Pour clôturer 2012, année du Design à Hong Kong, les organisateurs de la Business and Design Week, BODW avaient encore une fois fait les choses en grand en offrant au public et aux créateurs de Hong Kong un parterre exceptionnel d'intervenants, experts, créateurs multi-secteurs du Design lors du salon annuel qui s'est tenu du 6 au 8 décembre derniers au HK Convention et Exhibition Center de Wanchai.
Le Design un vecteur de globalisation
Voici de fascinantes et étonnantes histoires sur des parcours et réalisations sélectionnées parmi les 50 prestigieux intervenants de tous horizons invités au salon 2012. Elles font prendre conscience que depuis près de 50 ans le Design est partout et que rien n'est laissé au hasard pour enchanter, faciliter le quotidien et que le Design s'engage même, depuis une dizaine d'années, sur le terrain des projets sociaux ou du développement durable.
Ces histoires illustrent aussi la richesse et la variété des domaines d'activité dans lesquels interviennent les designers. Ils n'oeuvrent pas seuls, en fonction de leur projet et de son niveau de complexité, ils s'appuient sur un vaste réseau de spécialistes, architectes, industriels, ingénieurs, sociologues, anthropologues, mathématiciens, maçons, charpentiers, couturiers, etc. Tout en restant toujours à l'écoute de l'utilisateur ou du consommateur final. La démarche se veut globale : de l'idée à la conception finale de sa mise en ?uvre, avec pour but la définition d'une identité claire qui retrouve ses marques ou se démarque.
Témoignages sur ce qui habite et inspire ces designers dans leur créativité, car ces chefs de projets, entrepreneur pour la plupart dans leurs domaines respectifs, restent avant tout créateurs et artistes !
Histoires de fauteuils, chaises, musée, cuisine, poste-radio, lampe, ordinateur, école, défilés de mode, habits, espace de travail, bambou? mais avant tout, de femmes et d'hommes passionnés, soucieux de faire du bien-être de l'Homme la priorité de leur création.
Trois histoires de Produits et Design
BODW 2012 - Ron Arad - Rover chair Ron Arad 1981 - Richard Sappe -Crédits photos : DT Communications Asia Pacific
L'histoire du monde des possibles par Ron Arad :
C'est au fil de ses "What if ??" illustrés en guise de préambule d'une diapositive de croquis plus magnifiques les uns que les autres, que le légendaire artiste-créateur des lignes courbes, forgeur des métaux et matériaux a présenté tout en humour voire complicité à un public tout acquis, quelques unes de ses créations dans les domaines :
- du mobilier tels que les immenses fauteuils club aux reflets miroir (Well Tempered Chair ou Big Easy), l?étagère Bookworm, qui serpente le long des murs, ou la chaise Tom Vac, empilable façon totem, qui ont fait le tour du monde,
- architectural tel ce restaurant au-dessus de Gstaad, qui pivote comme une caméra offrant un panorama de 360 degrés sur les montagnes enneigées, nous rêvons, y croyons? Mais, ceci n'est qu'un projet ? faute des autorisations requises ! Ou son iconique Musée du Design de Holon (sud de Tel Aviv) où le maître a voulu que le bâtiment, composé de 2 édifices superposés tout en courbes avec ces énormes rubans rouge/orange en Corten qui s'enroulent autour de la structure, se fonde dans son environnement, laissant place à la lumière naturelle mais protégé des rayons du soleil,
- Ou bien encore des objets plus du quotidien comme son vélo sans roues, une table de Ping-Pong courbée aux extrémités qu'un sculpteur avait pris pour une sculpture, ces cartes de pays réalisées tout en miroir, non sans omettre de relater l'anecdote de la carte de Chine qui n'avait pu être exposée à Shanghai car les îles du Sud dont Hong-Kong, avaient été oubliées..
Autant de "What's and If's" illustrant la liberté et le dépassement des limites dans la création d'objets de notre quotidien.
Objets, objets, dîtes-moi, avez-vous une âme ?
Sommité et précurseur indéniable du design industriel, le Professeur munichois Richard Sapper a certainement contribué dès les années 60 à créer une relation entre les objets de la vie courante et leur impact sur les gens. Il dessina puis conçut des objets aux formes innovantes, modélisant la complexité technique et utilisation, pour proposer des objets aujourd'hui intégrés ou familiers à notre quotidien : le transistor-Radio créé pour Zanuso, la bouilloire Alessi, la légendaire lampe de bureau Tizio, le téléphone pliant Siemens, ou le premier ordinateur portable, le ThinkPad d'IBM !
