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La société, outil d'acquisition et de transmission des biens à l'international.

Lors d’une acquisition immobilière réalisée dans un contexte international, il est tentant d’utiliser des techniques juridiques connues dans notre système français et de les transposer dans le pays dans lequel est situé le bien acquis. Ainsi, si plusieurs personnes physiques achètent ensemble un bien immobilier, la question de l’investissement par le biais d’une société civile immobilière se pose : une société civile immobilière française est-elle adaptée pour l’acquisition et la détention de biens immobiliers situés à l’étranger ? Est-elle un bon moyen de transmettre les biens aux membres de la famille ? Selon le pays d’accueil et les objectifs poursuivis par les investisseurs, il convient de rechercher les solutions les plus adaptées tant au moment de l’acquisition (I) qu’après avoir acheté, lorsque l’on songe à préparer la transmission des biens (II).

LA SOCIETE OUTIL D’ACQUISITION ET DE TRANSMISSION DES BIENS DANS  L'INTERNATIONAL - copieLA SOCIETE OUTIL D’ACQUISITION ET DE TRANSMISSION DES BIENS DANS  L'INTERNATIONAL - copie
Écrit par Notaires de France
Publié le 13 mars 2024, mis à jour le 14 mars 2024

I – LA SOCIETE OUTIL D’ACQUISITION DANS UN CONTEXTE INTERNATIONAL

Lorsque deux personnes au moins résidant à l’étranger envisagent d’acquérir un bien immobilier en France ou lorsque des français projettent d’acheter un bien immobilier situé hors de France, il est utile de rechercher s’il est judicieux d’effectuer l’acquisition par le biais d’une société (A). Ensuite, il faut déterminer s’il est opportun de constituer une société de droit français ou s’il faut privilégier une société dont le siège est situé dans le pays concerné (B).

A- L’OPPORTUNITE DE L’ACQUISITION PAR UNE SOCIETE DANS UN CONTEXTE INTERNATIONAL

Si un immeuble situé en France est acquis par plusieurs personnes de nationalité étrangère et résidant en dehors du territoire français ou par des français à l’étranger, il convient de préparer l’organisation patrimoniale. Il faut impérativement vérifier les points suivants :

  • Les personnes engagées : si ce sont des membres d’une même famille ou des amis, connaître leur situation familiale, professionnelle.
  • Les objectifs poursuivis : simple propriété et entretien du bien, location en meublé ou non.
  • Les conditions financières de l’investissement : chacun paiera-t-il la même quote-part dans le prix, les frais et les éventuels travaux ? Le projet sera-t-il financé par des personnes physiques ou morales ? Des intérêts fiscaux particuliers sont-ils en jeu ?

 

    1. Les atouts de la société pour la gestion des biens immobiliers

L’intérêt d’acquérir un bien immobilier par l’intermédiaire d’une société est double : organiser la gestion du patrimoine locatif et éviter les écueils de l’indivision.

En cas d’acquisition d’un bien immobilier destiné à la location, il peut être intéressant de distinguer ce bien de la résidence principale : la personne morale reçoit les loyers et paie les charges et les taxes générées par la location et la détention de l’immeuble. Contrairement au fonctionnement de l’indivision, qui nécessite pour les actes de disposition l’unanimité des indivisaires, les projets importants sont soumis au vote des associés qui les approuvent ou les refusent à la majorité définie dans les statuts. Cela permet donc d’éviter l’immobilisme et améliore l’efficacité des prises de décisions.

Lors de la rédaction des statuts de la société, un grand soin doit être apporté à la détermination des personnes qui pourront devenir associées par cession ou donation entre vifs ou par succession. Des conditions doivent aussi être définies pour le retrait des associés.

