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SANTE - Le burn-out chez les expatriés

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 1 septembre 2014, mis à jour le 29 octobre 2014

Si l'expatriation constitue souvent une expérience enrichissante, elle n'en demeure pas moins une épreuve pour l'expatrié et sa famille. Difficultés d'adaptation, stress, voyages incessants, décalages horaires, tensions conjugales, le burn-out, ou syndrome d'épuisement professionnel, vous guette-t-il ?

photos Corbis
En 1980, le psychanalyste américain Herbert J. Freudenberger attire l'attention de ses pairs sur un phénomène d'épuisement professionnel qu'il nomme burn-out. Pourquoi ce terme ? En référence à un  "incendie intérieur" qui, comme pour un immeuble dans lequel le feu aurait pris, laisserait les gens vidés intérieurement avec une apparence intacte? En clair, le burn-out est le résultat d'un long processus de tension continue, qui conduit à l'épuisement psychique et physique. Si l'anxiété fait partie intégrante de la vie professionnelle, si le stress peut être un moteur important pour avancer au quotidien, ils peuvent aussi devenir paralysants à trop forte dose.

Les expats sont très exposés
Bien sûr, le burn-out n'est pas l'apanage des expatriés. Mais la nature même de leur travail dans un environnement complexe, en rupture avec leurs origines, et bien souvent leur langue maternelle, les expose particulièrement. L'adaptation mobilise les réaménagements psychiques pour faire face aux exigences du nouveau contexte de vie.

Bruno est arrivé au Brésil en janvier 2011 : "D'un point de vue professionnel, tout était nouveau pour moi : en plus d'un nouveau travail dans une nouvelle gamme de produits, avec une nouvelle équipe et un actionnaire supplémentaire, j´ai dû m´adapter à une nouvelle culture, une nouvelle langue, bref, un nouvel environnement. D'un point de vue personnel, mon épouse a abandonné son travail et ma fille adolescente a laissé ses amies à Bruxelles. A cela se sont ajoutées des difficultés administratives liées à la bureaucratie brésilienne. Les premiers mois ont donc été TRES difficiles, menant à des tensions familiales et des difficultés professionnelles. Le burn-out était-il proche ?".

Claire, expatriée au Kazakhstan, s'affole du rythme de son mari : "il travaille comme un dingue. C'était déjà le cas en France, mais il m'a expliqué qu'ici ses responsabilités étaient plus grandes et je crois qu'il a à c?ur de bien faire (ce qui est tout à son honneur). De plus, il est en train d'apprendre le russe, et il s'enferme dans son bureau une heure tous les soirs pour se bourrer le crâne à coups de vocabulaire et de notions grammaticales. Résultat : il n'en dort plus la nuit. Il me dit qu'il aurait besoin de se défouler physiquement. Il fait déjà deux heures de tennis tous les dimanches, mais justement dimanche dernier, il m'a dit que ça ne lui avait pas suffi. Pour finir, je fais le maximum pour mettre en veilleuse mes propres problèmes d'adaptation, qui je pense l'accablaient à notre arrivée".

A son arrivée à Hong Kong, jeune diplômé, Christian a eu beaucoup de mal à prendre le rythme : "Je n'étais pas préparé au rythme trépident de l'Asie, à la surcharge de travail. Mes employeurs n'avaient pas le temps de me former, j'ai dû naviguer à vue dans un univers incompréhensible au premier abord. Les horaires longs, y compris le samedi, m'ont épuisé. Pour la première fois de ma vie, j'étais en train d'échouer. J'ai failli tout lâcher."

Votre mission si vous l'acceptez?
Les cadres qui acceptent une expatriation sont souvent très performants, très exigeants avec eux-mêmes, capables d'enchainer de longues journées de travail, soucieux de leur carrière. L'expatriation peut être la voie royale vers le top management. Etre ainsi sous les feux des projecteurs comporte une part de risque : "Les expatriations sont en général de trois ans, explique Stéphane, cadre dans l'automobile et expatrié récidiviste. Nous sommes donc en mission, une sorte de CDD, au cours duquel nous devons être au top de la performance, pour justifier notre salaire? et obtenir un autre poste. Des résultats moyens et tout est remis en cause. Certaines ascensions fulgurantes s'arrêtent parfois brutalement. Et l'échec est souvent imputé aux hommes en place, pas forcément à l'organisation du travail ou à une erreur d'affectation des ressources humaines? Il faut le savoir avant de partir".

Il est admis qu'environ 30% des expatriations se soldent par un échec. Les erreurs de casting ou de formation participent de ces échecs, mais, selon des experts américains, une réelle prévention du burn-out pourrait fortement réduire ces chiffres. Mais ce syndrome est souvent caché ou sous-estimé par les directions qui ne veulent pas remettre en cause leurs pratiques managériales sous prétexte qu'elles obtiennent des résultats probants.