R. Sapper qui a étudié la philosophie, le génie mécanique, la conception graphique et l'anatomie, n'a jamais suivi aucun cours de design mais s'intéressa au premier chef à la relation intime entre les objets de tous les jours et leur influence sur la pensée et les émotions des gens. Il est le père de plus de 200 objets de notre quotidien, cherchez bien vous en connaissez forcement un !
L'important pour R. Sapper "est qu'un objet suscite une réaction chez l'utilisateur, que ce soit d'intérêt ou de rejet !"
De l'ombre à la lumière
Plus de 120 ans se sont écoulés entre la "Cuisine Style Reform" avec son meuble unique fonctionnel en bois clair aux formes arrondies et la "Cuisine de luxe pour Homme" aux formes profilées et matériaux s'inspirant de la voiture emblématique conçue pour Porsche, une évolution passant aussi et entre autre par la première cuisine totalement intégrée, la "Kitchen Satellite" de Luigi Colani des années 70.
Qui de mieux pour nous éclairer sur l'histoire de l'évolution de la conception et l'aménagement de nos cuisines que le directeur général d'un cuisiniste de luxe allemand ? Ainsi à la fin du 19e siècle la cuisine se faisait discrètement sur une banale table tout à côté du four ou de la cheminée, mais au début du 20e siècle la cuisine prit une place de plus en plus importante dans nos habitations. De nos jours, grâce au design, qui a su prendre en considération l'évolution des m?urs de nos sociétés occidentales, la cuisine est passée de l'arrière de la maison, d'une pièce un peu cachée, réservée à la cuisinière et au personnel à une pièce phare, lieu de vie que l'on est fier d'exhiber à ses invités !
Deux histoires de Mode et Accessoires
Henri Vibskov à la BODW 2012 - Crédits photos : DT Communications Asia Pacific
Des tenues et des costumes multicolores, multi couches- et multi-longueurs, des seins en silicone servant de coussins et de supports à de belles créatures filiformes, des mannequins de tous horizons parlant allemand au milieu d'une assemblée à un cocktail très Fashion, des personnages sautant au milieu d'un public interloqué, parterre de carottes noires qu'enjambent des top modèles, musique d'ambiance aux sons métalliques oppressants, arrêt sur images sur le "Mint Institute", une immense langue rose à points noirs animée saluant les mannequins défilant pour la collection 2013 : bienvenus dans le monde fantastique du faiseur d'ambiance, de style , metteur en scène de la mode du très charismatique créateur danois de prêt à porter Henrik Vibskov !
Ses secrets de fabrication, son inspiration : utiliser les matériaux, l'espace, entretenir le public avant un show, un défilé, créer une ambiance, utiliser la musique, les effets sonores?
Dépasser les stéréotypes : Wuhao ou à la poursuite des "5 sens"
Qu'est-ce qui a poussé, il y a 5 ans, Isabelle Pascal, la dynamique juriste parisienne, spécialiste en projets culturels pendant 9 années à la BNF de Paris, de faire une pause pour partir se ressourcer en Chine et y rester depuis ?
Sa fascination pour la Chine, l'énergie si particulière qui y règne et malgré les difficultés rencontrées pour une nouvelle arrivante comme elle, Isabelle persiste, insiste, persévère et en 2010 peut enfin ouvrir le Studio de Design de ses rêves dans une ancienne cour intérieure au milieu du quartier des Hu tong du centre du vieux Beijing. Aujourd'hui Isabelle est fière de pouvoir aider, promouvoir et exposer à la vente les ?uvres d'une centaine de jeunes créateurs et artistes chinois. "Je ne cherche pas à les influencer avec le style français, au contraire je les encourage à créer et persister dans leur style, promouvoir l'art et la création authentiques chinois ; je veux leurs apporter une structure, des conseils et offrir mon expérience pour les lancer et promouvoir leur travail".
"La mode est une attitude, un choix dans lequel il faut suivre ses sens !" clame fièrement Isabelle.
Histoires fabuleuses d'Espace et Design
Accompagner le changement et le développement : avec le Rosan Bosch Studio - Danemark
Réinventer l'espace, le ré-imaginer afin de (re)donner envie de travailler et retrouver l'inspiration pour se développer dans son travail ou pour s'y sentir bien tout simplement. Utiliser la curiosité innée de l'homme, sa propension à toucher, goûter les choses, les objets pour influencer voire changer positivement son état d'esprit ou comportement sur son lieu de travail. Innovation, développement et partage des connaissances sont les valeurs directrices dans le travail d'artiste de R.Bosch, qui cherche avant tout à remettre en cause les normes existantes et chercher de nouvelles manières de penser et agir.
