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La détermination de la « résidence habituelle » dans un contexte international

A défaut d’avoir choisi expressément la loi applicable à votre situation, le critère de « résidence » prend de plus en plus souvent le relai pour déterminer la loi applicable à votre situation. Il en est de même pour déterminer la juridiction compétente.

LA DETERMINATION DE LA « RESIDENCE HABITUELLE » DANS UN CONTEXTE INTERNATIONALLA DETERMINATION DE LA « RESIDENCE HABITUELLE » DANS UN CONTEXTE INTERNATIONAL
Écrit par Notaires de France
Publié le 11 février 2024, mis à jour le 12 février 2024

En quoi cela est-il important de connaître sa « résidence » en droit International Privé ?

A défaut d’avoir choisi expressément la loi applicable à votre situation, le critère de « résidence » prend de plus en plus souvent le relai pour déterminer la loi applicable à votre situation. Il en est de même pour déterminer la juridiction compétente.

La notion de « résidence » est en effet le critère principal de rattachement à la loi ou à la juridiction d’un pays, en droit international privé.

Les divers instruments européens et les décisions judiciaires en font le critère de référence qui supplante désormais bien souvent celui de la nationalité ou du domicile civil (art.102 du code civil : lieu du principal établissement d’une personne de nationalité française).

La « résidence » répond en effet davantage au souci de proximité entre la loi applicable (ou le juge compétent) et la situation quand les parties n’habitent plus dans leur pays de naissance, ce, depuis quelques temps.

Il y a-t-il une seule définition de la résidence en droit international privé ?

Non. Et là est toute la difficulté. La notion de « résidence » n’est pas uniforme en droit international, elle diffère selon les textes qui sont applicables.

On parle de « notion autonome » parce qu’elle se définit différemment selon la matière considérée.

Le juriste devra donc faire preuve de soin lors de la détermination de la « résidence » dont découle, très souvent, la loi applicable ou le juge compétent.

La référence à la « résidence » dans les instruments internationaux :

La « résidence habituelle » est déterminée en droit civil avec des critères particuliers et différents selon les textes applicables (I). Elle ne doit pas être confondue avec le critère du «domicile» utilisé en droit fiscal international (II).

I – En droit civil : La définition de la « résidence » et les règlements européens.

Nous évoquons ici les principaux sujets pouvant vous intéresser, à titre d’exemple :

  • la détermination de la loi applicable au régime matrimonial.

A  défaut de choix de loi (contrat de mariage, désignation de loi…), il est fait référence pour connaître le régime matrimonial auquel on est soumis :

  • Au domicile commun des époux après le mariage, pour les mariages célébrés avant le 1er septembre 1992 (par application du droit commun en DIP)
  • A la loi de la première résidence habituelle des époux après le mariage pour les mariages célébrés entre le 1er septembre 1992 et le 28 janvier 2019 (par application de la convention de La Haye du 14 mars 1978)
  • A la première résidence habituelle commune des époux après la célébration du mariage pour les mariages célébrés après le 28 janvier 2019 (par application du règlement UE, 2016/1103 du 24 juin 2016)

La « résidence habituelle » n’est pas le « domicile des époux ». Comme le précise les considérants du règlement, pour déterminer la résidence habituelle, il faut regarder tant des éléments objectifs que des éléments subjectifs.Il sera ainsi recherché des éléments  telle la durée suffisamment raisonnable, pour considérer l’élément stable de la résidence « habituelle ».

  • la détermination du juge compétent ou de la loi applicable en matière de divorce.

Pour déterminer la juridiction compétente en matière de divorce, séparation de corps, ou annulation de mariage, le règlement Bruxelles 2 TER (RUE 2019/1111, du 25 juin 2019), dans son article 3, se réfère à la notion de la résidence habituelle.

Comme la notion de la résidence habituelle n’est pas davantage définie par le règlement, sauf dans les considérants qui intéressent plus particulièrement la responsabilité parentale1, les tribunaux utilisent généralement la définition dégagée par la Cour de Justice, qui la définit comme le lieu où l’intéressé a fixé le centre permanent habituel de ses intérêts, dans la mesure où il la personne a la volonté de lui donner un caractère stable(dans ce sens, cass.civ.1ère,14 décembre 2005 ; Bull.civ.2005, I, n°506).

Une fois la juridiction compétente déterminée, le juge de cette juridiction devra déterminer la loi applicable.

En l’absence de choix préalable des époux de loi applicable à leur divorce, le juge devra appliquer la règle de conflit de loi issue du règlement dit Rome III ( RUE n° 1259/2010, du 20 décembre 2010) quand la juridiction saisie est celle d’un Etat membre.

Attention : Ce texte ne régit que les questions de principe du divorce (il ne traite pas du nom, de la responsabilité parentale, de la liquidation du régime matrimonial, ni des obligations alimentaires, qui sont des questions traitées par d’autres règlements. Le règlement Rome III ne traite pas non plus de la procédure du divorce, qui relève de la loi du juge saisi).

L’article 8 du règlement Rome III pose une règle de rattachement hiérarchisée qui prend en considération les liens étroits tissés avec un pays par l’un ou l’autre des époux.

Le critère principal est, ici aussi, celui de la « résidence habituelle » des époux ou de l’un d’eux. Cela conduira généralement à ce que le juge saisi applique le plus souvent sa propre loi.