Sensation d'isolement
Tout autant que la surcharge de travail, des rôles mal définis, contradictoires, voire l'isolement par rapport au siège et le manque de soutien social, peuvent affecter les expatriés. Jean-Luc vient de prendre ses fonctions en Asie dans une entreprise américaine : "De nombreuses réorganisations ont eu lieu très brutalement, j'ai du mal à suivre ce qui se passe au siège, je ne sais même pas si je vais pouvoir rester en poste ou si je suis menacé également, c'est extrêmement perturbant. Je ne connais pas mes nouveaux patrons, ni leurs objectifs, et je ne peux pas partager cela avec mes équipes. C'est très difficile psychologiquement."

Avec la crise, on assiste à un accroissement du principe de "commuting", à savoir la prise d'un poste à l'étranger moyennant un aller-retour hebdomadaire vers le lieu de travail ? réalisable principalement en Europe. C'est pour l'entreprise une économie substantielle en évitant le logement de la famille et les frais de scolarité à l'étranger, mais pour le salarié, l'absence de réconfort de la cellule familiale et les déplacements incessants peuvent vite devenir difficiles à gérer.

Les échéances peuvent être d'autant plus compliquées à tenir quand on ne sait pas comment manager ses équipes. Pour un expatrié, ce déséquilibre entre les tâches professionnelles et les moyens dont il dispose pour les réaliser, la difficulté à communiquer avec ses collègues ou ses supérieurs hiérarchiques, le sentiment de manque de contrôle sur son environnement de travail, la différence entre ses attentes face au travail et la réalité de celui-ci, le manque de soutien, une charge de travail trop importante, tout cela constitue des situations à risque. Baisse de l'estime de soi, sentiment d'incompétence ou encore irritabilité sont des signes à ne pas négliger. La difficulté à se concentrer, à gérer son temps, et la démotivation peuvent préfigurer un burn-out. Des troubles psychosomatiques peuvent s'installer (maux de tête, de dos, tensions physiques insupportables?) et les arrêts de travail peuvent se multiplier.

Se connaître
Le psychiatre suisse Davor Komplita, spécialiste de la question, estime que cela pourrait bien être "la maladie du siècle". "Scientifiquement, il a été prouvé qu'un cerveau soumis à un stress permanent et continu entre dans l'inhibition. Le cerveau est à ce point rétréci qu'il tombe en panne. Au bout de plusieurs mois les individus n'arrivent plus à penser et même 'se penser'. C'est un traumatisme réel. Résultat : la convalescence est beaucoup plus longue qu'il n'y paraît". Pour sortir du burn-out, il est souvent indispensable de se faire aider. Une thérapie peut être d'un secours précieux. La guérison passe par un retour sur soi pour évaluer ses aspirations professionnelles profondes et ses limites. Avant que la situation ne devienne grave, quelques ajustements peuvent permettre de relâcher la pression.

"A mes yeux, le plus important est d´être conscient des risques 'd'exploser en vol', explique Bruno. J'ai rapidement décidé d´adapter mon rythme de vie (et de travail) à cette pression et à ces conditions nouvelles  en limitant mes déplacements au strict nécessaire. Lors de ces déplacements, en quittant São Paulo en milieu de matinée de façon à profiter de mon épouse et éviter le stress de l´aéroport en début de matinée; en ne cherchant pas à vouloir tout apprendre de suite mais en organisant un programme d´intégration dans mon nouveau travail. Ma nouvelle équipe l´a très bien compris. Pour "compenser", j'ai mis en avant mon expérience pour régler de façon originale certains problèmes posés. Ainsi, mes nouveaux collègues ont perçu la plus-value que j'allais rapidement leur apporter, les rendant patients quant à mon intégration. De plus, mes nouveaux collègues savaient que si je faisais un burn-out, c'est toute l´entreprise qui en aurait pâti. Après quelques mois, toute mon équipe s´est dite satisfaite de mon intégration réussie (et jugée rapide!)".

Il est donc important de se donner le temps de l'adaptation, de s'autoriser à lever le pied. A chacun de trouver une façon de déstresser. La pratique régulière du sport en est une. Pour d'autres, cela va être la découverte du pays. "Je me rends disponible à ma famille pendant le weekend de façon à découvrir le pays avec elle. Je profite de mes déplacements pour travailler beaucoup et évite ainsi de travailler le weekend", explique Bruno qui précise "au début, je dormais tous les weekends...". L'idée maîtresse est qu'il faut prendre en compte ses besoins, et continuer à se faire plaisir. C'est la clé pour pouvoir gérer certains moments de stress intense...sans se consumer.

MPP (www.lepetitjournal.com) lundi 21 octobre 2012 (réédition)

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