En France, dans le cadre de l’indivision, une convention peut être signée et un représentant peut être désigné. Cependant, la convention a une durée limitée à cinq ans reconductibles par la signature d’une nouvelle convention et le gérant n’a qu’un pouvoir de gestion administrative. En revanche, les statuts des sociétés sont établis pour une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans maximum. Le gérant peut de surcroît soit se voir accorder des pouvoirs en matière d’actes de disposition s’il s’agit d’une société patrimoniale (avec le pouvoir de vendre ou acheter), soit faire approuver des actes de vente ou de prêt à la majorité des parts sociales prévue dans les statuts s’il s’agit d’une société civile immobilière plus classique.

    2. L’analyse des enjeux fiscaux

Si la forme sociétale semble adaptée à l’opération d’investissement, il ne faut pas négliger l’impact fiscal que ce choix peut avoir en France et à l’étranger.

S’agissant des taxes à payer en France pendant la détention du bien immobilier, il convient par exemple de rappeler que les sociétés qui réalisent des opérations de location en meublé sont imposées selon le régime de l’impôt sur les sociétés et ne bénéficient pas du régime de taxation des plus-values immobilières des particuliers. En cas d’objectif de location en meublé, il faut donc comparer les conséquences fiscales entre la détention en nom propre et sous forme de société.

De même, en cas d’acquisition par une société à l’étranger, il faut se renseigner auprès d’un professionnel pour savoir :

- si les taxes à acquitter seront les mêmes selon que le bien soit acheté en nom propre ou par une société,

- quelles sont les conditions de déduction des charges, frais et travaux des revenus provenant des locations,

- si, en l’absence de location de l’immeuble, des taxes particulières seront à payer du simple fait que le propriétaire soit une société.

Lorsque l’idée d’acquérir un bien immobilier séduit les investisseurs, dans un contexte international, il faut aussi rechercher si la société doit être soumise au droit français ou au droit de l'Etat où se situe le bien convoité.

 

B- LE CHOIX ENTRE SOCIETE FRANCAISE OU ETRANGERE DANS UN CONTEXTE INTERNATIONAL

Après avoir décidé que le mode d’acquisition sociétaire convient au projet immobilier, il faut déterminer s’il est préférable d’acquérir avec une société de droit français ou droit de l’Etat où se situe le bien souhaité.

     1. La détermination de la loi applicable au contrat de société

La société résulte d’un contrat signé entre plusieurs associés, qui peuvent être des personnes physiques ou morales. En France, le contrat de société est régi par les articles 1832 à 1844-17 du code civil. En droit international privé, la loi qui régit le contrat de société est celle du lieu de situation du siège social, c’est-à-dire le lieu indiqué dans les statuts et le lieu où est exercée l’activité juridique et administrative de la société. Cette loi va déterminer les conditions de la création de la société, de son immatriculation ou enregistrement auprès des organismes ou services officiels, de son fonctionnement et sa liquidation. La société étrangère n’aura pas plus de capacité de jouissance que ce qui lui est reconnu par sa loi nationale et elle ne peut pas avoir plus de droits que les sociétés françaises.

De même, avant d’utiliser une société française pour réaliser une acquisition immobilière dans un autre pays, il faut se renseigner auprès d’un juriste local pour savoir si sa personnalité juridique sera reconnue dans le pays visé.

Le choix de constituer une société française et étrangère n’est donc pas anodin : une société créée à l’étranger aura des règles de fonctionnement internes conformes à la loi de son lieu de constitution mais elle devra se conformer aux règles applicables en matière de fiscalité immobilière.

     2. L’application des règles fiscales internationales

S’il existe une convention entre la France et l’autre pays pour éviter les doubles impositions, il faudra suivre ce qu’elle prévoit. A défaut de convention, les revenus peuvent être imposables en France et à l’étranger.

Les associés des sociétés constituées à l’étranger doivent notamment être informés des règles fiscales relatives à la propriété immobilière via une société, l’imposition des biens immobiliers loués meublés, aux taxes sur les plus-values immobilières.

Avant de prendre une décision sur le choix de la société, il faut également bien se renseigner sur la fiscalité du pays visé.

Cette étape de l’étude de la situation fiscale est donc cruciale.

