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Vivre en expatriation avec un enfant autiste, une histoire d'amour et d’adaptation

En cette journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, lepetitjournal.com donne la parole à Claire*, expatriée depuis 25 ans et maman de trois enfants dont un atteint d’un trouble autistique. Un témoignage bouleversant, rempli de résilience, “d’amour et d’admiration” pour “un être atypique et unique”.

Un enfant autiste en expatriation est un défi mais aussi beaucoup d'amour Un enfant autiste en expatriation est un défi mais aussi beaucoup d'amour
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 1 avril 2024, mis à jour le 19 avril 2024

 

 

Créée en 2007 par l’ONU, la journée mondiale de l'autisme a lieu le 2 avril et veut sensibiliser le grand public au trouble du spectre autistique (TSA) mais aussi promouvoir l'inclusion des personnes autistes dans la société. Près d’1% de la population mondiale serait concernée. L’autisme est un trouble du développement qui se manifeste par une altération de la communication et des interactions sociales, selon la définition officielle. C’est bien plus pour les personnes touchées et leur entourage, comme en témoigne avec beaucoup d’émotion, Claire*, expatriée depuis 25 ans et maman de Victor*, atteint d’un trouble autistique de haut niveau.**

 

Le diagnostic doit être posé par un professionnel médical, pour que cela ne soit plus qu’une simple supposition de notre entourage.

 

la différence fait peur et pourtant elle est belle

 

 

Une éducation à petits pas, puis le diagnostic

Claire choisit de suivre son mari en expatriation. Ensemble, ils parcourent sept pays du monde avec leurs trois enfants. Depuis son plus jeune âge, la maman pressent un trouble chez son petit dernier, Victor*: “Un enfant agité, comme un lion en cage qui interagit différemment des autres. J'ai toujours pensé qu'il avait un trouble autistique et autre chose, depuis tout petit. Chaque être humain est unique c'est certain mais il avait un côté unique.” Claire insiste plusieurs fois pour le faire tester auprès du personnel médical mais celui-ci refuse (ou n’est pas assez compétent), focusant sur d’autres problèmes de santé qu’a Victor. 

“Au quotidien, je ne pouvais pas l'éduquer comme mes deux autres enfants, malgré tout. C'est un être atypique. Notre vie, et donc notre quotidien est très atypique aussi, ce qui peut fonctionner avec un enfant neurotypique ne fonctionnera pas avec cet enfant-là. Je l'ai appris au fil du temps, seule, en avançant petit à petit face à l'incompréhension souvent. Mais toujours avec tant d'amour et d'admiration pour mes trois enfants. Dans l'adversité du quotidien, on apprend tant sur soi, sur l'autre.” confie la maman expatriée. A 14 ans, le diagnostic est enfin établi : Victor a un trouble du spectre de l’autisme (TSA) de haut niveau, ou Asperger**. Claire réalise l’importance de poser un diagnostic, qui enlève une forte dose de culpabilité et d’incompréhension : “Si le pays a trop peu de ressources pour faire des tests, il ne faut pas hésiter à rentrer…” conseille-t-elle avec du recul, mettant en garde sur les effets de mode : “Tout le monde est TDAH de nos jours. Le diagnostic doit être posé par un professionnel médical, pour que cela ne soit plus qu’une simple supposition de notre entourage.” 

 

 

l'autisme en expatriation, un défi d'adaptation et de diagnostic

 

 

Peu importe le pays où l'on se trouve, il faut s’armer de patience, faire des recherches pour s’entourer des meilleurs professionnels. Si le pays a trop peu de ressources pour faire des tests, il ne faut pas hésiter à rentrer…

 

Le défi de l’adaptation d’un enfant autiste en expatriation 

A chaque expatriation, la famille découvre un nouveau pays d’accueil mais aussi une culture et des approches médicales différentes sur place. En choisissant de s’expatrier, Claire a conscience qu’elle a aussi fait le choix de l'adaptabilité. "Mon seul souhait est le respect de chacun, puisque dans chacun de nous, il y a quelque chose d'unique, de magnifique et que l'on peut tous apprendre.” À chaque arrivée, “j’ai dû faire beaucoup de recherches, demander des informations, étudier des options de scolarité et d’aide.” raconte Claire. Le défi est grand pour la maman, avec un dénominateur commun dans son combat : “peu importe le pays où l'on se trouve, il faut s’armer de patience, faire des recherches pour s’entourer des meilleurs professionnels.” avoue Claire, se souvenant de la réticence de certains pays et même de certaines écoles à la neurodiversité. 

