

« Carry trade » massif

Favorable à une appréciation du dollar par rapport aux devises des pays en phase de baisse ou de stabilisation de leurs coûts de financement, la récente divergence américaine a changé la donne du début des années 2010. Elle a rebattu les cartes de l'immense mouvement de « carry trade » (opération spéculative sur les écarts de rendement entre différents types d'actifs, en particulier sur les devises) mondial qui s'est développé au cours des dernières années, incité par la faiblesse des taux des pays développés.

 

Analystes présentant l'indice Feng Shui de CLSA


L'ampleur de ce « carry trade » demeure difficile à chiffrer avec exactitude. Cependant, quelques données, en particulier concernant les émissions de dette libellées en dollars hors États-Unis, attirant moult acquéreurs étrangers entre 2009 et 2014, peuvent en donner une idée. Par exemple, en dix ans seulement, le crédit (les obligations et les prêts) « offshore » libellé en dollar est passé de 28 % à 55 % du PIB des États-Unis et de 11 % à 17 % du PIB mondial hors Amérique, selon les calculs de CLSA. Selon la Bank for International Settlements (BIS), la dette en dollar des emprunteurs non bancaires en Chine, en Inde, en Indonésie, en Corée, en Malaisie et dans les Philippines, a atteint, quant à elle, un total de 1 680 milliards de dollars à la fin du deuxième trimestre 2015 (les emprunteurs chinois en représentant 1 180 milliards de dollars). Les emprunts des entreprises basées hors des États-Unis ? via des émissions obligataires ou auprès des banques ? ont, quant à eux, presque doublé, de 5 600 milliards de dollars à la fin de 2008 à 9 800 milliards de dollars à la fin du deuxième trimestre 2015.

Nombre d'entreprises des pays émergents, pourtant détentrices de larges soldes de trésorerie, ont choisi délibérément d'émettre en dollars afin d'afficher un meilleur rendement, révèle un rapport de la BIS d'août 2015. Les émissions obligataires libellées en dollar, réalisées par des groupes non financiers des marchés émergents, se sont établies à 134 milliards de dollars en 2013 (à comparer à 35 milliards de dollars en 2004). Et, celles-ci ont, en général, trouvé des acheteurs très rapidement.

Le risque de la dette en dollar

Or, depuis l'anticipation par les experts financiers de la hausse des taux américains et leur remontée effective, la donne a changé radicalement. Les pays émergents ont de plus en plus de difficultés à attirer et à retenir les flux d'investissements venant de l'étranger et cette observation vaut pour tous leurs marchés financiers.

« Les flux de capitaux, l'élément vital des actions, broient du noir. Pendant les périodes de faiblesse des devises des pays émergents, les sorties des actions des pays émergents sont habituelles, mais l'épisode actuel est brutal. Certes, ce n'est pas difficile d'expliquer pourquoi l'argent quitte les fonds émergents : en général, en période d'appréciation du dollar, les liquidités retournent vers la dette et vers les actions des pays développés, » témoigne Manishi Raychaudhuri, stratégiste actions Asie Pacifique chez BNP Paribas. Les marchés financiers chinois (qu'ils soient d'actions ou de devises) ne sont pas immunes à ce phénomène, puisqu'ils sont qualifiés « d'émergents » dans les grilles d'analyse et les indices que les investisseurs prennent pour référence.

Ce phénomène pourrait-il empirer avec une future nouvelle hausse des taux américains, comme l'anticipe le consensus ? En retenant cette hypothèse, sans aucun doute. Des turbulences supplémentaires seraient à prévoir sur les marchés financiers émergents, chinois compris. A moins que, suivant le scénario privilégié par Christopher Wood, stratégiste actions de CLSA, « la Fed ne soit pas capable de normaliser sa politique monétaire et renoue avec l'assouplissement. » Selon l'expert, « la réalité est que la Fed a monté les taux tandis que les économies américaine et mondiale étaient à court d'élan. » En outre, « il y a plus de dette douteuse financée en dollar qu'il n'en faut (« onshore » et « offshore ») pour déclencher soudain des craintes concernant le crédit, avec comme catalyseur évident, le risque de son refinancement. Ceci pourrait se traduire par une flambée des « spreads » (différentiel de taux) de crédit dans un contexte d'aplatissement de la courbe de rendement. Alors, la Fed devra revoir sa politique monétaire » et réinjecter des liquidités.