L’acquisition immobilière par l’intermédiaire d’une société doit donc être étudiée sérieusement, en envisageant les aspects civils et fiscaux tant en France qu’à l’étranger pendant la détention et la gestion du bien. La transmission de ce bien, dans un contexte international, soulève des questions qui doivent être abordées avec un notaire compétent en droit international privé dès l’acquisition ou pendant la détention pour savoir si une société peut être un bon moyen pour optimiser la transmission des biens en France et à l’étranger.

II- LA SOCIETE OUTIL DE TRANSMISSION DANS UN CONTEXTE INTERNATIONAL

Si le sujet de l’achat via une société n’a pas été évoqué lors de l’achat d’un bien immobilier, dans un contexte international, il n’est jamais trop tard pour s’interroger sur l’opportunité d’apporter le bien immobilier à une société pour favoriser une transmission plus efficace tant civilement (A) que fiscalement (B).

A- L’analyse des aspects civils de la transmission via une société

Lorsqu’on envisage la transmission intra familiale d’un bien immobilier acheté en nom personnel, le sujet de l’apport à une société doit être évoqué sous ses aspects civils et fiscaux (1) et celui de la donation ou du legs des parts également (2), en fonction du pays concerné.

    1. L’apport du bien immobilier à une société

Dans le cas d’un couple de personnes propriétaires d’un bien immobilier dans un pays étranger qu’elles souhaitent transmettre en même temps que l’ensemble de leur patrimoine par le biais d’une société à leurs deux enfants, il faut s’interroger sur les points suivants :

  • Est-il possible d’apporter le bien à une société française ? La notion d’apport en nature existe-t-elle dans le pays ?
  • Comment évaluer le bien immobilier ? Si la monnaie du pays concerné n’est pas l’Euro, comment déterminer la contre-valeur en Euro ? A quelle date doit-on se placer ?
  • Quelles seront les conséquences de la détention de du bien par une société française ?
  • Quel sera le coût de l’apport du bien immobilier ?

Des formalités de publicité foncière devront être effectuées à l’étranger s’il y a un registre foncier afin d’enregistrer la mutation du bien. Il faudra donc se rapprocher du notaire local ou du service en charge de la publicité foncière. Il est fortement recommandé de se rapprocher de cet organisme en amont afin de vérifier le processus à suivre.

A l’inverse, pour des personnes étrangères propriétaires de biens situés en France, il peut être envisagé de les apporter à une société étrangère. Là encore, il convient de préparer cette opération avec un notaire ou un juriste compétent dans le pays concerné. Cela soulève notamment les questions suivantes : est-il plus avantageux d’apporter le bien à une société étrangère ? Est-ce possible dans le pays concerné ? Quel serait le coût ?

Les formalités de publicité foncière seront réalisées en France, conformément à la règle de conflit de lois en la matière. Il faudra veiller à informer tous les services dont les factures seront à acquitter par la société étrangère et ouvrir un compte bancaire en France pour faciliter toutes les démarches. Selon la nationalité des associés, il pourra être nécessaire de nommer un gérant ayant sa résidence fiscale en France afin de répondre aux critères des banques françaises.

Il semble plus simple et plus clair de ne pas comprendre dans une même société des biens situés dans des pays différents. Pour des considérations souvent fiscales, cette option peut être pourtant retenue par des investisseurs et leurs conseillers: si par exemple des travaux doivent être réalisés dans le bien immobilier, ils pourront être déduits des revenus de la société taxés dans le pays où se trouve le siège social de la société. Il convient donc de bien se renseigner sur l’environnement juridique et fiscal des pays concernés.

Pour transmettre un bien acquis par le biais d’une société ou apporté à une société, il faut donner ou léguer des parts sociales. Dans un contexte international, cette opération doit être soigneusement préparée.