  • La détermination de la loi applicable à la succession.

A défaut de choix de loi par le défunt, pour déterminer la loi applicable à une succession ouverte depuis le 17 août 2015, conformément au règlement RUE 650/2012 du 4/07/2012, c’est encore la résidence habituelle du défunt au moment de son décès qui déterminera la compétence et la loi applicable à la succession (article 2 et ses considérants 23 et 24). C’est ainsi que l’appréciation est faite en fonction d’éléments justifiant d’un « lien étroit et stable avec l’Etat concerné » (nationalité,  durée, lieu de profession, centre de vie de la famille, vie sociale, le lieu de la résidence principale…)

II – En droit fiscal : la détermination de la loi applicable.

La France applique en matière d’imposition un système mixte selon l’article 4 A du code  général des impôts)  :

-les résidents français sont imposés de manière illimitée : l’assiette de leur imposition est composée de tous les revenus mondiaux qu’ils perçoivent.

-les non-résidents sont soumis à une obligation fiscale limitée : leur imposition se limite aux revenus perçus en France.

Depuis 1976, ce sont les notions de domicile fiscal ou de sources de revenus qui permettent de définir le champ d’application de l’impôt sur le revenu. Il n’est plus fait application de la « résidence habituelle » ni de la nationalité.

En France, pour déterminer la loi fiscale applicable, on se réfère de droit à l’article 4 B du code général des impôts. C’est ainsi que sont considérées comme ayant leur domicile fiscal au sens de l’article 4 A : les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal, celles qui exercent en France une activité professionnelle salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire, celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. Un seul élément de cette définition suffit à caractériser la domiciliation fiscale en France.

Toutefois, ce droit interne ne s’applique qu’en l’absence d’une convention fiscale internationale établie sur le modèle de l’OCDE. En effet, pour éviter les doubles impositions, certains pays ont signé avec la France des conventions fiscales permettant d’atténuer ou de supprimer une imposition dans chaque pays concerné : les pays ayant signé des conventions fiscales avec la France sont désignés sur le site impots.gouv.fr  « conventions fiscales internationales »

Quand il n’existe pas de convention, l’administration fiscale française admet, pour limiter les doubles impositions, de déduire de la base taxable en France, l’impôt déjà payé hors de France. D’autres allègements et exemptions existent pour certaines catégories de contribuables (expatriés, agents diplomatiques, travailleurs temporaires à l’étranger…).

Concernant la résidence, dans le cadre de l’article 4 B du CGI, l’administration fiscale ne recherche pas la « résidence habituelle » de prime abord, mais le foyer ou le lieu de séjour principal :

Le foyer est considéré être le lieu de résidence habituelle, à condition que cette résidence en France ait un caractère permanent pour le contribuable ou sa famille, quand il séjourne professionnellement de façon temporaire, ou le plus souvent, à l’étranger. On recherchera ici la notion du centre des intérêts familiaux (faisceaux d’indices tels : lieu de séjour et lieu de travail, lieu de scolarisation des enfants mineurs…).

Le lieu de séjour principal est apprécié quant à lui en fonction du nombre de jours de présence en France dans l’année, soit au-delà de 183 jours (plus de six mois), et ce même, si la famille réside à l’étranger. Ce, sous réserve de l’appréciation de l’administration.

Entre le foyer et le lieu de séjour principal, l’administration donne la priorité au lieu du foyer. Les deux autres critères (activité professionnelle non accessoire et centre des intérêts économiques ne seront pas abordés ici) .

Dans le cadre de la convention internationale (modèle OCDE) , les critères seront le foyer d’habitation permanent, le centre des intérêts vitaux, le lieu de séjour, la nationalité, et enfin la procédure amiable.

A défaut de convention, la vigilance s’impose car chaque pays a sa propre notion de la résidence dans son droit interne, et il faudra s’y référer.

L’appréciation actuelle des critères de la « résidence » par les tribunaux

Les tribunaux précisent les critères qui permettent de déterminer la résidence habituelle d’une personne. Ainsi, dans le cadre d’une succession, la Cour de cassation, par arrêt du 12 juillet 2023 (Cass. civ.1ère, 12 juillet 2023, pourvois n° 21-10905 et 21-11041 a rappelé qu’il fallait prendre en compte l’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès , prenant en compte tous les éléments de faits pertinents (durée, régularité de la présence du défunt dans l’Etat concerné et les raisons de cette présence afin de déterminer le lien étroit et stable avec l’Etat concerné).

En conclusion, et au regard des difficultés de détermination de la résidence habituelle, il peut être utile, dans un soucis de prévisibilité et de sécurité juridique, de prendre des dispositions et de procéder à un choix de loi lorsqu’il est permis par les textes internationaux. Pensez à saisir un notaire spécialisé en droit international privé pour désigner la loi que vous souhaitez applicable à votre régime matrimonial, à votre succession et même, à votre divorce éventuel. Abordez également avec lui votre situation fiscale.


[1] Considérants 16, 18, 20, 21 et suivants du RÈGLEMENT (UE) 2019/1111 DU CONSEIL du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants (refonte)t

 

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Publié le 11 février 2024, mis à jour le 12 février 2024