Vittra Telefonplan - crédits photos : DT Communications Asia Pacific
"Une école sans salle de classe" : Vittra Telefonplan, Stockholm ? Suède :
En 2010 Rosa Bosch a travaillé sur la restructuration architecturale et intérieure totale d'une école primaire suédoise du réseau Vittra pour le compte d'une commune du sud de Stockholm. L'école bénéficiait certes d'un bâtiment tout neuf mais s'avérait totalement inadaptée à une pédagogie axée sur l'utilisation d'ordinateurs et des nouvelles technologies.
Rosan Bosch et son équipe eurent carte blanche des autorités d'éducation suédoises pour ce projet et remirent à plat toute la vision et la conception du travail à l'école. Furent intégrés à leur analyse l'avis des élèves et des professeurs eux-mêmes, leurs idées sur l'école idéale d'un point de vue spatial et organisationnel. Ainsi naquit en 2011, la première école sans salle de classes fermées, une école ayant un arbre au milieu du hall principal, un Iceberg, une mini-montagne sur laquelle on peut étudier couché, assis, allongé - positions perçues comme idéales par des enfants de cette tranche d'âge pour travailler. L'école comporte certes des "coins plus privés et de concentration" et des espaces ressemblant plus à une classe "traditionnelle" mais "l'open-space" prévaut dans son ensemble.
Professeurs et élèves semblent être parfaitement heureux de travailler dans cet espace innovant et un gain de cinq minutes supplémentaires de temps de concentration pourrait déjà avoir été atteint grâce à ce nouvel espace de travail plus convivial.
"Redevenir enfant" chez Lego
Repenser l'organisation de leur espace de travail, « se mettre à la place des utilisateurs de leurs produits » principalement des enfants, voici ce qu'ont dû faire les employés du service Recherche et Développement de la célèbre firme danoise Lego, pour la réorganisation de leur bureaux.
Résultat étonnant et innovant : les murs et espaces de travail se sont ouverts, agrandis, pour laisser place à un grand plan de travail, de jeux de construction, un toboggan, des rangements colorés et plus ludiques pour les fameuses petites pièces de plastiques, des petites salles de réunion dédiées pour se concerter, échanger ? Place à plus de couleurs, de lumière !
"Changer l'environnement pour retrouver du plaisir, s'amuser, jouer, être content de se rendre à son lieu de travail", voici quelques uns des maîtres-mots de la créatrice danoise. "L'important est d'amener les personnes à penser, à participer et se sentir bien dans leur espace".
Active également dans l'aménagement des espaces publics, R. Bosch utilise l'Art de Rue dans des villes telles que New York, Istanbul ou Budapest. Ainsi des zones de Yoga, de prière, de "crier", "sauter" sont spécialement créées et signalisées pour permettre aux citadins de se réapproprier leur espace de vie, en bénéficiant des zones dédiées pour des activités moins "politiquement correctes" !!
"Construire une histoire pour mieux se sentir et vivre dans son environnement" : approche humaniste, de recherche du bien être de la mondialement célèbre créatrice et décoratrice Ilse Crawford de STUDIOILSE ? Londres
"(Re)placer l'homme au centre des projets d'aménagements architecturaux et de décoration" telles sont les priorités de Ilse Crawford et son équipe. "Aménager des intérieurs peut changer la manière dont nous vivons, nous nous sentons ; ainsi dans un projet de modernisation d'un hôtel par exemple, nous nous occupons de tout, de la décoration, du style de mobilier jusqu'au choix de la nourriture. Nous souhaitons que les gens sentent qu'ils sont "humains", nous nous attachons à donner une identité bien définie aux lieux, un esprit, afin que les clients d'un hôtel aient l'impression d'y vivre, de s'y sentir un peu chez soi et non plus y être un simple visiteur".
L'aménagement de magasins ou de boutiques par I. Crawford se fait dans la même philosophie car "grâce aux technologies actuelles, nous n'avons en fait plus besoin de nous déplacer et nous rendre dans un magasin ! Seule l'histoire créée pour les lieux, fait que les gens s'y déplaceront et auront plaisir à le faire ! La décoration d'intérieur ou les projets architecturaux ne fonctionnent pas en vase clos, ils sont et créent des relations, en fin de compte comme l'a dit Le Corbusier « à la fin, tout tourne autour de la vie !"
Dans ses projets de rénovation d'immeubles, I. Crawford s'attache à ce que bâtiments et façades s'intègrent parfaitement avec leur environnement immédiat, que la connexion physique soit conservée que ce soit par le choix des matériaux que du style. "Il faut préserver l'esprit de voisinage, respecter l'identité d'un quartier si nous ne voulons pas que nos rues meurent faute de perte de leur personnalité !"
En 2010, à Hong Kong, pour un projet de rénovation d'un immeuble entier sur Hollywood Road, I. Crawford a d'ailleurs réussi à faire respecter cette approche à l'architecte d'un client exigeant, une importante société de construction, en parvenant à conserver son style original années 60. Belle prouesse quand on connaît l'appétit et la propension à tout détruire pour "faire du tout neuf" des promoteurs de Hong Kong !