L’adaptation met plus de temps avec le trouble autistique de Victor. La famille s’appuie sur des ressources, comme se construire un “chez soi” très personnalisé et chaleureux. “C’est un cocon qui nous permet de nous recentrer, nous relaxer, une bulle d’oxygène essentielle. Parce que, face à un quotidien un peu atypique justement, se retrouver dans notre monde à nous, permet de retrouver ses repères. Et peu importe où l’on soit sur le globe.” explique Claire. Dans ce foyer, leur chien de compagnie a un grand rôle “Je sais que cela peut prêter à sourire mais notre chien est devenu un thérapeute, qui aide chaque membre de la famille par sa présence notamment.” 

 

la maman d'un enfant autiste auprès de ses enfants pour les guider

 

 

Trouver une école est un sujet complexe et une source de stress

 

Mais, en dehors du cocon familial, Claire doit aussi trouver un établissement éducatif adapté. “ Trouver une école est un sujet complexe et une source de stress. Nous avons dû changer Victor d’école pendant notre expatriation à Singapour car nous considérions qu’il était victime de harcèlement". Aujourd’hui, il est dans un établissement “absolument formidable, avec un corps enseignant aidant et à l’écoute.” souligne la maman, ajoutant que trouver la bonne structure contribue au bien-être de tous.  

Troubles de l’apprentissage et inclusion scolaire, un défi à l’échelle mondiale

 

On peut sentir parfois seule dans ce combat, que je nomme “ma vie parallèle”. Une vie peu visible à l'œil nu, dans le quotidien.

 

 

Ouvrir l’esprit sur l’autisme et l’inclusion, surtout en expatriation  

Malgré des avancées certaines, et s’appuyant sur sa propre expérience expatriée, Claire constate qu’il y encore beaucoup de travail en matière d’inclusion d’enfants atteints d’autisme. La maman se souvient notamment d’un professeur lui reprochant que son fils est toujours en décalage dans son raisonnement, sans comprendre, selon elle, que Victor réfléchit différemment “ Il a une pensée unique, il réfléchit en arborescence, il fait des liens, il est rapide, vif, mais aussi ultra sensible. C'est cela qu'il faut constater, malgré les défis.” 

 

Comment gérer l'hypersensibilité d'un enfant expatrié ?

 

Claire n’a pas toujours eu les réponses à ses questions ni l’aide dont elle avait besoin : “On peut sentir parfois seule dans ce combat, que je nomme “ma vie parallèle”. Une vie peu visible à l'œil nu, dans le quotidien. Il est difficile d'expliquer parfois en détail ce que nous vivons, même à ses amis mais leur énergie me fait tant de bien. Ils sont là et je me sens chanceuse de les avoir, depuis tant d'années.” souligne-t-elle, rappelant qu’il est indispensable de s’entourer des bonnes personnes, pas seulement professionnelles. “ Cela m'a pris du temps de ne plus craindre le regard de l'autre. Nous en avons fait une force mais se sentir toujours en décalage a parfois été difficile”. Claire se souvient notamment de la phrase blessante d’une directrice en Suisse, lorsque Victor avait 5 ans : "Si l'année prochaine il est encore comme cela, on ne le gardera pas." ou d’une punition régulière de rester assis sur une chaise, lui qui justement peine à rester immobile… 

 

l'enfant autiste est unique, atypique et créatif

 

 

“C’est un battant, il apporte tant au monde d'aujourd'hui. Je sais qu'il ira loin”.

 

À l'occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, la maman partage son souhait profond : “Qu’on avance en terme d'équité, d'ouverture d'esprit et peut-être même de connaissances sur des faits liés à l'autisme à l’étranger. Cessons les stigmas, nous devons réaliser que ce sont des êtres humains très intelligents, sensibles, qui perçoivent l'environnement différemment de personnes neurotypiques. Là est toute la richesse du monde dans lequel nous vivons.” Aujourd'hui, Victor a 16 ans et est en train de passer son IB en Asie où il vit avec sa maman et ses sœurs. Claire est très fière “C’est un battant, il apporte tant au monde d'aujourd'hui. Je sais qu'il ira loin”.

 

*Les prénoms ont été changés à la demande des personnes interviewées. 

 

**Aujourd'hui, l'autisme est appelé trouble du spectre de l'autisme (TSA). Les symptômes sont multiples et leur intensité variable. L’autisme conventionnel et le syndrome d’Asperger sont couramment désignés comme des troubles du spectre autistique. Le syndrome d’Asperger est un trouble neurologique complexe affectant la socialisation, la sensibilité sensorielle, la motricité, le caractère et le langage d’un individu. Il s’agit d’un trouble non-évolutif qui peut être diagnostiqué chez le très jeune âge. Le syndrome d’Asperger n’implique aucun déficit intellectuel. Le diagnostic est complexe car le comportement de l’enfant Asperger, atypique, est à première vue pas assez handicapant pour envisager une pathologie. Aujourd’hui, la formation de psychiatres et psychologues est parfois insuffisante et conduit à des erreurs de diagnostic