Question de confiance

Le deuxième élément qui influence les marchés d'actions chinois, et en particulier celui des actions A (cotées en Chine continentale), est « la confiance, et non les fondamentaux de l'économie chinoise, » rappelle Sean Taylor, responsable des investissements de l'APAC, responsable marchés émergents de Deutsche AWM. Présentement, celle-ci n'est guère au beau fixe : nombre d'investisseurs étrangers ne comprennent pas la communication des autorités chinoises, en particulier monétaire. Certains « considèrent le Renminbi comme un indicateur d'ensemble de l'économie, » constate le responsable marchés émergents. Ils croient ainsi que la dépréciation actuelle de la devise chinoise par rapport au dollar est le signe d'un affaiblissement considérable de l'activité de l'Empire du Milieu.

En adoptant ce raisonnement, ils passent à côté de la motivation première de la People's Bank of China's (PBoC), qui est de moderniser et d'adapter son système de change. Les marchés en dollar n'étant plus, à eux seuls, ses plus grands débouchés d'export, la Chine se réfère progressivement à un panier de devises et non plus uniquement au dollar pour fixer son régime de change. Ce panier de référence se compose de 13 monnaies, dont le dollar (26,4 %), l'euro (21,4 %), le yen (14,7 %) ou le dollar de Hong Kong (6,55 %). La Chine est en train « d'adopter un système similaire à celui de Singapour, » synthétise Christopher Wood.

Contrairement à certaines idées reçues, la dépréciation actuelle du Renminbi par rapport au dollar ne s'inscrit pas non plus dans le cadre d'une guerre des changes afin de gagner en compétitivité à l'extérieur. « Il n'y a pas d'indications que la Chine est en train de perdre des parts de marchés à l'export. Ses exportations correspondent à 13,5 % des exportations mondiales pour les 10 premiers mois de 2015, au dessus de 12,5 % en 2014. Ce résultat est remarquable étant données la croissance substantielle des salaires chinois, tirés par la politique en faveur de la consommation domestique, et l'appréciation du taux de change effectif lors des années précédentes, » commente le stratégiste actions de CLSA. Le taux de change effectif réel de la Chine s'est accru de 60 % depuis le début de 2005, tandis que les revenus réels disponibles par habitant ont progressé, au cours des dix dernières années, à des taux moyens annualisés de 8,7 % en zone urbaine et de 9,3 % en zone rurale.

Quels facteurs pourraient restaurer la confiance des investisseurs ? Une communication mieux comprise prodiguée par la PBoC mais aussi « des preuves de la concrétisation des réformes essentielles, dont celle des entreprises d'État (« state-owned enterprise » /SOE), » estime Sean Taylor. Celles-ci pourraient venir du China's National People's Congress (NPC), qui devrait se tenir en mars, chargé d'approuver le treizième plan quinquennal (2016-2020). Ses orientations ont été dessinées lors du cinquième Plénum du dix-huitième Congrès du Parti Communiste Chinois (PCC) de fin octobre 2015.

L'année de la consommation

La priorité des autorités sera « de développer la consommation, » insiste Christopher Wood. Rééquilibrer l'activité chinoise, de sorte que sa croissance ne soit plus tirée surtout par l'investissement mais par la consommation, peut paraître ambitieux. Cependant, des signes tangibles de progrès en ce sens sont visibles. La consommation, par exemple, représente déjà 58,4 % de la croissance du PIB (pour les trois premiers trimestres 2015). Ensuite, le revenu réel disponible par habitant continue de croître, de 7,7 % d'une année sur l'autre au cours des neuf premiers mois de 2015, à comparer à 8 % en 2014. Son taux de croissance ralentit certes, mais, il demeure élevé, enviable, sans aucun doute, par de nombreux pays développés.

« Je ne vois pas d'atterrissage brutal (« hard landing ») de l'activité en Chine, » ajoute Christopher Wood, un avis partagé par Sean Taylor et d'autres connaisseurs expérimentés de la Chine. « S'il y avait une crise, le taux interbancaire domestique chinois monterait, ce qui n'est pas le cas. Son niveau actuel ne traduit pas de stress, » argumente le stratégiste actions de CLSA.