Histoires de Design et Société
Le Design comme promoteur d'une meilleure qualité de vie et de projets sociaux viables, voici peut-être une facette nouvelle et moins connue par les non professionnels et spécialistes que les visiteurs à BODW ont pu découvrir.
Une série d'initiatives, de labels et de récompenses sont nés comme l'organisation danoise INDEX, promoteur international d'un Design incluant des valeurs humanistes et sociales.
Le prix INDEX, fonctionne sous forme d'ONG et son concept "Design to improve life"(Le Design pour améliorer la vie) créé en 2002 à l'initiative du designer Johan Adam Lindeballe et du Secrétaire Permanent danois Jørgen Rosted est l'aboutissement de la réflexion de la communauté internationale du Design : il fallait arrêter de "concevoir de belles tasses blanches" pour consacrer ses talents créatifs à des sujets plus pressants. Ce prix doté de 500 K?, bénéficie du haut patronage du Prince de la Couronne du Danemark et récompense chaque année à part égale (100 K?), à l'issu d'un concours public, le meilleur projet de chacun des cinq domaines suivants : le Corps, l'Habitation, le Travail, les Loisirs et l'Education, les Infrastructures communautaires. Les critères d'évaluation portent sur la forme, l'impact et le contexte respectés par un projet dans l'amélioration de la qualité de vie.
Cette démarche d'intégrer des principes sociaux, philanthropiques et de développement durable dans chaque projet est à présent reconnue par la plupart des agences de design, promulguée et affichée dans les salons et évènements des acteurs de ce secteur. Et le secteur privé s'y associe largement comme par exemple la Fondation Rockefeller à travers de son action ?Innovation pour le Development?.
Lors du Forum de la BODW, plusieurs lauréats du prix INDEX ont présenté eux-mêmes leur projets, comme celui du :
- "casque vélo invisible", une écharpe qui se gonfle comme un air bag en cas de chute protégeant ainsi la tête du cycliste, par les 2 étudiantes suédoises Anna Haupt et Terese Alstin.
- "Design Seoul", l'initiative du maire de Séoul d'utiliser le design pour améliorer la qualité de vie ses citoyens présentée par le Professeur Chung Kyung-Won du KAIST (Korea Advanced Institute of Science and Technology)
- "The Yellow One ou Antivirus a cap to protect" ("Le truc jaune" ou "antivirus, le couvercle de protection") par sa conceptrice Hân Pham, gagnante du prix INDEX 2007. Une expérience personnelle a poussé cette jeune créatrice de bijoux à imaginer puis concevoir un moyen peu onéreux, pratique et adapté aux pays défavorisés de se protéger contre les infections contractées au contact d'aiguilles de seringues usagées. Une étroite collaboration avec une femme médecin travaillant pour une grande ONG sur le terrain, a rendu possible la réalisation de son projet.
Deux autres remarquables exemples de générosité et d'engagement dans le domaine social par des entreprises du Design ont été présentés à la BODW :
- l'un concerne Hong Kong avec le projet communautaire "So Soap" d'une jeune hongkongaise de Tai Po, Bella Ip, qui grâce à l'aide de l'agence de Branding et de Graphisme CoLab dirigée par Eddy Yu et Hung Lam, a pu se développer avec succès et permettre à de jeunes mères issues d'une communauté très défavorisée et sans qualifications d'avoir un travail en fabricant et vendant du savon. Le succès dépasse les espérances de Bella, qui écoule ses produits au travers d'une grande enseigne chic du non moins chic Pacific Place, et qui a été invitée en septembre 2012 à la Biennale d'Art contemporain de Liverpool pour y exposer de son projet !
- Le deuxième projet concerne la belle île de Bali avec "le Green Village et Green School" par le sympathique binôme familial de John A. Hardy et sa fille Elora. La fascination et l'admiration d'un créateur de bijoux américain pour le travail et le savoir faire si extraordinaire et esthétique des artisans balinais du bambou, ressource inépuisable et séculaire en Indonésie, ont mené à une entreprise de plus grande envergure de renommée internationale.
Ces merveilleuses et majestueuses constructions, d'une stabilité séculairement éprouvée, à 100% écologiques, et s'intégrant parfaitement à leur environnement, vont de maison de luxe pour hommes d'affaires fortunés, à la construction d'une école ou de maisons de ville plus standards. Un rêve devenu réalité pas uniquement pour les heureux propriétaires !
Qui a dit qu'à Hong Kong on ne parlait que de finance et d'immobilier ?
Judica Dejoux (www.lepetitjournal.com/hongkong.html), mercredi 30 janvier 2013
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