     2. La donation et le legs des parts sociales dans un contexte international

Si une société de droit français est propriétaire de biens en France et à l’étranger, il faut déterminer la façon dont s’opérera la donation, la donation-partage ou le legs des parts : quelle sera la loi applicable à la donation ou la donation-partage ? Comment calculer la valeur des parts ? Quelles formalités seront à effectuer ? Que le bien soit situé en France ou hors de France, la modification des statuts de la société de droit français devra être enregistrée au greffe du tribunal de commerce du lieu de son siège social. Puisque la donation ou le legs ne porte pas sur des biens immobiliers mais sur des parts sociales, il n’y a aucune conséquence du point de vue de la publicité foncière à l’étranger donc il n’y aura pas de formalités de publicité foncière en France et dans l’autre pays.

Les donations-partages réalisées dans un contexte international sont régies par le règlement européen 650/2012 du 4 juillet 2012. Assimilées à des pactes successoraux, les donations-partages relèvent de la loi qui serait applicable à la succession du donateur dans l’hypothèse de son décès au moment de la signature de l’acte. Selon le règlement européen, il est possible de choisir la loi applicable à la donation-partage. Ceci est fortement conseillé afin d’organiser une cohérence entre la loi successorale et la loi applicable à la donation-partage.

Selon les pays concernés, il convient de se rapprocher d’un notaire ou d’un juriste local pour déterminer la meilleure stratégie pour transmettre les parts.

Après avoir déterminé ou choisi la mesure de transmission et la loi qui lui sera applicable, il faut en analyser la portée fiscale.

B- L’analyse des conséquences fiscales de la transmission via une société

Avant d’opter pour telle ou telle autre mesure juridique, il est important de vérifier l’impact fiscal de la transmission des parts sociales.

En cas de donation de parts sociales d’une société étrangère réalisée à l’étranger, il convient de la déclarer auprès des services fiscaux français si le bénéficiaire est résident fiscal en France. L’existence d’une convention fiscale entre la France et le pays concerné permettra d’éviter une double imposition. A défaut, il peut y avoir une taxation en France et dans l’autre pays, selon la situation. C’est l’article 750-ter du code général des impôts qui définit les règles de taxation en France, selon que le défunt ou le donateur ou encore les donataires ou héritiers soient ou non domiciliés fiscalement en France.

Lorsque la société est propriétaire d’un bien immobilier et que l’opération est taxable en France, la transmission des parts sociales entre vifs ou à cause de mort est imposée sur la valeur nette des parts : on déduit de la valeur de l’immeuble le montant correspondant aux dettes de la société. Ainsi, en cas de compte courant d’associé ou d’emprunt réalisé au nom de la société, la valeur nette des parts transmises peut être faible. Il s’agit là de l’intérêt majeur de la société « outil » juridique de transmission patrimoniale.

Qu’en est-il dans le pays étranger dans lequel le bien immobilier est situé ? Seule la consultation d’un juriste fiscal pourra aider à comprendre les conditions d’imposition : ce qui est valable en France n’est pas automatiquement accepté à l’étranger donc il est nécessaire de contrôler les règles locales.

En Espagne, par exemple, il est préconisé de ne pas signer d’actes de donation et de privilégier la rédaction d’un testament pour transmettre les biens notamment pour les raisons suivantes :

  • Les donations de biens génèrent en principe en Espagne une taxe sur la plus-value immobilière pour les donateurs, au taux de 19%.
  • Il n’existe pas de convention fiscale entre la France et l’Espagne pour éviter les doubles impositions en matière de donations. Une donation réalisée par un donateur résident fiscal en France portant sur les parts d’une société propriétaire d’un bien immobilier situé en Espagne sera donc soumise aux droits de mutation à titre gratuit en Espagne, selon les règles applicables dans la communauté autonome concernée, et en France. Les droits de mutation acquittés en Espagne seront imputés sur les impôts à payer en France.

L’acquisition et la transmission des biens par le biais d’une société dans un contexte international peut être un outil efficace et adapté mais il ne faut pas négliger les analyses fiscales et civiles en France et dans le pays étranger concerné pour être certain de ne pas prendre des décisions qui peuvent rendre l’aventure amère.

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Publié le 13 mars 2024, mis à jour le 14 mars 2024