Indice Feng Shui 2016 - Source: CLSA


Hong Kong, à l'heure Feng Shui

Qu'en est-il à Hong Kong ? Si le ton général à son égard n'est pas alarmiste, il n'en demeure pas moins que ses perspectives d'activité pour 2016 sont nettement moins attrayantes que celles de l'année dernière. CLSA anticipe une croissance de son PIB de 1,8 %, à comparer à 2,4 % en 2015, avec un taux de progression réel de la consommation privée de 3 % cette année, contre 4,6 % précédemment. En cause, la baisse de fréquentation des touristes venant de Chine continentale, le ralentissement du secteur immobilier sevré de nombre de ses habituels spéculateurs, et, les effets du « carry trade ».

Le retournement de ce phénomène de quête d'actifs à meilleurs rendements est à double tranchant. Il se reflète dans le déclin des dépôts en Renminbi à Hong Kong, de 11,7 % en trois mois (à novembre 2015). Ceux-ci représentent désormais 9,8 % du total des dépôts de Hong Kong, à comparer à 12,4 % à la fin de 2014. Mais, à l'inverse, il explique aussi l'augmentation de 64 % (en 2015) du solde interbancaire total de la Hong Kong Monetary Authority (HKMA), à 391 milliards de Hong Kong dollars, liée au rapatriement de fonds provenant de l'extérieur.

Quant au secteur immobilier, celui-ci est en plein remodelage. « La spéculation quitte ce marché. La politique du gouvernement a changé et l'offre est en train de s'accroître, » résume CLSA. L'évolution des prix commence à traduire cette nouvelle donne : Le « Centa-City Leading Index », indicateur des prix des appartements, a perdu 7,5 % depuis son plus haut niveau atteint à la mi septembre. La recherche de CLSA prévoit ainsi pour 2016 un déclin de 10 % des prix résidentiels. Il s'agit d'une très bonne nouvelle pour les nombreux ménages de Hong Kong souhaitant devenir propriétaire.

A cet égard, selon l'indice CLSA Feng Shui (regroupant les prédictions de plusieurs groupes de maîtres Feng Shui), durant l'année du Singe de Feu, il est recommandé d'acquérir un logement à l'Est ou à l'Ouest du « Port au parfum », plutôt qu'au Sud, ou, qu'au Nord-Est. Les zones à visiter en priorité sont donc Chai Wan et Kennedy Town. Quarry Bay ou Aberdeen seraient à éviter.

Par ailleurs, les présages des maîtres Feng Shui de Hong Kong sont susceptibles de redonner du baume au c?ur aux investisseurs en actions H (actions chinoises cotées à Hong Kong). Les sages prédisent une « année forte pour le Hang Seng et les marchés, presque comme 2007 ! »
Ils prévoient une appréciation des industries des métaux et de l'eau dans la première partie de l'année du Singe de Feu. Selon eux, il ne s'agira pas seulement de l'argent et de l'or, mais aussi de l'automobile, des finances, des jeux, et des transports. Attention cependant, après un démarrage raisonnable, les secteurs du pétrole, du gaz, des technologies, des télécoms et d'internet pourraient subir plusieurs secousses.

En revanche, pas de prévision Feng Shui concernant la devise de Hong Kong (le HK dollar), embarqué également dans la tourmente « carry trade ». A ceux qui s'alarment de la dépréciation de la monnaie du « Port au parfum », Yue Yi, vice-président et directeur général de Bank of China à Hong Kong, répond (à l'Asian Financial Forum) qu'il « faut laisser le niveau de la devise se réadapter aux fondamentaux de l'économie. Il n'y a pas besoin de s'inquiéter beaucoup. Il faut juste laisser le système fonctionner. »

A ce propos, le mécanisme du « peg » (arrimage) de la devise de Hong Kong au dollar américain est-il remis en cause ? Non, affirment divers experts en la matière : Le « peg » au dollar américain devrait être maintenu tant que le Renminbi ne sera pas devenu totalement convertible. Or, un tel bouleversement n'est pas prévu dans l'immédiat, ni même au calendrier lunaire chinois.

Edwige Murguet (www.lepetitjournal.com/hong-kong) jeudi 4 février 2016 en partenariat avec Lazuli International

Crédits photos Edwige Murguet

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Publié le 3 février 2016, mis à jour le 3 février 2016

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